La fille à l'abri de bus

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Ça faisait un moment que je ne l'avais pas vu. Cette fille. Je n'ai jamais su son prénom, et je ne veux pas le savoir. C'est la seule de l'autre côté de la route à attendre le bus. Ce fichu bus qui passait toujours trop en retard ou trop en avance. Elle était là, seule, immobile, comme figée dans le temps.

Les gens marchaient derrière elle, derrière l'abri fe bus. Ils marchaient sans s'arrêter sous cette pluie battante, sans se demander qui peut bien se cacher sous cet abri.

Elle ne leur prêtait pas plus d'attention, ceci dit. Elle regardait, observait la pluie s'abattre avec une douceur brutale sur les feuilles des arbres, la route ou les toits des voitures garées non loin de là. Elle scrutait minutieusement chaque détail sans bouger comme si elle ne voulait jamais changer de point de vue.

Ses cheveux volaient légèrement sur sa tête, dansant avec le vent. Sa jupe caressait gentiment ses jambes, recouvertes de collant épais pour contrer le froid d'automne. Elle avait placé ses jambes droits devant elle, comme si, malgré le toit de l'abri de bus, elle voulait que ses jambes soit mouillées par la pluie du soir. Une feuille dériva lentement jusqu'à sa chaussure. Elle n'y prêta pas attention, trop occupée à contempler l'averse qui s'intensifiait.

Le vombrissement des voitures au loin était quasiment entièrement recouvert par le bruit de l'eau qui s'écrase sur le sol d'une douce brutalité. Le bus arriva, je le vis, le contemplis. Elle le vit aussi, en même temps, il était dans la direction de son regard. Comme si elle ne regardait que lui, comme si elle n'attendait que lui. Un changement s'opèra sur son fin visage. Un sourire. Un simple et tendre sourire vint rajouter une couleur chaude à ce tableau automnale.

Elle est montée. Le bus est parti, emportant avec lui la seule chose vivante et joyeuse dans ce tableau. Laissant seulement l'averse joliment affreuse, les gens trop pressés pour voir qu'elle était partie et les vombrissement des voitures qui se faisaient encore plus discret. Il avait juste laissé l'abri de bus vide.

Le tonnerre précédent son départ gronde et résonne encore dans mes oreilles à ce jour. Ce fut la dernière fois que j'ai vu la fille à l'abri de bus.

Don't say it [recueil d'histoires en tout genre]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant