Todomomo [type ;-;] - Seconde chance ?

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Je marche sans but. Mon esprit embrumé n'arrive pas à oublier. Je divague entre les arbres en cherchant une chose qui ne viendra pas, qui ne viendra plus. Pathétique. Même si je le sais, je suis incapable de me raisonner. Le deuil est trop lourd.

Ma stola finit par se coincer dans une racine. Je baisse la tête pour essayer d'analyser la situation mais rien ne me vient, tout me paraît superficiel. Je suis épuisée. Je tire violemment sur ma traîne et laisse un bout de tissu gris derrière moi.

Je relève la tête et la voit. Une silhouette. Une silhouette familière. Celle d'un homme. Un homme qui hante mes rêves depuis plusieurs semaines maintenant. Mon souffle se coupe. Encore une hallucination ?

Même si s'en est une, je ne peux me détourner. Il est comme dans mes souvenirs : droit, son encombrante armure ne le gêne pas dans sa démarche assurée, ses cheveux bicolores semblent se mouvoir avec le vent et comme si tout ceci était réel, il me regarde droit dans les yeux avec tendresse. Il finit par s'arrêter face à moi et déclarer d'un ton calme :

-Comment allez-vous, ma chère Yaoyorosu ?

Même si sa voix ne flanche pas, ses yeux le trahissent et des larmes dévalent ses joues. Je ne peux pas m'empêcher de l'imiter, au diable les apparences ! Celui-ci semble si réel et ses expressions si naturelles, que je me laisse totalement aller. Quoi qu'il advienne, combien de fois déjà me suis-je effondrée en pensant à lui ? Je reste quelques secondes ainsi, à le contempler.

-Vous êtes toujours aussi beau...

Je tends la main et caresse sa joue tendrement. Mon souffle se coupe. Je peux le toucher ? Je répète mon geste et l'atteins une seconde fois. Il me sourit timidement en comprenant ma réaction.

-Shoto ?

Shoto.

Mon amant.

Mon époux.

Mon défunt époux.

-C'est impossible... ils avaient dit...

-Et pourtant.

Il embrassa le creux de ma main en souriant.

Je me laisse tomber dans ses bras. La chaleur qui traverse son armure est bien réelle, tout comme l'odeur qu'il dégage. L'homme qui ne m'est jamais revenu est bien contre moi me soufflant combien il m'aime. Nous gardons notre étreinte quelques minutes, le temps que je réalise combien son retour m'est agréable.

Je m'écarte doucement de lui en tenant les mains.

-Si vous saviez combien de fois j'ai pensé que vous ne pouviez pas être tombé sur le champ de bataille. Il faut absolument que vous repreniez vos affaires...

-Yaoyorosu...

-Mes parents me poussaient déjà à me remarier alors que vous...

-Momo...

Son ton grave me stoppe.

-Si l'on m'a déclaré mort sur le champ de bataille... c'est parce que je le suis.

Je me fige et ne sais que dire pendant quelques secondes. Mon rythme cardiaque augmente, le stress me fait resserrer l'emprise que j'ai sur ses mains, comme pour me convaincre qu'il est toujours en face de moi.

-Mais vous...

-Les dieux ont écouté vos prières et ont décidés de me donner une seconde vie... si je remplis certaines conditions que je me refuse d'accepter.

-Et... quelles sont-elles ?

De légers tremblements viennent secouer mon corps. La joie de retrouver mon aimé se refroidit subitement. Pourquoi renoncer à cette seconde chance ?

-Une âme contre une âme... Cela peut sembler juste, mais ce n'est qu'apparence. L'âme que je dois prendre est en face de moi et il m'est impossible d'échanger votre vie contre celle que j'ai perdu.

Je maudit les dieux.

Je me sens à nouveau vide, perdue. J'ai la nausée. Tout tourne autour de moi. Je viens de perdre de nouveau ce qui m'est le plus précieux et je ne peux rien y faire.

Soudain, j'aperçois, accroché à sa ceinture, une poignée qui me semble irréelle. Même le meilleur artisan ne pourrait imiter ce type d'ornement.

Je tire lentement l'arme de son fourreau et la couleur de sa lame confirme mes soupçons.

-J'imagine qu'une simple dague ne pourrait pas prendre mon âme.

Ses yeux se teintent de peur. C'est compréhensible, il a toujours été vif d'esprit.

-Vous avez encore tellement d'années à vivre.

Sa voix est teinté d'inquiétude. Je souris et pointe l'arme vers mon cœur. Alors qu'elle allait enfin me percuter, Shoto me l'arrache des mains et la lance au loin. Je reste, encore une fois, impuissante.

Brusquement, une colère noire m'envahit.

-Pourquoi être venu jusqu'à moi si vous saviez à l'avance que vous refuseriez de me tuer ? N'êtes vous donc venu ici que dans le but égoïste de me faire souffrir ? Comme si un adieu n'avait pas suffit, il faudrait que je recommence ? Laissez-moi donc en finir avec tout cela. Sans vous, votre nom perd lentement de son prestige et, et vos rivaux n'ont plus peur. Vous seriez tellement plus utile que m...

-Ne vous dégradez pas de la sorte. Je vous en prie.

Il garde son expression calme et après une inspiration, reprend :

-Je me confesse, je voulais effectivement vous revoir et je m'excuse de ce comportement égoïste. Mais la raison première de ma venue est ceci.

Il décrocha de sa ceinture un parchemin négligemment roulé qu'il mit fermement dans ma main.

-C'est mon testament... J'y ai écrit que toutes mes affaires et toutes mes richesses doivent vous être restituées sans aucun procès. Avec ceci vous aurez tous les pouvoirs qu'ils essayent de vous voler... Je suis mort sans pouvoir le transmettre et il me semble qu'il n'est jamais arrivé jusqu'à vous. Je sais que cela semblera suspect qu'il soit en votre possession mais vous êtes intelligente et vous saurez...

-Vous pensez réellement que c'est de cela dont j'ai besoin ?

Je me mords les lèvres. Les larmes de joie ont fait place à celles de colère et de tristesse. Je ne peux pas croire que Shoto puisse me déclarer toutes ces futilités sans sourciller. Ne comprend t-il pas mon désespoir ?

Mais je réalise en le voyant que des accablements aussi forts lui pèsent. Son regard n'a jamais été aussi brillant de douleur.

-Ne faites pas ces yeux là alors que vous êtes censé être résolu. Vous auriez fait la même chose pour moi, n'est ce pas ?

Dis-je plus doucement.

Il s'apprête à répondre mais je pose mes lèvres sur les siennes. Ce contact chaleureux adoucit la douleur vive qui me déchire intérieurement.

Je sais maintenant.

Mais je me dois encore d'essayer.

Bien décidée, je profite de son instant d'inattention pour me retourner et courir. La dague ne doit pas être loin. Je peux encore le sauver.

Seulement, je trébuche.

Le poids du désespoir me prend mes dernières forces. Depuis combien de temps n'ai je pas dormi ? Combien de temps encore vais-je devoir souffrir en remuant des souvenirs lointains ?

Je sens des bras forts me retourner. Shoto me surplombe et je ne peux m'empêcher de le regarder dans les yeux. Je ne l'avais jamais vu aussi malheureux. Pourtant, il revient m'embrasser tendrement.

-Je ne vous pardonnerai jamais.

Je le repousse mollement, sans succès.

-Je ne me pardonnerai jamais également.

Le contact avec sa peau apaise mes maux et, même si ce n'est que temporaire, mes soucis s'envolent. Car au lever du jour, je savais qu'il serait parti, laissant, contre son gré, mon cœur définitivement orphelin.

OS randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant