Secrets ( 1ère Partie )

26. Fuite en avant

Ce fut le son des gouttes de pluie qui, mêlées au vent qui s'abattaient sur les vitres fragiles et vibrantes, me réveillèrent. Je peinai a ouvrir mes yeux gonflés et me dirigeai, tel un zombie, vers la salle de bain où je plongeai dans un bain bien chaud et moussant pour me détendre et essayai de digérer la journée de la veille, ce qui fut franchement plus difficile que prévu. Le temps exécrable n'arrangea rien. J'hésitais même a sortir. L'orage s'était mis a gronder, vrombissant dans la vallée et faisant trembler les murs.

- C'est clairement pas bon signe... Murmurai-je en sortant de la baignoire.

En général, j'étais le genre de femme qui adorait les orages. Je les trouvais fascinants et apaisants. Mais celui-ci avait un je ne sus quoi de dérangeant, malsain, comme un mauvais augure qui s'annonçait. Mais j'avais plus important a penser que le mauvais temps. Qu'était-il vraiment arrivé à Dwayne ? Bryan n'en disait pas un mot, et le pauvre garçon devenu complètement fou avait été emmené dans un hôpital psychiatrique. Je n'en savais pas plus. Est ce que tout ceci avait un rapport avec Stan ? Et pourquoi ? Quel était donc l'élément déclencheur ? Sans savoir pourquoi, la seule réponse qui me venait à toutes ces questions était mon père. Cette réponse me faisait froid dans le dos.

Non. Il y avait forcément une autre explication. Je poussai un long et profond soupir de découragement. J'avais beau creuser la question aucune réponse ne me sembla assez pertinente ou satisfaisante. Qu'aurait fait Wilson à ma place ? Ce fut bien décidée à lui demander conseil que je sortis de la baignoire, enfilai des vêtements chauds et pris mon téléphone. J'hésitais, les yeux rivés sur son nom et me ravisai. La fatigue l'emporta finalement, et, sur le vieux canapé troué du salon, je m'endormis.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas cauchemardé. Et cette fois, tout avait vraiment l'air réel. Je me trouvais dans le vieux bâtiment, au dernier étage pourtant interdit d'accès, dans une pièce sombre à l'intérieur de laquelle la vieille ampoule grésillait. Chaque pas que je faisais résonnait, et la pluie faisait vombrir les carreaux cassés des fenêtres. Wilson se tenait devant moi, les yeux écarquillés, comme surpris par ma présence.

- Ne fais pas ça ! Suppliait -il.

Je baissai mon regard vers mes bras tendus vers lui, un revolver à la main. J'entendis le cliquetis de la sécurité se déclencher, puis visant droit devant moi, je tirai sur lui sans hésitation.
Je me réveillai en sursaut et haletante. Mon coeur martelait ma poitrine dans un rythme effréné, coupant de temps en temps ma respiration. Je me précipitai dans la cuisine pour boire une grand verre d'eau, refusant de croire que cette vision allait se réaliser.

J'en avais la nausée. Il me paraissait tout à fait impossible que cet événement ne se déclenche... et pourtant, au fond de moi, je savais que tout cela allait se produire. Mais pourquoi ? Je fus soudain emportée par un mal de tête atroce, et, incapable de tenir debout, je perdis l'équilibre et m'affalai sur le carrelage froid de la cuisine. Que devais-je faire à présent ? Je ne pus retenir mes larmes, maudissant le destin de m'enlever tous ceux que j'aimais. Puis je sentis un liquide chaud couler de mes narines. En passant vite fait la main dessus je vis une large traînée de sang sur mes doigts.

- Super.... Grognai-je.

Le sang. La mort. J'avais l'horrible impression que c'était tout ce qui m'entourait. Je restai par terre un moment a sangloter, sans même prendre la peine de stopper le saignement. Finalement mon retour n'avait rien amené de bon. Je décidai alors de retourner dans mon studio et de ne plus jamais revenir.
Je pris mon courage à deux mains et me levai. Je passai un peu d'eau froide sur mes yeux gonflés et nettoyai le sang qui avait coulé puis montai dans ma voiture. Je me dirigeai lentement vers le commissariat, gravant dans ma mémoire le moindre recoin de cet endroit et allai directement dans le bureau de Bryan, sans même saluer mes collègues. J'entrai sans dire un mot et posai la clé de l'antre de Wilson sur son bureau, retenant les sanglots qui me serraient la gorge. Je ne pouvais pas le regarder dans les yeux après tout ce qu'il avait pour moi.

- Mais... pourquoi veux-tu t'en aller aussi soudainement ? Je pensais que ton travail ici te plaisait...

- C'est le cas. J'aime être ici. Mais je ne peux pas rester parce que...

Je me tus. Il me laissa un moment avant de reprendre en se pinçant l'arête du nez.

- Bien. Je ne peux que respecter ta décision. Mais cette clé, ce n'est pas à moi que tu dois la rendre. Et je ne lui donnerais pas pour toi. Tu dois le dire à Henry.

- J'aurais au moins essayé...

- Il est intelligent, il comprendra.

Il se leva et m'enlaça un moment, avant de mettre la clé dans ma main tremblante.

- Tu vas me manquer Bryan. Murmurai-je.

Il ne dit rien et retourna s'asseoir, tandis que je lui tournais le dos et sortis en reniflant. Le plus difficile restait à faire. Et ce ne fut rien de le dire. Alors que je m'evertuais a lui expliquer les raisons, bien entendu factices, de mon départ, Wilson ne voulait rien savoir et refusa catégoriquement ma démission, rendant tout cela bien trop compliqué pour moi.

- Arrêtez de dire n'importe quoi et remettez cette clé dans votre poche. Rala-t-il.

- Je viens de vous dire que je m'en vais, Wilson ! Fulminai-je agacée par son opiniâtreté. Qu'est ce que ça a de si difficile a comprendre ?

- Et moi je vous dis que je refuse que vous vous en alliez. Qu'est ce que ça a de si difficile a entendre ? Je ne peux pas avaler toutes les excuses que vous me servez sur un plateau. Surtout quand elles sont fausses.

- Comment ça "fausses" ? Je vous explique simplement que....

- D'habitude vous me regardez dans les yeux. Or ce n'est pas le cas maintenant. J'en deduis que vous mentez ou que vous me cachez quelque chose.

Je ne répondis pas et reniflai un grand coup dans un geste peu élégant. Je lui mis la clé dans sa main chaude et restai un moment avec la main dans la sienne. J'eus du mal a me défaire de lui. Puis me retournai et me précipitai dans ma voiture.