Chapitre 61

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Les nuages avaient assombri le ciel à l'approche de la Cité des Invocateurs. Vêtu d'un long vêtement blanc et rouge, Kaito se tenait à la droite de Musashi, tandis que Takeshi avançait à sa gauche.

Durant des jours, pas un seul instant Takeshi n'avait pu isoler son compagnon ni trouver la moindre faille pour fuir ensemble. Nuit et jour, lorsqu'ils n'avaient pas été sur la route, Kaito avait porté le fer aux poignets et au cou sans jamais quitter Musashi ; aujourd'hui encore, il portait la boucle en fer autour de la gorge, tel un misérable esclave. L'espoir de s'en sortir s'amenuisait d'heure en heure.

Les trois hommes se postèrent en haut d'une colline boisée pour contempler le triste affrontement qui se déroulait aux portes de la ville entre les troupes des Hatano – affaiblies par la précédente guerre – et celles des Kimura. Une guerre dévastatrice qui avait été créée de toutes pièces.

— Ces deux idiots n'auront rien vu venir jusqu'au bout, s'apitoya Musashi.

Les garçons restèrent prostrés sur leurs montures dans un silence accablé.

— Avec mon armée et la tienne, tu ne vas en faire qu'une bouchée, Prince Hatano.

Takeshi grimaça. Le mot « armée » pour désigner ses âmes le répugnait. Lui qui aspirait à changer le titre et l'image du Maître des Ombres, il devrait aujourd'hui faire couler le sang.

— Me laisser mener votre propre guerre, vous êtes d'une lâcheté, Seigneur Musashi...

— Très cher, pourquoi devrais-je participer puisque tu es là ? De plus, je ne voudrais pas risquer de perdre de vue notre précieux prince, sourit-il en lorgnant Kaito.

La plaisanterie se mua en menace.

— Tous les deux, n'oubliez jamais : j'ai toujours un coup d'avance. Pour le bien de ton cher et tendre, Hatano-sama, n'essaie pas de me devancer, ou il en paiera le prix. Et je te déconseille de tester mes limites.

Takeshi lui darda un œil noir. Alors qu'il allait redescendre le côté boisé de la colline pour prendre les rênes de l'armée, il mena son cheval près des flancs de la jument de Kaito. Avant de partir, il avait besoin d'un dernier contact.

— Je t'en prie, regarde-moi...

Aussi fragilisé que souffrant moralement, Kaito tourna la tête vers lui. Leurs regards se croisèrent sur un voile de larmes. Erreurs et remords n'avaient jamais été si éprouvants qu'en cet instant. Les lèvres de Kaito se mirent à trembler, les yeux de Takeshi à briller. Puis, le lien finit par se rompre. Il se séparèrent dans la douleur, à l'instar du fossé qui s'était creusé entre eux, malgré eux.

Kazuhiro abattait son sabre lumineux sur Tsubasa avec fureur.

— Jusqu'où ira ta folie ? beugla Tsubasa. Si tu étais moins aveugle, tu verrais qui est ton véritable ennemi !

— Mon ennemi est celui qui s'en est pris à mon fils !

— C'est mon fils que je voulais, pas le tien !

— Tu as condamné ton unique enfant aux limbes sans aucun scrupule mais tu aurais épargné le mien ? Ton culot n'a donc aucune limite !

Exaspéré par stupidité de son vieil ami – mais rattrapé par la sienne, également – Tsubasa ouvrit grand les bras.

— Alors, vas-y, tue-moi ! Tu auras tout le temps de te morfondre quand tu te retrouveras seul face à Ken Musashi !

— Ferme-la ! Tu es celui qui a commencé toute cette guerre !

Entre ombres et lumière T1 (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant