01. Mise en bouche

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« Il y a souvent plus de choses naufragées au fond d'une âme qu'au fond de la mer. »

- Victor HUGO

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JAYDEN

Mes doigts serrèrent le téléphone. Gardant mon attention sur chaque respiration saccadée que je me demandais quand il raccrocherait. Je l'imaginais droit, stoïque, ayant préparé son discours maladroit, tentant de ne pas laisser son égo parler à sa place. Je le savais furieux et cela me suffit à me faire sourire. Même si l'appel de mon paternel m'avait laissé un gout amer.

Je prends ma Renault Caravelle Cabriolet que j'ai restauré avec mon père il y a quelques années en arrière. Avant qu'il ne replonge dans la drogue et qu'il perde la boule. Il fait déjà sombre, la nuit risque d'être longue.

Tatoué. Mauvaise fréquentation. Ma personnalité ressort à travers mes tatouages qui recouvrent pratiquement l'intégralité de mon corps. J'enchaîne les combats de rues. Je ne suis pas le genre de gars qu'on approche avec facilité. Je suis tout ce que des parents ne recommanderaient pas à leurs filles. Je me les fais quand mon besoin le plus primaire se fait ressentir. Je tire un coup vite fait et m'en vais.
Ma gueule d'ange trempe plus de culottes qu'elle ne devrait. Ça me plaît de les voir à ma merci. Remplis d'illusions, pensant pouvoir me sauver, j'aime voir une étincelle d'espoir dans leurs yeux.Même si ce n'est que de courte durée car j'ai le sang du diable qui coule dans mes veines. Et qui a dit que le Malin cherchait a être sauvé ? Un ange déchu, ne cherche pas à expier ses péchés.

J'arrive dans le coin où je suis censé combattre illégalement, évidement. Je regarde la file de gens qui attendent de rentrer dans l'établissement. Deux choses. Soit ils sont là pour le club soit pour assister au combat.

« Comment allez-vous Monsieur Weston ? Me fait signe l'un des vigiles.

Je lui tape l'épaule et avance dans le couloir. Les murs sont en velour rouge, l'ambiance est lourde. Au lieu de suivre les clients du club, je prends les escaliers, direction le sous-sol. On sait tous que l'enfer est sous nos pieds.

Je ferme les yeux un moment. Inspire une bouffée d'air. La tension qui émane de mon corps fait reculer de quelques pas des spectateurs clandestins.

Je sais que mon aura n'est pas des plus étincelante et des plus pures. Elle est aussi sombre que mon ombre, elle se propage, elle enveloppe tout sur son passage. L'atmosphère change.
Je ne suis plus vraiment là, je ne suis plus vraiment moi. Mes idées noires me font partir dans un autre monde. Celui de mon enfance, là où j'ai découvert l'enfer, là où j'ai côtoyé le diable.

« Sale pute ! » j'entends mon père hurler après ma mère.


Je me bouche les oreilles, de peur d'entendre les coups de celui-ci atterrir sur le corps de ma maman. Je sais qu'elle pleure, qu'elle le supplie d'arrêter. Elle hurle à plein poumons. J'ai aussi mal qu'elle. Et celui-ci rigole, satisfait de la dominer avec violence et mépris. Il la prive de sa liberté, de partir loin de lui, de le fuir. C'est comme si c'était sa façon à lui de lui prouver qu'elle lui appartient, qu'elle n'est rien sans lui... Mais je sais qu'il se remplit d'illusion. La vérité c'est qu'il a peur, il a peur de la perdre, il a peur d'être seul. Il lui brûle les ailes, l'empêchant de s'envoler vers d'autres horizons.

J'ai horriblement froid. Je suis caché sous mon lit. Je suis là sur un parquet mouillé. Mes pieds sont gelés et mes lèvres gercées. Les marques de violence que papa m'a faites il y a peu, font leurs apparitions sur mon corps frêle. Elle se dévoile peu à peu, ce n'est que le début de mon cauchemar. Je pleure. Ma maman est en train de se prendre les foudres de mon père défoncé au crack. J'ai horriblement froid et je veux m'enfuir. J'ai horriblement froid mon cœur se comprime de douleur. J'ai horriblement froid, le regard rivé sur l'entrebâillement de la porte. Je sais qu'il va venir.

L'ENTRE-DEUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant