Avant la Forme et la Matière

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La voiture était là et tout comme Pierre, Sylvain n'en revenait pas. De profil, elle était très proche du sol, basse et aplatie au maximum, à se demander comment un adulte pouvait s'y installer confortablement.

« Cest quand même pas une bagnole pour gosse ? fut la première question de Sylvain. »

C'était Pierre qui avait conduit la voiture jusqu'au lieu d'essai, son ami se demandait donc comment il était entré avec sa grande taille.

Véhicule était un mot plus approprié et était le seul que les deux passionnés d'automobile pouvaient utiliser pour décrire l'engin, étant donné qu'il était unique et relevait plus du concept car qu'autre chose. Ou pas. Était-ce vraiment une voiture ? C'était un ORNI de l'automobile : un objet roulant non identifié, apparu sur les sites de revente en ligne comme par magie, à un prix si bas que Pierre et Sylvain s'attendaient à un enchaînement de calamités techniques. Ils l'avaient donc acheté, espérant au moins faire du bon contenu quitte à l'exploser à la première vidéo.

« Non, répondit Pierre. Elle n'est pas pour enfant et c'est même plutôt spacieux à l'intérieur. »

Il rit, parce que c'était absurde et parce que le visage de Sylvain ne montrait que l'étonnement.

« Tu veux me dire que t'es rentré dedans, toi, Pierre Chabrier ? J'te crois pas ! »

Il lui tapa amicalement le bras et s'approcha enfin du véhicule pour le regarder sous un autre angle, ce qui ne le rendit que plus perplexe.

L'avant paraissait trop haut pour avoir une visibilité correcte et plongeait vers le sol dans une longue courbe à la manière des coccinelles, légèrement bombé. Le train arrière, dépassant de chaque côté de l'habitacle, avait une forme carrée et semblait avoir été rajouté. La couleur violette, différente du reste du véhicule orange, n'aidait pas à rendre le tout harmonieux. Le véhicule était étrangement peu large, lui donnant un véritable aspect de jouet.

À cause du reflet du soleil sur les vitres particulièrement opaques, Sylvain ne pouvait pas voir l'intérieur, mais il n'avait pas hâte de s'y installer.

« C'est quoi, dedans ? demanda-t-il malgré tout à son collègue pour obtenir des informations supplémentaires, comme elles ne figuraient pas sur lannonce.

-Le gars a pas su me dire, répliqua Pierre en s'approchant à son tour. Et elle est pas homologuée.

-Bah ouvrons le capot du coup. »

Sylvain plaça ses doigts dessous tandis que Pierre cherchait le levier d'ouverture sur le tableau de bord. Il ne trouva rien, haussant les épaules pour indiquer son insuccès à son collègue. Celui-ci tira donc de toutes ses forces, en vain. Pierre éclata de rire avant de lancer un très modeste :

« Attends, laisse-moi faire. »

Il poussa Sylvain doucement et prit sa place. Avec une prise ferme, il tira à son tour sans succès.

« Putain, mais c'est scellé ou quoi ?

-Ah, tu vois que cest pas la faute à mes petits bras cette fois ! se moqua lautre homme. On a pris un pied de biche pour faire sauter ça ? »

Pierre secoua la tête, ne prenant pas la peine de répondre verbalement. Il observa le capot, les mains sur les hanches, essayant de trouver une solution.

« Attends, j'ai une idée, lança Sylvain. »

Et immédiatement, il se jeta aux pieds de Pierre qui était toujours debout devant le véhicule, afin de se glisser dessous.

Pierre éclata dun rire nerveux, parce quhonnêtement cette acquisition s'enveloppait d'un mystère de plus en plus grand.

« Tu vas être plein de terre !

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