PARTIE 1 : Toi, Moi et le monde.
Vendredi 14 juin
Je broie dans le noir, j'ai regardé mon portable, il est presque six heures du matin, cinq heures et quarante-huit minutes pour être plus précis. Allongé dans mon lit, bras droit posé sur mon front, je regarde dans le noir en direction de mon plafond, les stores de ma fenêtre située à ma gauche sont fermés et ne laissent entrer aucune source de lumière provenant de l'extérieur.
— C'est Moi, dis-je.
Cela arrive de temps en temps que je me réveille comme ça. Mais aujourd'hui, c'est un peu exceptionnel, c'est mon dernier jour de lycée, demain c'est les grandes vacances d'été et après ça, la rentrée à l'université.
Je divague dans les mouvements les plus profonds de ma conscience. Je me pose des questions, j'imagine le futur, je m'imagine dans ce futur. Je me demande si je peux ressentir des émotions ? La réponse est certainement oui comme tout être humain normalement constitué comme moi. Mais tu vois, j'ai l'impression de ne rien ressentir.
Je jette un coup d'œil à ma chambre que j'arrive à peine à percevoir, elle est en désordre comme ma table de chevet où sa surface est débordée de papiers, de produits d'hygiènes, de lettres et d'accessoires. Je relève les yeux dans l'obscurité.
Quand je suis heureux, je ne le ressens qu'à la dernière minute, que dis-je, à la dernière seconde. Je plonge dans mes réminiscences.
Avant-hier en rentrant de chez moi, il a plu. Il a plu tellement fort que j'ai dû courir sous la pluie afin de rentrer chez nous, mais c'est seulement à deux pas du portail de l'immeuble que je m'en suis rendu compte : être trempé sous la pluie me rendait si heureux, comme un enfant qui apprenait à jouer avec de la pluie. Cela m'importait si peu d'être trempé que j'y suis retourné profiter quelques minutes de plus, avant de finir congelé au pas de ma porte.
Mes sentiments me sont à la fois étrangers et à la fois confus. Hier j'ai pleuré. Je suis sûr et certain que j'étais triste, je le ressentais dans mon cœur. En effet, j'ai tellement pleuré que mes yeux se crispaient à chaque battement de cils et mon oreiller se retrouvait mouillé de partout à force de le retourner.
Pourtant je pensais seulement à notre futur dans un monde qui nous refuse et qui nous accepte à la fois. Un peu comme maintenant. Mais cette fois-ci je ne pleure pas.
Enfin, aujourd'hui je me réveille si tôt, est-ce parce que je suis stressé ? Je l'ignore. Mes émotions sont à la fois si visibles à mes yeux mais à la fois si invisibles. Si j'étais réellement stressé, de quoi aurais-je peur ? De la fin de quoi ? Du lycée ? Ou plutôt ma fin à moi ? Le changement arrive à grand pas, je le sens et il temps pour moi d'en finir avec moi-même.
Je me penche légèrement vers le côté, mon esprit erre toujours mais le toucher de mes draps en soie me rend un peu de ma lucidité. C'est seulement temporaire puisque je m'enterre à nouveau.
On nous dit d'écouter nos émotions, enfin, c'est plutôt moi, on m'a dit d'écouter mes émotions, mais dans mon cœur je ne ressens rien, dans mon corps je ne ressens rien. C'est en quel que soit normal, non ? Puisque je te parle.
Toi, le vrai propriétaire de ce corps et de ce cerveau, tu es celui qui a vécu en premier. Je suis en quelques sorte ton autre toi. Je semble te cacher et te réprimer afin que je puisse passer pour l'homme que les autres souhaitent que nous devenions. Alors qu'en réalité non, c'est plutôt Toi qui as abandonné ce corps et ce cerveau et qui a décidé de partir précocement, tu as fui en me créant.
Tu es tout l'opposé de moi. Je suis timide, asocial, introverti et sympathique.
Oh, non, je ne dis pas que tu es méchant. Non, je dis simplement que toi tu es beaucoup plus extraverti et sociable que moi, tu saurais comment parler aux gens et comment te faire des amis proches comme tu le faisais bien avant que je n'arrive.
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Toi et Moi dans le même corps
Teen Fiction"Je me réveille. C'est Moi qui est encore en charge de ce corps et de ce cerveau. Tellement de choses se sont passées depuis que j'ai pris vie et que Toi tu as été laissé de côté. Tellement de choses que tu as manquées car c'est Moi qui te contrôl...