Noyer dans le vide

01.

S.48 - V.28
Allah suffit comme témoin.
وَكَفَىٰ بِاللَّهِ شَهِيدًا

﷽

Chapitre 01

Comment expliquer à la vie qu'elle est invivable?
Comment dire à la mer que l'on se noie sur terre?

Devrais-je partir? Ça ne changera rien au monde, et puis même les vagues ne s'arrêteront pas après mon départ, j'ai d'ailleurs déjà essayé d'emprunter plusieurs fois ces vagues pour m'enfuir, mourir en paix, mais ce sont elles qui m'ont ramené vers une nouvelle île, celle où les gens sont heureux, bienveillants, tendres et apaisés, c'est Allah qui m'a sauvé, et qui m'a placé auprès de cette communauté, qui n'est rien d'autre que celle de notre Bien-aimé.

𝓒𝓮𝓼 𝓭𝓸𝓾𝓬𝓮𝓼 𝓿𝓪𝓰𝓾𝓮𝓼

Vivre, ce verbe est intéressant, j'aimerais questionner certains verbes, pourquoi vivre? Pourquoi partir? Pourquoi mourir? Je n'avais pourtant aucuns problèmes avec la vie, je me réveillais pour aller à l'école, j'avais de bonnes notes et m'entendais bien avec mes camarades. Pourtant, même entourée je me sentais seule, si les gens pourraient lire mon sourire comme vous lisez actuellement mon histoire, ils se seraient peut-être inquiétés pour moi, en particulier ce garçon.

Plongée dans mes souvenirs, je m'y noie, je me mets à penser au passé, à ces souvenirs, repenser à ce garçon..

Je le trouvais fatiguant au début, il parlait trop, mais au fil du temps je me suis habituée à sa présence, même si je ne l'écoutais pas trop il était très intelligent, sa capacité d'analyse m'épatait, il comprenait ce vide que je ressentais, il me l'expliquait.

Un jour, alors que je passais une journée banale à cacher tant bien que mal ma peine, je suis allée au toilettes pour sécher les cours, n'arrivant plus à jouer la comédie, mais il s'avère qu'il m'attendait devant la porte.

Un sourire se dessine sur mon visage.

Il m'a crié dessus, il savait pourtant que j'avais pleuré, que j'étais triste, puis il m'a remonté le moral sans vraiment connaître mon histoire, mais tout ce qu'il disait était sensé, comme s'il était au courant de tout ce que je subissais à la maison. J'ai même pleuré face à lui ce jour-là, il avait cette éloquence et ce talent de s'exprimer, d'utiliser les bons mots, de tout simplement m'expliquer ce que je ressentais.

Il avait une si belle voix, à la fois grave, roque, cassé, mais douce.

Des gouttes d'eau m'effleurent la peau.

Je pensais l'avoir oublié, je ne pensais pas qu'il serait le centre de ma réflexion, il est vrai que j'aurais aimé qu'il me résonne actuellement. Mais il ne fait plus partie de ma vie, c'était il y à cinq ans, dans ce lycée où nous étions les seuls étrangers dans les environs, lui du Maroc et moi de Colombie.

J'aurais peut-être dû lui demander de rester dans ma vie, il m'avait pourtant demandé si j'allais tenir le coup avant qu'il ne parte.

Des larmes broient ma vision.

Peut-être qu'en ce moment il pense à moi, ou peut-être m'a t-il oublié ?

La pluie m'attaque, me sortant alors de mes pensées, le ciel est aussi sombre que mon cœur et les vagues s'agitent bruyamment, me réclamant de ne pas sauter.

Je descends alors de ce pont qui est au dessus de cette mer agitée.

– Mais les vagues ne s'arrêteront pas après mon départ..