Chapitre 1

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Le ciel était gris, l'orage menaçait. Ce n'était pas un temps à sortir dehors, cependant, la plus part des gens se devaient de mettre le nez hors de chez eux. On ne connaissait pas grand monde, inclus en société, qui pouvait rester chez lui dès la moindre petite goutte de pluie. Pour avoir un toit il fallait payer des factures, et pour payer les factures on se devait d'aller travailler. Et même si une population plus jeune ne travaillait pas forcement, cette catégorie rentrait elle aussi dans la chaîne ; pour décrocher un job, aller en cours semblait nécessaire.

Cela signifiait donc que Lee Felix se devait d'aller au lycée. Capuche recouvrant ses cheveux argentés, pull noir trop large qui laissait voir seulement le bout de ses doigts, et jean d'un gris délavé troué, sa jambe droite tressautait inlassablement contre le siège du bus. Des chaines étaient accrochées à sa ceinture, retombant sur une de ses cuisses, celle qui ne bougeait pas. Sa main droite restait accrochée à un cadenas, ses doigts s'acharnant autour de l'objet métallique d'un geste automatique et, aussi étonnant que cela puisse paraitre, il pouvait s'ouvrir et se fermer sans avoir besoin d'une quelconque clé ou d'un code. Felix tirait l'arche brillante pour l'ouvrir, click, et la poussait pour la refermer, clack. L'ouvrir fermer, ouvrir fermer, ouvrir fermer.

Click, clack.

Respire Felix, tu dois respirer.

Bip

Felix sursauta, sa jambe s'étant arrêtée de bouger. Les petites lumières rouges des boutons « stop » venaient de s'allumer. Il mit quelques secondes avant de se remettre à respirer correctement, même si ça restait bancal ; ce fichu bruit l'avait pris par surprise.

Click, clack.

Il jeta un rapide coup d'œil par la fenêtre, une seconde tout au plus, puis rebaissa les yeux vers le sol. Il y avait trop monde, trop d'yeux, pour espérer pouvoir observer la vie qui se trainait autour de lui.

Click.

Il accrocha le cadenas à une des chaînes de son jean.

Clack.

Felix se leva de son siège, le cadenas bougeant en même temps que sa jambe. Une fois le bus à l'arrêt il suivit le monde qui en descendait. Voilà, la première épreuve était passée. Il n'avait pas fait de crise d'angoisse dans le bus, et maintenant qu'il était dehors, maintenant qu'il l'avait fait, il fallait qu'il se repose. Sa bulle mentale qui semblait être sa seule protection contre les autres avaient tenue, aujourd'hui. Alors il devait en profiter, la garder intacte le plus longtemps possible. Jusqu'à qu'il soit assis à sa table, au fond de la salle, près de la fenêtre, et qu'il n'y bouge plus jusqu'à la dernière sonnerie ce soir.

Dans un peu moins de huit heures. Quatre-cent-quatre-vingt minutes. Vingt-huit-mille-huit-cent secondes. Après il serait chez lui, seul. En sécurité.

Felix avait extrêmement peur des autres, une anxiété sociale qu'aucuns spécialistes n'avaient réussi à contenir, ou même juste améliorer. Du point de vue de sa famille d'accueil, Felix ne faisait pas assez d'effort, ne s'investissant pas assez dans la thérapie. Le couple avait donc abandonné sur cette voie, ne payant plus les soins qui correspondaient déjà avec un budget assez lourd. Depuis, celui dont ils avaient la charge survivait, comme il le pouvait.

Et il détestait prendre les transports en commun. D'habitude, c'était la jeune femme chez qui il vivait qui le déposait en voiture devant le lycée, lui évitant une charge mentale supplémentaire dès le matin. Cependant, une urgence était survenue à l'hôpital où elle travaillait, donc le jeune homme s'était retrouvé coincé. Et c'était très lourd à supporter, pour commencer la journée. Felix détestait les imprévus, il avait besoin de savoir ce qu'il allait lui arriver, afin d'anticiper les situations et ses crises d'angoisse. Là, la jauge d'anxiété était déjà bien trop élevée, il le savait, la journée au lycée n'allait pas être simple. Encore moins que d'habitude. Le moindre petit élément le plus insignifiant pouvait lui déclencher une crise. Mais ça, personne ne savait le prédire.

Oddinary | SKZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant