Chapitre 2

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Alissa fit un tour sur elle-même pour observer la pièce. Elle ne mit pas longtemps à l'identifier : elle se trouvait dans le bureau de son père. À l'extérieur, de légères bourrasques faisaient frémir les volets de l'unique fenêtre de la pièce. Une lumière blafarde en émanait, juste assez pour révéler la configuration de la pièce. Certaines choses paraissaient différentes, voire étranges. La grande bibliothèque occupait toujours la quasi-totalité d'un des murs, mais la vitrine contenant habituellement la collection d'armes antiques, fierté de son géniteur, ne contenait plus que quelques rangées de verres à whisky en cristal. Le bureau, naguère encombré et mal rangé, ne supportait plus qu'un ordinateur portable, une grande lampe de bureau vintage grise et un luxueux porte-document en cuir.

Soudain, la jeune femme constata que la porte d'entrée n'était plus là. Bien que la claustrophobie ne fasse pas partie de ses tares, elle se sentit nerveuse et eut la soudaine impression que la pièce était plus petite qu'elle ne se souvenait. À côté de l'emplacement normal de la porte se trouvait une psyché, qui semblait n'être rien de plus qu'une grande flaque de ténèbres. Alissa ne se souvenait pas l'avoir jamais vue, de même que la méridienne en velours bordeaux, calée dans le coin le moins éclairé. Était-ce vraiment le même bureau où, enfant, elle venait jouer sous les yeux attendris de son père, assise sur la moquette épaisse... ou était-ce du parquet ? Alissa remarqua alors que le sol alternait entre moquette crème et parquet de bois clair, créant un effet stroboscopique des plus perturbants.


C'est un rêve.


Forte de cette nouvelle information, la jeune femme décida d'explorer un peu plus le bureau. Lorsqu'elle s'approcha à pas hésitants du grand miroir, il lui sembla que les volets vibraient plus fort. En bois sombre, assortie aux autres meubles de la pièce, la psyché semblait tout droit sortie du XIXe siècle, avec ses pieds recourbés et un motif similaire à celui d'une tiare gravé à son sommet. Elle était maintenant assez proche pour se regarder dedans. L'obscurité se dissipa pour laisser la place à une petite fille d'environ huit ans. Vêtue d'une robe blanche à fleurs vertes qui lui arrivait aux genoux, la fillette regardait une Alissa adulte de ses grands yeux gris brillant. Son visage, un peu potelé, à la peau légèrement hâlée, encadré de boucles châtain clair retenues par une barrette au-dessus de son oreille, était de marbre. Alissa avança la main droite jusqu'à toucher la surface du miroir, et constata que la petite fille avait fait de même avec sa petite main gauche.Subitement, l'enfant tourna la tête vers le bureau. Choquée, Alissa retira sa main comme si le miroir était devenu incandescent et recula d'un pas. Tremblante, elle observa sa version miniature. La petite n'avait toujours pas bougé, la main toujours collée à son côté du miroir, et semblait fixer un point sur le bureau. Alissa finit par suivre son regard et distingua un point brillant au centre du meuble. Tout ce qui se trouvait auparavant sur le plateau avait disparu.Décidée à découvrir ce que la fillette cherchait à lui montrer, Alissa se dirigea vers le bureau et distingua les contours d'un bijou quand les volets s'ouvrirent brusquement. Ils se mirent ensuite à claquer contre la fenêtre dans un bruit assourdissant. Cette dernière finit par s'ouvrir elle aussi violemment et ses battants vinrent percuter le mur, faisant voler en éclat les carreaux qui la composaient. Le vent s'infiltra vite dans la pièce et, par réflexe, Alissa se protégea les yeux de son bras. Les bourrasques se firent de plus en plus fortes, empêchant la jeune femme de progresser vers le bureau, qui paraissait s'éloigner d'elle. Ses cheveux lui fouettaient le visage, et elle n'entendait plus que les volets et ce qui restait de la fenêtre claquer au rythme des rafales, de plus en plus brutales et soutenues. Lasse de lutter, à moitié aveuglée par le vent, Alissa se mit à quatre pattes et poursuivit sa progression, mais le bureau s'était encore plus éloigné d'elle, comme si la pièce s'allongeait. Sous elle, le sol s'était décidé à afficher une apparence de parquet. Malgré le vent, Alissa entendit des bruits d'explosion lointains. Avec horreur, elle constata que les lattes du parquet éclataient les unes après les autres dans des gerbes de bois, révélant une mare d'obscurité qui s'agrandissait de seconde en seconde, menaçant d'engloutir la jeune femme. Pire, elle s'aperçut que le vent, de plus en plus fort et assourdissant, commençait à gagner la bataille contre la résistance de son corps et de son poids. Bientôt, elle ne fut plus qu'une masse molle glissant irrémédiablement vers le néant.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 22, 2022 ⏰

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