1. La gare

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La plus belle gare d'Europe... il paraît. Pas les clients les plus agréables en tout cas ! Méléa perdait patience avec la vieille dame qui voulait aller voir son petit-fils dans un mois... Voilà plusieurs fois qu'elle lui sortait son billet, mais à chaque fois quelque chose n'allait pas : soit la correspondance était trop courte, soit le temps de trajet trop long, soit le prix trop cher... Elle ne savait plus quoi lui proposer pour la satisfaire.

— Et si vous demandiez à votre petit-fils de venir ? Vous l'attendriez chez vous, tranquillement ! tenta-t-elle avec son plus beau sourire.

Sa cliente réfléchit longuement puis lâcha :

— Si vous ne voulez pas me servir, je vais ailleurs !

Elle remballa son agenda, son porte-monnaie et tourna les talons en maugréant sur ses gens pas français qui croyaient tout mieux savoir que tout le monde. Méléa n'aurait pas eu la peau mate, elle aurait parié que sa jeunesse aurait pris un coup à la place. Elle remit ses cheveux bouclés derrière l'oreille et sourit au prochain client.

— Monsieur, en quoi puis-je vous aider ?

Certes, son lieu de travail tout en pierres jaune avait du charme. Un peu comme ce monsieur d'ailleurs. Elle se plaisait à imaginer leurs vies, comme on pouvait le faire à partir d'un tapis de courses. De beaux yeux clairs, une alliance, un voyage aller-retour en un week-end, peut-être allait-il rejoindre sa femme ou... sa maitresse. Méléa lui tendit son billet en récitant les formules de courtoisie et se tourna vers le client suivant. Un couple à la mine énervée... Une réclamation à tous les coups.

Soudain, une boule blanche fusa dans la salle, percutant les portes vitrées. Personne ne réagit à part elle. Seuls ceux en contact avec la magie pouvaient en voir ses manifestations. La boule de poils fit s'envoler quelques brochures avant de stabiliser sa course sur le comptoir de Méléa. Elle eut toutes les peines du monde à ignorer la boule de poils si mignonne dont les grands yeux la fixaient sans gêne. La magie n'était pas pour elle, elle n'en voulait pas dans sa vie. Jamais. La créature finit par abandonner l'idée de recevoir de l'attention et glissa le long de son comptoir avant de filer. Méléa se tenait à l'écart depuis si longtemps qu'elle ignorait même son nom. Reprenant contenance, elle subit l'assaut d'injures de ses clients, restés coincés deux heures dans un train sans climatisation. Au moins ici, faisait-il frais.

Méléa enchaîna les clients jusqu'à ce qu'ils se raréfient et que la nuit tombe enfin. Vingt-deux heures, fermeture des guichets. Avec un soupir, elle empoigna son trousseau de clefs, ses affaires et claqua les pavés de ses talons jusqu'à la porte en verre qu'elle verrouilla. Elle ne peut s'empêcher de vérifier qu'aucune bestiole incongrue n'était coincée à l'intérieur, puis se dirigea vers la sortie. Elle jeta à peine un regard aux vitraux et passa sous les arches jusqu'à la place pavée du Général de Gaulle. Par réflexe, son nez se leva vers le ciel pour chercher les étoiles. Quasiment invisibles avec l'éclairage public. Elle poursuivit sa route, profitant d'être à l'air libre. Il faisait encore lourd, elle allait avoir du mal à dormir encore une fois ce soir.

Méléa traversa la voie de bus et longea l'ancienne Poste, ce grand bâtiment rouge qui n'avait pas grand-chose à envier à la gare elle-même. Elle adorait la ville de Metz. Et pas seulement parce que sa famille y vivait depuis toujours. L'architecture y était spéciale avec ses petits balcons et façades ouvragées des années 1900. Elle traversa les quelques rues jusqu'à atteindre l'avenue Foch et son petit studio sous les toits. Elle ne pouvait pas s'offrir beaucoup plus grand, mais c'était suffisant pour elle seule.

Un canapé-lit, une kitchenette et une petite télévision posée sur un meuble branlant qu'elle n'allumait jamais. Elle fit tomber ses talons et ouvrit en grand les velux dans l'espoir de rafraichir l'atmosphère. Son frigo faisait triste mine : quelques tomates et un reste de fromage. Cela devrait suffire pour ce soir, elle n'avait pas envie de manger chaud. Sa salade dans un bol, elle venait à peine de se poser dans le canapé qu'on frappa à sa porte.

Le bruit la fit sursauter, tant le fait qu'elle reçoive de la visite était surprenant. Son temps de réaction devait être trop long pour la personne derrière, car on frappa à nouveau. De quoi la rendre suspicieuse. Qui cela pouvait-il être ?

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Image : Par Florian Pépellin — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=79922897


Méléa et le GraoullyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant