CHAPITRE 1: Kana

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Le vent souffle et s'engouffre dans les maisons. Les feuilles mortes roulent sur le sol, entamant une valse enivrante. 

-Kana, tu viens jouer ?

Kana se retourne, réveillée par l'appel de son ami.  À quoi pensait-elle ?  Elle ne le savait même plus.  

Elle frappa dans ses mains, essayant de les réchauffer, ses pieds étaient trempés et remplis de boue. L'hiver avait frappé durement sa ville, les maisons elles mêmes semblaient trembler de froid à cause du vent. Kana regarda ses bottes, encore une fois percées à cause de l'usure. 

-Je vais encore devoir fouiller les poubelles pour recouvrir les trous. Se dit-elle. 

Elle était certaine de ne rien trouver, plus personne ne jetait les chiffons, ni les chutes de tissus. Chez eux, tout était précieux.

-Kana !                                                                                                                                                                                       

-J'arrive Jhi. 

Elle couru vers lui, glissant presque sur cette satanée boue qui couvrait sa ville. Enfin couvrait, tout était relatif. Chez elle, dans sa partie de la ville, de son côté tout était froid, sale et boueux. Les canalisations d'eau gelaient à cause du froid, et le sol n'était pas recouvert d'une couche de bitume comme chez les autres. Les maisons étaient à même la terre. 

Alors oui, de son côté, la boue couvrait tout. Mais chez les autres, elle savait que ce n'était pas comme cela.

-Qu'est ce que tu voulais ? Demanda Kana                                                                

 -Je voulais jouer avec toi, mais c'est trop tard le soleil se couche. À quoi pensais tu ?                  

 -Je ne m'en rappelle plus, peut-être à ceux de l'autre côté.                                                       

 -Aux bleus ?                                                                                                                                                               

-À tous.                        

Un blanc entre eux deux s'installa, chacun pensant à sa situation. Tout le monde ici étaient bien conscient de sa condition de misérable. Il suffisait de faire le tour du quartier. Autant les enfants que les adultes mourraient de froid, de faim, de solitude.    

Tous abandonnés à leur sort. 

Tous abandonnés par la famille Aurea.

Jhi et elle se dirigèrent vers leur maison. La nuit arrivait, et bientôt le quartier serait plongé dans l'obscurité.  Les plus chanceux étaient ceux qui se trouvaient près du grillage. Les lumières de l'autre côté les éclairaient un petit peu. 

-Eux aussi ils sont entourés de grillage ? Demanda Jhi en montrant du doigt l'horizon .                      

-Oui, on est tous séparés les uns des autres, eux par des murs, nous c'est les grillages.

Kana n'avait jamais compris pourquoi ils n'avaient pas le droit aux mêmes chances. Leur président leur promettait pourtant la justice. Elle l'avait entendu maintes et maintes fois dans les discours de leur président. Elle se souvient même d'être allée demander à Lekisha ce que cela signifiait. 

Lekisha, cent quinze ans, toujours aussi belle et rayonnante qu'avant la guerre de rétablissement. Kana n'était pas née, mais elle l'avait vu sur les photos que Lekisha gardait sur elle. 

C'était les seules photo qui existaient encore dans le quartier. 

Kana se souvient de la réponse de Grand-Mama, c'est comme cela qu'on appelait Lekisha, la grand-mère de tous les habitants du quartier. 

-La justice, ma chérie, elle n'existe plus. La justice c'est quand tout le monde à droit aux mêmes chances, aux mêmes privilèges. Un jour peut-être qu'elle reviendra qui sait. 

-Pourquoi elle est partie ? Lui avait demandé Kana.

-Les hommes l'ont fait fuir, lui avait chuchoté dans le creux de l'oreille Lekisha.

-Et comment on saura qu'elle est revenue ?

Lekisha posa sa main sur sa poitrine. 

-Tu le sentira ici, ton petit cœur sera enfin réchauffé.     

Kana aimait Lekisha plus que tout le monde. Elle faisait partie de sa famille.

 Il y a dix-sept ans, Kana a été retrouvé au pied de la maison de Jhi. Sa famille l'a adopté et ont pris soin d'elle, comme leur propre enfant. Une semaine après son arrivée, Jhi était né. 

Kana s'est ensuite trouvée à la tête d'une grande tribu. Jhi son ami et frère qui la suivait de près. Bala, qui avait eu ses dix-ans cette année, Aya sa cadette, et enfin la petite Eve, quatre ans. Cette grande famille était née grâce à Kho et Tara. Les plus beaux amoureux de l'univers comme disait Grand-Mama. 

Kana n'a jamais connu, ni son père, ni sa mère. Elle ressentait parfois une rancune envers eux. Qu'est ce qu'elle leur avait fait ? Puis ce sentiment passait, bien heureuse de connaître la famille de Jhi et d'en faire partie. 

L'heure du couché était arrivé, l'humidité de la maison et le froid glaçaient les enfants, pourtant tous regroupés ensemble. Le matelas posé à même le sol était rempli de terre. 

Mais au moins, ils avaient une maison.

On entendait au loin, le bruit des mourant  gémissant dans les rues du quartier, les bébés et les enfants collés à leurs mères aussi gelées qu'eux. Kana sentie une larme dévaler sa joue. 

Pourquoi la vie des habitants de ce quartier était si triste ? L'avaient-ils mérité ? 

Personne ne pouvait répondre à cette question. 

C'était l'existence que leur avait assigné la famille Aurea. Tous les quartiers de toutes les villes du pays, qui se situent excentrés comme le quartier de Kana vivent cette vie. Kana n'en n'était pas sûr, mais à chaque fois qu'elle voyait des enfants des quartiers Neir à la télé, elle se sentait proche d'eux. Tous vêtus de noir, pâle de teint et amaigris. Ils avaient l'air de connaître la même existence qu'elle. 

Kana regardait le plafond, des gouttes d'humidité tombaient sur son visage. Demain c'était l'école, Kana redoutait ce moment. Le seul moment de la journée où elle et les enfants du quartier étaient mélangés avec les autres. 

Pas tout les autres, justes les bleus. 

Kana détestait les bleus, mais surtout deux en particulier. 

Les fils Son. Eldad et Rhett Son.



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