RÉEL 9

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Aly s'arrête devant chez Philae pour que je puisse m'en aller. Je lui ai dit de venir parce que je ne pouvais plus bouger, je n'arrivais pas à partir. J'ai l'impression qu'il me reste trop peu de choses qui me rattache à lui et être sur la pas de sa porte c'est en quelque sorte être proche de lui je crois.

- Hey beau gosse, je te dépose ? M'interpelle Aly pour me sortir de mes pensées intrusives.

Je souris et monte dans sa voiture.

- Fais-moi juste tout oublier. Je lui dis en regardant droit devant moi.

Elle démarre la voiture et nous prenons la route pour aller je ne sais où. Je dépose mon coude contre la vitre, la radio comble le silence qui flotte dans l'habitacle. Aly est concentrée sur la route mais elle me lance des regards de temps en temps, pour me montrer qu'elle est présente pour moi. Je soupire comme pour expulser le malêtre qui me pèse et Aly me tient la main sur quelques mètres, le temps d'apaiser les noeuds dans mon ventre, ma tête et mon coeur.

Au bout de quelques minutes je reconnais la route, les paysages verdissent petit à petit et rien que de m'imaginer être à cet endroit, mon coeur s'apaise. Nous nous rendons au jardin secret. Aly arrête la voiture un peu avant le lac étant donné que nous y avons accès uniquement à pieds. Elle coupe le moteur et le son de la radio meurt en même temps dans un vrombissement étouffé. Ses mains quittent le volant pour se déposer sur ses cuisses. Elle commence à se triturer les doigts, comme si quelque chose la rendait nerveuse. Je la regarde avec attention, les rayons du soleil perçant les vitres de la voiture la rendent presque angélique.

- Tu sais Nelho, je tiens beaucoup à toi. Lâche-t-elle finalement. Elle se tourne vers moi et m'attrape les mains. Je ne supporte plus de te voir dans cet état. Tu es quelqu'un de bien trop incroyable pour passer à côté de ta vie en réanimant celle d'un autre qui ne veut même pas de tout l'amour que tu as à partager. J'inspire profondément en relevant la tête. Je sais qu'une partie de ce qu'elle dit est vraie mais je ne sais pas si je suis près à l'entendre. Elle dépose sa main sur ma joue et plante son regard dans le mien. J'ai l'impression qu'elle est proche de moi. Tu sais, je suis là moi, devant toi, mais parfois j'ai l'impression que tu ne me vois pas. Je serai toujours là Nelho.

Je la serre dans mes bras. Je crois que j'ai vraiment besoin de quelqu'un à mes côtés maintenant, quelqu'un qui puisse répondre présent, pas seulement parce que je vais bien, mais surtout parce que je ne vais pas bien. Je me relève un peu de notre étreinte et colle mon front contre le sien.

- Merci Aly.

Elle me regarde, me sourit, et vient déposer un baiser à la commissure de mes lèvres. Une larme roule sur sa joue.

Nous sortons de la voiture et marchons sans un mot en direction du lac. Nous nous installons sur le ponton. Je ne sais pas si c'est vraiment le bon endroit pour ça... Quelques minutes passent où je tente de trouver les mots puis je me jette finalement à l'eau.

- Ecoute Aly, ne m'en veux pas si ce qui va suivre paraîtra maladroit. T'es une fille géniale et je te remercierai jamais assez pour m'avoir épaulé quand tout allait de travers. commençais-je légèrement nerveux

- Pour l'instant je vois pas ce qu'il peut y avoir de maladroit, c'est plutôt flatteur. Me lance-t-elle dans un rire nerveux.

Je pouffe légèrement. J'observe sa main rabattre une mèche de ses cheveux bouclés derrière son oreille.

- Je te considère comme une très bon amie. Tu es probablement la personne qui me comprend le mieux. Souriais-je. Mais ça ne va pas plus loin et je ne veux pas que ce soit plus.

Je la regarde, elle a la tête baissée. Elle semble déçue mais pas surprise. Je l'entends soupirer, comme pour se donner un peu de courage.

- Ne t'en fais pas, je m'en doutais un peu.

Nous avons tous les deux la tête baissée. Le vent vient me chatouiller les joues. Je ne sais pas quoi dire. J'aimerais savoir quoi dire mais je n'ai pas envie de la blesser, c'est une bonne personne.

- C'est beau. Me dit-elle en souriant.

Je la regarde d'un air dubitatif. Elle observe le lac qui vient scintiller dans ses yeux.

Elle reprend après avoir marqué un temps de pause :

- C'est beau la façon dont ton amour envers lui est fort.

Je souris. Je suis nostalgique de son amour à lui.

- As-tu déjà... Je souffle.

- Vas-y, je t'écoute Nelho.

- As-tu déjà eu l'impression d'être ce qui fait souffrir les gens que tu aimes ?

- Nelho, tu n'as pas besoin de tourner autour du pot avec moi, dis-moi à quoi tu penses, je suis une grande fille tu sais.

Je la regarde un instant. Elle m'interroge du regard. La lumière du soleil fait ressortir les frisottis de sa chevelure. C'est comme si il y avait un halot de lumière autour d'elle. Cet endroit est vraiment magique.

- Et si je ne faisais que du mal à Philae ? J'ai l'impression qu'à chaque fois qu'il me voit je lui rappelle tout ce qu'il a dû ou ce qu'il doit traverser. Même si c'est la dernière chose que je veux, je crois que je devrais le laisser, arrêter de m'accrocher à notre histoire. Je ne veux pas être ce qui le fait souffrir.

- Et si tu lui demandais ?

- Je ne sais pas... Je crois qu'il ne me le dirait pas.

Je détourne le regard. C'est sûrement la meilleure chose à faire hein ? Je sais que je dois le laisser partir mais je n'y arrive pas, il me manque tellement.

- Parce que tu crois qu'il te mentirait ? Me balance-t-elle.

- Tu sais très bien que c'est pas là où je veux en venir. Je souffle légèrement agacé.

Un silence s'installe entre nous, je regrette immédiatement le ton que je viens d'employer.

- Tu savais que Philae était une île égyptienne submergée par un lac ? Le lac a englouti l'île après que le haut barrage d'Assouant soit construit. J'ai l'impression que ça le représente bien, mais ça m'effraie parce que j'ai la sensation d'être impuissant face à ce lac. Son deuil fait barrage à tout et tout le monde et il s'en retrouve submergé par son mal-être.

Mes yeux s'embuent. Si seulement je savais comment faire tomber ce barrage

Philae dis-moi comment faire tarir ton lac.

- C'était une île en forme d'oiseau qui abritait des temples. Juste avant que le lac ne la submerge, les monuments ont été déplacés et reconstruits sur une île voisine qui s'est vu redessinée pour avoir la forme d'un oiseau comme Philae. Le temple d'Isis y était construit. Une île oiseau pour une déesse oiseau c'est passionnant

J'entends Aly pouffer de rire. Je me tourne vers elle et lui lance un regard interrogateur.

- Si je te suis bien, ton Philae s'en sortira en se reconstruisant, non ?

- Oui enfin après le chien de François Hollande s'appelle Philae alors je ne crois pas que ça veuille dire grand chose tu sais.

Nous rigolons tous les deux avant de replonger dans un silence plus apaisant.

Je déplacerai tous tes temples pour tout reconstruire, oiseau de mon coeur.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 13, 2023 ⏰

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Chaos [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant