Chapitre 2 : Je hais ma vie...

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Quand ce fameux Lauden a balancé mon travail secret à Jaz, j'ai immédiatement baissé la tête. Et je peux vous assurer que je n'ai plus recroisé le regard de mon copain depuis. Personne ne le savait, mais oui, j'avais besoin d'argent. Mon père était au chômage à la suite d'un accident de voiture qui l'empêche de reprendre le travail, et ma mère adorait claquer son salaire dans les jeux d'argent et l'alcool. 

Pour pouvoir manger, je n'avais pas eu d'autre choix. Alors, je m'étais lancée dans la prostitution, sans en parler à qui que ce soit. Même Carla, ma meilleure amie, n'était pas au courant. Certains clients étaient fidèles et me recontactaient plusieurs fois par mois, et il y en avait d'autres que je ne recroisais plus jamais ensuite. C'était le cas de Lauden.

J'attendais, comme tous les soirs, en dessous d'un lampadaire proche de l'entrepôt que nous utilisions pour nos affaires, avec d'autres travailleurs du sexe. Je trouvais mes clients via le bouche à oreille ; s'ils étaient satisfaits de mes services, ils me recommandaient à d'autres potentiels intéressés. J'étais connue sous un faux nom, Livia, et je portai une perruque et me maquillai à outrance pour éviter que l'on me reconnaisse.

Ce soir là, mon premier client était Lauden. Je ne l'avais jamais vu auparavant, et j'espérai ne plus avoir à le recroiser. Sa peau pâle et ses yeux rouges l'avaient trahi. J'avais été stressée durant toute la durée de mon travail. Il avait réservé mes services pour une heure et demie, ce qui allait lui coûter une centaine d'euros. Sauf qu'une fois rentrés dans l'entrepôt, il n'avait fait que me poser des questions...

— Je ne souhaite pas de sexe, m'avait-il dit. Juste discuter.

J'avais supposé qu'il avait juste besoin de compagnie. Mais comment un homme aussi charismatique pouvait se sentir seul ? Puis, après tout, les vampires étaient réputés pour être capable de manipuler les esprits des humains. Pourquoi ne pas se servir de son don pour se trouver toutes les femmes de son choix ?

Même si les signaux étaient au rouge dans ma tête, ma peur m'avait paralysée et empêchée de soulever les incohérences. A la place, docilement, j'avais répondu à toutes ses questions.

Evidemment, j'avais commencé par mentir : mon vrai prénom était bien Livia, j'avais vingt-deux ans et non, je n'avais pas de famille. Puis il m'avait longuement regardée et dévoilé ses crocs. 

— Maintenant, tu vas me raconter la vérité, avait-il murmuré. 

Et je m'étais exécutée. Au bout d'une heure trente, il m'avait tendue une liasse de billets qui équivalait à au moins quatre fois mon salaire journalier. 

— Maintenant, rentre chez toi Alix. Disons que je t'ai permis quelques jours de congés.

Puis il était sorti de l'entrepôt, et j'avais espéré de tout mon coeur ne plus jamais le revoir.

Et trois jours plus tard, le voilà à la soirée de mon petit copain. Je me souvenais bien de sa tête, mais je ne me rappelais pas de où je le connaissais. Ce ne fut que lorsqu'il a mentionné mon travail, que tout m'était revenu en tête.

Et tout cela m'avait conduit ici, dans mon salon, à 23h. Avec mes parents qui étudiaient le contrat de vente avec attention. Je ne me faisais pas d'illusions : je savais qu'ils étaient tentés de le signer. Qui ne le serait pas ? Lauden leur avait promis une prime grandiose, qui allait sûrement leur permettre de tenir plusieurs années sans aucune autre rentrée d'argent. Et quant à moi, il était écris que je toucherai un salaire "bien plus élevé que ce que la vente de mon corps me rapportait actuellement". Oui, c'était écrit tel quel dans le contrat. 

J'espérai qu'ils s'y opposent, au moins quelques minutes, juste pour la forme. Pour me prouver que je n'étais pas l'enfant mal aimée de la fratrie. Mais il n'en fût rien : au bout de plusieurs minutes de lectures assidue, ma mère a relevé la tête vers le vampire... et lui a fait un grand sourire. Mon coeur s'est brisé. Aucun de mes parents n'osaient me regarder.

— Je suis heureux de faire affaire avec vous, répondit Lauden en leur tendant un stylo. Signez en bas de la page, s'il vous plaît. 

Et, avec effroi, j'observai mes parents obéir. Il y avait une infime chance qu'ils étaient manipulés, et donc obligés à contre coeur de signer. Je pouvais toujours y croire, pas vrai ? Ils devaient sûrement m'aimer, au moins un tout petit peu...

Je détournai le regard de ce fichu bout de papier. Lauden fit quelques pas et s'approcha de moi.

— Tu me remercieras plus tard, Alix. Je t'ai sorti d'un réseau de prostitution, et je te permets de gagner ta vie dignement.

— Dignement ? lui crachai-je au visage. Je vous sers de banque de sang. C'est une forme de prostitution, aussi, je pense ! 

— Disons que tant que tu assouviras ma soif, je ne commettrais plus aucun meurtre. Tu n'as sûrement pas envie de voir un de tes frères et sœurs mourir sous mes crocs, n'est-ce pas ? 

Mon coeur se serra à cette pensée. A cette heure-ci, ils dormaient tous. Ils ne seront mis au courant de mon départ qu'au petit matin. Et qu'est-ce que mes parents leurs diront ? "Nous avons vendue votre soeur bien aimée pour payer nos dettes " ?

Ma mère tendit le contrat à Lauden, qui le plia et l'enfonça dans sa poche. Puis il me tendit la main, et je vis dans son regard que je n'avais pas vraiment le choix. 

— Alix, fais tes adieux à cette vie de misère. Je t'assurerai satiété et protection aussi longtemps que tu te montreras docile.

Je déglutis péniblement et adressais un regard rempli de haine à mes parents, avant de quitter mon chez-moi. 

Qui, ici, pouvait s'asseoir à ma table et jurer avoir une vie PIRE que la mienne !?

Vendue à un VampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant