La montagne en papier

Couloir de la mort

Baekhyun s'émeut sur les cheveux ébouriffés d'un grand brun qui peine à se réveiller. Chanyeol cligne des yeux et a le cou trempé de sueur. La pièce commence à s'agiter tout autour d'eux, on parle Italien un peu fort. Il fait pénombre dans tout le refuge.

- Allez, debout, c'est l'heure de se lever. Murmure doucement Baekhyun, en secouant son épaule.

- Il est quelle heure ?

Sa voix est rauque comme une cigarette.

- Deux heures quinze, on part à trois heures, alors dépêche-toi.

Le brun se frotte les yeux et la joue, acquiesce vaguement. Baekhyun s'apprête à se lever, mais, il s'arrête, resserre sa main autour de l'épaule de Chanyeol : il y a du sang sêché sur les draps et au coin de son nez. Il ouvre la bouche pour parler. Jongdae ouvre vivement la porte de la chambre, Baekhyun referme la bouche. Le guide s'avance vers eux avec empressement, fait du bruit sur le parquet, n'en a que faire de ceux qui pioncent autour. Il s'assoit devant l'endormi, le tient fermement par les épaules, lui murmure :

- Ca va ? La tête ? Pas de nausée ? Le coeur, la respiration ? Tu te sens de monter ?

Chanyeol hoche la tête en baillant, il rassemble ses idées en comptant jusqu'à deux. Il n'a mal nulle-part sauf à son bleu sur le miocarde, mais ça, ça change pas depuis trois ans, la tête ok, le coeur un peu épanché, la respiration en accéléré, un peu drogué à l'altitude : ça va.

- Si t'as quoi que ce soit, surtout tu me dis.

Jongdae a ce regard dur. Il secoue Chanyeol par les épaules.

- Ecoute-moi, Chanyeol.

Le brun ouvre les yeux, se pince l'intérieur de la joue et fait éclater quelques vaisseaux sanguins pour se réveiller. De sa voix de gravier, il acquiesce :

- Oui, j'écoute.

- Je sais que tu veux aller au sommet, quitte à te mettre en danger.

- J'ai jamais dit ça, murmure-t-il comme un aveu.

- Pas besoin, je les connais les têtes de cons. Donc surtout, si tu as quelconques symptomes, tu m'en parles. Le mal des montagnes, c'est pas à prendre à la légère. Tu risques d'en mourir. Tu comprends ?

Chanyeol hoche la tête et promet à voix basse. Baekhyun a l'impression que le grand brun s'est extirpé d'un long rêve qui lui colle aux paupières. Il a des cernes bleues sous les yeux et les lèvres rouges. A côté, il observe bêtement sa beauté achiléenne. Il se dit que c'est sûrement pas légal d'être beau comme ça au réveille et la tête en pétard. Lui, il aimerait avoir cette gueule au saut du lit à deux heures quinze du matin. Et puis, il se demande si Jongdae voit bien dans le noir, parce que visiblement, le sang séché, ça lui a bien échappé. Le guide de montagne se contente de sourire et de seocuer une dernière fois son accolyte en rigolant :

- Super, alors, sautez au petit dej, on est parti dans quarante minutes max, le Mont Blanc nous attend !

Il quitte le dortoir en embarbé, chope un certain Bertrand sur le passage, parlant toujours ce français trop harmonieux pour un coréen pur souche.

Chanyeol remarque la tâche de sang sur son drap et jure dans son menton. Il essuie le bout de son nez, les sourcils contrariés. Enfin, il regade Baekhyun qui n'a pas bougé. Il y a un moment où les atomes s'entrechoquent dans la pièce et qu'ils se regardent bêtements. Baekhyun a les sourcils froncés. Chanyeol est partagé entre l'angoisse de crever d'une pneumonie cérabrale et la peur de devoir redescendre à Chamonix alors qu'il a rien fait du Mont Blanc.