- Quand tu as tout perdu, va faire un tour en Italie.
Ondine entendait la voix de son père résonner dans sa tête. Cela faisait déjà un an qu'il n'était plus là. Son accent italien depuis le ciel lui réchauffait le cœur et dans son train direction l'Italie, cette phrase la confortait dans son choix.
- Fermata : Sanremo.
Le train venait de s'arrêter et la voix à peine compréhensible du conducteur annonçait l'arrêt d'Ondine. Sanremo, une ville côtière où son père avait appris à pêcher, elle espérait pouvoir y sentir l'air frais de la mer et retrouver un sens à sa vie, il faut dire que ces derniers temps n'avaient pas été très faciles...
Ondine descendit en même temps que de nombreux touristes bruyants et impolis. "Normal, ce train vient de Suisse." pensa-t-elle en se moquant de son pays natal.
La jeune femme marcha jusqu'au port afin d'enfin respirer la brise marine. Ses poumons se remplirent d'un air salé et apaisant, elle les gonfla jusqu'à leur limite puis elle relâcha tout d'un seul long souffle. Après cette respiration, elle eut l'impression que tout ce qui lui pesait sur le cœur venait de disparaître en même temps que l'air qu'elle venait d'expirer. Elle observa encore quelques minutes les vagues et les mouettes planant naturellement au-dessus de l'eau puis elle partit à la recherche d'un café.
Elle ne mit pas longtemps à trouver une petite terrasse en face de la mer, elle commanda sa boisson favorite. Heureusement, son père lui avait appris l'italien, alors la communication avec les locaux était plutôt simple.
- Vous savez ce qu'il y a de sympa à faire ici ?
Le serveur qui venait lui déposer son café la fixa quelques instants puis sortit de sa poche ce qui semblait être un journal local.
- R'gardez dans ça.
Il jeta dédaigneusement la revue et s'en alla. Ondine l'ouvrit tout en touillant son café puis découvrit le programme de ces deux prochaines semaines.
"Balades en catamaran, "Plongée sous-marine", "Spectacle de cirque", "Festival du bichon maltais". Toutes sortes d'animations étaient proposées mais une retint particulièrement son attention. "Le cirque Rizzo vous propose son spectacle : Clowns, Fakirs, Acrobates et tant d'autres talents sauront ravir vos yeux ébahis. Rendez-vous le 03-04-05 août à 20h."
La jeune femme n'était jamais allée au cirque et les photos de tous les artistes absorbaient son regard. Un clown trop triste pour faire rire portait un drôle de chapeau avec des hélices, un autre plus joyeux semblait crier aux lecteurs du journal de venir voir son spectacle, enfin, un haltérophile cachait ses yeux derrière ses cheveux mais faisait reluire ses muscles saillants.
Il fallait qu'elle aille voir ce spectacle. Ondine ne savait pas qui du café ou du journal l'avait rendue autant énergique, mais elle ne put rester une seconde de plus assise. Elle paya sa consommation et partit à la recherche du cirque dans la ville, le spectacle n'était qu'à 20h mais elle avait déjà envie de découvrir le lieu.
Elle marcha quelques minutes et aperçu le haut du grand chapiteau rouge et blanc, un petit drapeau triangulaire flottait tout en haut, il semblait l'appeler. Elle se laissa guider jusqu'à ce qu'une voix l'interpelle.
- Oh, c'est ce soir le spectacle ma vieille.
- Pardon, je me suis laissée emporter.
Elle s'excusa tout en cherchant du regard la voix qui lui parlait.
- C'est quoi ce sourire ridicule ? Dégage d'ici.
Ondine trouva enfin son interlocuteur, c'était un adolescent qui collait des affiches pour le show sur des panneaux. Gênée par la remarque, elle s'en alla très vite. Son sourire ridicule, elle n'y pouvait rien, née avec une déformation neurologique, c'était la seule expression qu'elle était capable d'aborder. Même si la plupart des gens ne remarquaient pas sa particularité, lors de situations négatives comme celle-ci, il était difficile de passer à côté.
Un peu déprimée par cet incident, Ondine passa son après-midi dans une chambre d'hôtel qu'elle avait loué pour la semaine.
19h30, l'heure du spectacle arrivait à grands pas, même si les événements de la matinée l'avait un peu découragée, elle rêvait toujours d'assister à ce show. Elle se rendit au même endroit et à la caisse, elle retomba nez à nez avec l'adolescent, sauf que son visage avait changé, un énorme cocard entourait son œil gauche.
- C'est elle maman...
Le garçon pointa du doigt Ondine et une femme apparu dans la petite cabine.
- Ma belle dame, désolée pour ce qui vous est arrivé tout à l'heure, mon fils s'est trop battu, il lui manque quelques neurones. Ne payez rien, je vous offre la place pour me faire pardonner.
La vendeuse plaqua un ticket dans la main de la jeune femme et l'invita à avancer. Choquée par ce geste, Ondine ne réagit plus, mais les petites guirlandes qui menaient jusqu'au chapiteau l'attirèrent très vite à l'intérieur. Elle s'assit au plus près de la scène et très vite toutes les lumières s'éteignirent. Des applaudissements et des cris d'encouragements retentirent. Puis un spot éclaira une femme qui se tenait au milieu prit la parole.
- Mesdames, Messieurs, mes chers enfants, bienvenue au cirque Rizzo ! Ce soir, vous allez vivre une aventure surprenante, drôle, impressionnante...Mais assez parlé, veuillez tout de suite accueillir notre duo de clowns : Mozart et Salieri !
Le spot fit disparaître Madame Loyal pour laisser place aux deux clowns qu'Ondine avait remarqué sur le journal. Tous les deux étaient revêtus d'une tenue de pêcheurs ainsi que de cannes à pêche. Le clown triste de la photo du lui rappela son père, lui aussi était pêcheur et son air bougon faisait parfois peur aux enfants qui traînaient au port. Son acolyte semblait heureux d'être sur scène, il regardait chaque personne du public avec un regard gratifiant.
Une musique grotesque commença, ils se mirent en action. Les deux lancèrent leurs hameçons dans le sable et attendirent, quelques secondes après, le clown au long nez fit mine d'avoir attrapé quelque chose. Le poisson semblait bien trop gros pour être tiré tout seul, alors son coéquipier lâcha sa canne à pêche pour venir l'aider à tirer.
Mais d'un coup, la fausse prise lâcha et les deux clowns tombèrent par terre. La foule rigola tout en applaudissant, les clowns présentèrent leur show pendant une dizaine de minutes puis ils firent place à un duo de fakirs.
Ils installèrent une planche de clous et se mirent debout pour commencer une valse, leurs corps s'enroulaient et flottaient au dessus des dangereux pics d'une manière envoûtante, leurs costumes virevoltaient grâce à la vitesse et Ondine eut presque l'impression qu'ils allaient s'envoler. A la fin de la danse, totalement charmée, les larmes aux yeux et le cœur battant, la jeune femme se leva de son siège et applaudit de toutes ses forces, elle n'avait jamais vu une aussi belle représentation. Le danseur l'aperçut et lui fit un grand sourire avant de quitter la scène, Ondine fut aux anges, c'était la plus belle soirée de sa vie.
S'en suivirent ensuite acrobates, haltérophiles, voltigeurs équestres, tout pour créer le plus impressionnant spectacles aux yeux d'Ondine.
Lorsque les lumières s'éteignirent, elle ne voulait même pas sortir du chapiteau, elle en voulait encore ! Ce jour-là, elle su que ce cirque serait la prochaine étape de sa vie.
Elle quitta la tente sombre en murmurant :
- À bientôt.
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Ondine, le sourire au bout des lèvres
General FictionOndine Moulin est une jeune femme à qui l'on a tout pris. Seule et sans but, elle décide de visiter l'Italie, le pays natal de son père adoptif. Un soir, elle se rend à un spectacle de cirque, cette rencontre avec les arts de spectacle allait sans q...