Prologue

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L'étau se resserrait. 

Léon attrapa la main de Mamie et s'élança dans une nouvelle ruelle,  plus étroite que la précédente. L'adolescent pouvait entendre les pas des policiers qui les poursuivaient depuis maintenant une trentaine de minutes. Ils ne se fatiguaient donc jamais ? Mamie, si. Mamie commençait à souffler fort, à ralentir la cadence même si pour son grand âge, sa rapidité et la largeur de ses enjambées auraient fait pâlir plus d'un de ses compères de la maison de retraite. Les pavés ne facilitaient pas leur avancée. Mamie était chaussée de petites mules en cuir qui glissaient sur ces derniers à la manière de grenouilles aux sauts peu assurés. 

Il fallait faire vite pourtant. Bientôt, ils seraient rattrapés. Après tout, ils avaient tout de même commis comme disait Mamie « le casse du siècle ». Ce n'était pas rien, ça. Léon serra plus fort la main de Mamie, petite et rêche, dans la sienne, grande et moite. « Des mains de pianiste », aimait à dire sa mère. Léon avait tôt fait de préférer les touches d'ordinateur à celles des pianos, au grand dam de cette dernière. Mais peu importe car pour Mamie, Léon était un héros nouvelle génération, pianotant à qui mieux mieux sur n'importe quel clavier qu'elle réussissait à lui trouver, un hacker capable de trouver sur google maps un itinéraire en moins de deux minutes. Léon était son Néo, tombé du ciel. Et Mamie... Mamie était sa pilule rouge.

_ Allez, Mamie, encore un petit effort !

Mais Mamie ralentissait à vue d'oeil. Du galop, on était passé au trot, et on s'acheminait dangereusement ver le pas. Son visage, d'habitude poudré avec soin, était maintenant cramoisi et de grosses gouttes de sueur perlaient à son menton. La jolie robe à fleurs qu'elle avait choisie pour l'occasion était froissée de partout et ses boucles savamment orchestrées à l'aide des bigoudis qu'ils avaient ensemble posées hier soir sur le dessus de sa tête étaient désormais éparses.

_ Allez, Mamie, on y est presque, lança Léon en lui décochant un sourire qui se voulait encourageant.

_ Pfff, pffff....

Le trot commençait franchement à prendre des allures de pas.

_ Mamie ?

La main de Mamie n'était plus dans la sienne. Mamie était par terre, le regard vide.

_ Mamie !

Léon releva avec difficulté celle-ci et lui fit boire le reste d'eau de la bouteille qu'il avait fourrée dans son sac juste avant leur grand départ. Mamie déglutit et ses yeux reprirent quelque éclat. Léon la dévisagea. Elle n'était pas du tout en état de reprendre la course. Ce n'était pas dans leur plan, ça. Des ruelles adjacentes provenait le bruit des pas des policiers toujours à leur trousse. Non, jamais fatigués ceux-là ! Léon avisa les alentours. Aucune cachette envisageable. Un défilé de murs et de portes fermées, des balcons trop hauts pour pouvoir y accéder, surtout avec une grand-mère sur le dos. Soudain, à quelques mètres d'eux, une lessive étendue à un balcon d'un premier étage attira l' attention de Léon. Il entraîna Mamie à sa suite. 

_ Mamie, il va falloir être agile : monte sur mes épaules.

Le visage de Mamie se fendit d'un large sourire. Ni une ni deux, Mamie commença à grimper sur ses épaules, comme si la chute n'avait jamais eu lieu.

_ Attends que je me baisse d'abord !

Mamie bougonna. Léon sourit. L'impatience était un de leurs points communs. Dès qu'il fléchit les genoux, Mamie se hissa sur ses épaules comme si elle avait fait ça toute sa vie. Léon se releva avec difficulté, essayant de ne pas trop tanguer sous le poids de sa grand-mère. Afin d'avoir plus de prise, celle-ci mit ses mains autour de la tête de son petit-fils, lui cachant du même coup les yeux.

Mamie, la fabuleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant