3 - Mauvaise surprise

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Méléa ne parvenait pas à décolérer. Des livreurs de nourriture pour messager... Son humeur était gâchée, elle n'avait plus aucune envie de se promener dans la ville. Tant pis pour la balade. Ses pas la conduisirent donc vers chez elle mais une silhouette à l'entrée de son immeuble la stoppa net. Qui était-ce ? Encore un livreur ? Non, la personne avait une canne et des cheveux gris et... la foudroyait du regard. Tante Reyda en personne. Elle lui jeta son regard le plus noir mais quelque chose chez elle doucha toute la colère de Méléa : Reyda était voutée, les traits cernés et on se demandait qui de la canne ou de sa tante s'appuyait sur l'autre.

— Te voilà enfin !

Méléa ouvrit la porte d'entrée et commença à grimper les marches.

— Tu te rends compte l'énergie que ça me coûte de te courir après !

Méléa soupira. Elle n'avait plus envie de se battre. Pas quand son adversaire perdait son souffle dans les premières marches de l'escalier, même si ça ne l'empêchait pas de grogner à son encontre.

— Des jours... pour trouver ta... nouvelle adresse. Sans compter ces... livreurs... hors de prix. Tu me dois... 27€ d'ailleurs... Si tu avais... gardé ton téléphone... fille ingrate. On t'a tout donné... et c'est comme ça... que tu nous remercies ! En nous... ignorant !

Méléa referma la porte de son studio sur sa tante. Cette dernière claqua sa canne sur le parquet et s'assit en plein milieu sur le canapé.

— Un verre d'eau !

Pas de s'il te plait ou de merci. Méléa s'exécuta et tira une chaise en face d'elle. Si sa tante avait pris la peine de venir jusqu'à elle, ce n'était pas seulement pour la houspiller. L'urgence devait bien être présente. Elle patienta cependant deux verres d'eau et quelques insultes supplémentaires avant de lâcher les mots qui lui brûlait les lèvres.

— Ma mère ?

— Ah, maintenant tu t'en soucies ! Ne pas donner de nouvelles à sa pauvre mère pendant si longtemps... À sa place, je...

— Qu'est-ce qu'elle a ?

— Elle est malade.

— Malade ? Mais... et la magie ?

Une ombre soucieuse voilât les yeux de Reyda.

— La magie ne tourne plus rond. Tu ne l'as pas senti ?

Méléa haussa les épaules. Elle ne l'avait jamais utilisé. Sa connexion avec elle était pour ainsi dire quasi inexistante. Une moue de mépris plissa les lèvres de sa tante.

— Non, bien évidemment que non.

Voilà la raison pour laquelle elle avait coupé les ponts. Sa famille n'acceptait pas que la magie n'était pas pour elle. À chaque fois, chaque rencontre elle s'en prenait plein la tête. Elle aurait préféré être critiquée sur son célibat ou son travail comme dans les familles ordinaires plutôt que sur ce choix qu'elle avait fait depuis petite. Ces mots suffirent à faire perdre patience à Méléa qui se leva.

— Si tu n'es venu que pour m'insulter, tu peux prendre la porte !

— Oh, ça va, pas la peine de se mettre dans tous ses états. Je suis venue te chercher pour t'emmener voir ta mère. On ne sait pas... si...

La voix si assurée de sa tante se brisa et ses yeux s'embuèrent d'émotion. Elle renifla et râla pour la forme :

— Trop poussiéreux ton appartement. Bon prends des affaires pour quelques jours et on y va.

Méléa obéit, l'estomac noué. Elle fourra trois tenues dans son sac de sport et ferma les velux avant de récupérer son sac à main, sous l'œil scrutateur de sa tante.

— Perdons pas de temps. Je te suis.

— Bien.

Elles descendirent les marches en silence. Après le coup d'éclat de leurs retrouvailles, un profond malaise les enveloppait désormais toutes deux. Quoi se dire quand cela faisait six mois qu'on s'était quitté sur la dispute du siècle ? Méléa ne comptait revenir vivre avec eux. Elle voyait sa mère, l'aidait à se rétablir et repartait aussitôt reprendre son train-train quotidien. Ah ! Le boulot ! Elle devait travailler demain.

— Je dois appeler le boulot.

— Si tu avais pris un travail dans notre communauté, tu ne serais pas embêté avec ces affaires d'inaptes.

Inaptes. Incapables. Parasites. Tant de mots pour désigner les êtres humains qui n'étaient pas nés du bon côté de la magie. Méléa ravala sa bile et continua de la suivre dans les rues de Metz tout en demandant un congé en urgence au téléphone. Elle dut batailler un long moment jusqu'à ce sa responsable se résigne à la mention de « congés sans solde ». Ils étaient arrivés au plan d'eau et Méléa s'arrêta, perplexe. Elle ne se souvenait pas que l'entrée du bastion soit par ici.

— Un raccourci réservé aux vieilles dames.

— Sans passer par la rue biscornue ? Ni l'écoulement des flux ?

— Chemin X, zone 4, symbole ongulé, et nous y serons.

Elle pointa du doigt un des croisements du plan d'eau.Méléa n'aurait jamais trouvé que le message désignait celui là en particulier.Des croisements en forme de croix, il y en avait des tas dans ce parc !


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⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2022 ⏰

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Méléa et le GraoullyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant