𝑻𝑶𝑶 𝑳𝑨𝑻𝑬

𝑷𝑹𝑶𝑳𝑶𝑮𝑼𝑬

𝙋𝙤𝙞𝙣𝙩 𝙙𝙚 𝙫𝙪𝙚 𝙙𝙚 𝙇𝙚𝙣𝙣𝙤𝙣 𝘼𝙢𝙖𝙧𝙚𝙩𝙩𝙞

Le chaos et l'extravagance du monde ne semblait me laisser aucun répit ce soir . L'agitation inlassable environnante contrasait à son paroxysme avec l'immobilité de mon corps, adossé à un des murs, les bras croisés sur mon torse . La frénésie du backstage pétillait telles les bulles d'un bon vieux champagne français . Mes yeux filant sans relâche à travers la foule de jeunes hommes et de jeunes femmes noyés dans l'opulence de leur code vestimentaire . Un sourire parcourait mes lèvres . L'odeur du parfum trop concentré, les différentes poudres désabusées qui métamorphosaient les visages, les kilomètres de tissus subtiles mais superficiels et surtout les millions de lumières aussi embellissantes qu'avillisantes . Voici à quoi ressemblait les défilés de mode de la grande coutière Natalia Amaretti, ma mère . Certes, ses devoirs de mère avaient été bafouées mais c'était au prix d'un travail acharné et sans relâche qui lui avait valu ses grands talents de couturière et sa renomée internationale . Ce sont ces sacrifices qui lui avait permis d'acquérir la lourde couronne de reine de la mode . Mais cela faisait bien longtemps que j'étais passé au dessus de ça . L'icône Natalia Amaretti ne vivait que pour les strass, les paillettes et les tissus raffinés comme le velour, le satin ou la soie .

Ce milieu ne m'appartenait pas . J'admirais la haute couture avec passion, j'aurais pu devenir un créateur à mon tour si je l'avais souhaité . L'accès à la voie aurait pu m'être apporter sur un plateau d'argent . Mais je préférais de loin être un observateur de ces belles choses plutôt qu'un acteur . Ma stupéfaction avait toujours été portée sur le fait que l'on puisse changer des pièces de tissus sans vie en une œuvre d'art en relief . J'étais né pour que cela me plaise .

Mais ma méprisance envers les mannequins arborait chaque parcelle de mon être . Ces pauvres gens sans sourrires ne semblaient que vivre avec les pièces de grands couturiers sur leur dos sur le catwalk . Surtout ceux de l'icône de la mode qui me servait de mère . En dehors, il ne semblait être que des coquilles vides en dépit de leur beauté physique presque divine . Mais après tout qu'est ce que la beauté dans les yeux d'un Homme ? Mais même blasé par l'excellence, mes yeux ne pouvaient s'empêcher de savourer le délice de leur ravissance héritée d'Apollon et d'Aphrodite . Inconsciemment, je cherchais quelle femme ou quel homme je mettrais dans mon lit ce soir .

Malgré mon devoir de fils prodigue exigeant ma présence à ce défilé, l'ennui du diable me rattrapa bien assez vite . Je me devais de pimenter cette soirée répétitive et lassante . Ce n'était qu'un défilé parmi tant d'autres . Mes mains glissèrent dans les poches de mon pantalon noir . Mes doigts sentirent immédiatement le petit sachet de plastique froid . Un sourire en coin naquit sur mon visage en me rappelant le petit divertissement que j'avais mis là quelques heures auparavant dans la possibilité de mon désintéressement de la soirée . La soirée s'annonçait tout à coup plus plaisante.

Mais un sursaut me secoua dans ma rêverie euphorique quand un main se posa sur mon épaule . Mais je reconnu bien assez vite les traits de ma sœur Love . Love, l'aînée des Amaretti, la gloire de notre nom à seulement 21 ans, l'immense et talentueuse chanteuse pour qui le monde vibrait déjà à l'international et parfois ma confidente insoupsonnée à mes heures perdues . En ce jour de gloire pour notre nom, ses cheveux de jais parfaitement lisses retombaient sur sa robe sirène tressée de fils argentés, signée Amaretti . Ma bouche se retrouvait bien trop écorchée de lui avouer que je la trouvais particulièrement classe . Elle se plaça à mes côtés, face à l'agitation tumultueuse de la foule, ses ongles soignées tapotant inlassablement sur sa pochette avant d'affirmer :

-C'est la folie ce soir.

-C'est bien vrai, j'acquiesa, mes yeux rivés sur les techniciens portant les portoirs de robes qui valaient plus que leurs salaires, les organisateurs agités par le soucis du détail et les mannequins sensiblement inexpressifs.