Les pages de notre histoire [PUBLIÉ LE 7 AVRIL 2023]

.4.

Quand je suis arrivée sur le parking, tu étais déjà là. Impossible de manquer ton crossover Lexus noir. Comme la veille, j'ai stationné ma voiture à une certaine distance de la tienne, impressionnée. Puis je suis venue à ta rencontre, mon cœur tremblant autant que mes jambes. Tu es descendu à ton tour, le sourire aux lèvres. Contrairement à la nuit dernière, tu portais un jean, un polo et des baskets. Tu étais à tomber.

— Salut.

— Bonjour, Chloé.

Embarrassée, je ne savais pas trop par quoi commencer.

— Je vous remercie de m'accompagner.

— Je vous remercie d'avoir pensé à moi, as-tu répliqué.

En réalité, tu avais été mon ultime option, et j'étais sûre de te l'avoir dit, alors je n'ai pas relevé.

— On y va ?

Je t'ai indiqué ma 106, garée dans mon dos, d'un geste de la main. Tu as secoué la tête.

— Montez, je vous emmène.

Je suis restée interdite.

— Quoi ? Vous rigolez ? Non, on va prendre la mienne.

Tu as inspiré profondément avant de planter ton regard sombre dans le mien.

— Écoutez, sans vouloir vous vexer, ma voiture est un chouïa plus confortable que la vôtre, et puis, c'est une hybride, alors vous n'avez qu'à vous dire que vous faites un geste pour la planète en acceptant. En plus, hors de question qu'on fasse autant de kilomètres sur la galette. Sans compter que, si on crève, on n'aura plus de roue de secours.

Tu avais de bons arguments, j'ai vite capitulé. D'autant que je préférais largement que tu conduises. Et puis, après tout, tu avais un GPS, ce qui nous simplifierait la tâche.

— Où est-ce qu'on va ? m'as-tu demandé en programmant notre itinéraire.

— À Lörrach.

Je t'ai donné l'adresse exacte de l'homme qui nous attendait, puis nous sommes partis. Nous avons roulé en silence sur plusieurs kilomètres, tous les deux perdus dans nos pensées. Pour ma part, j'étais heureuse de te revoir, de passer un nouveau moment en ta compagnie, mais je ne pouvais m'empêcher de me dire que j'étais totalement irresponsable de me rendre chez un inconnu en compagnie d'un autre inconnu. Dans sa voiture, qui plus est. Combien de temps faudrait-il pour que quelqu'un se rende compte de ma disparition et lance un avis de recherche ? Pour autant, aussi fou que cela puisse paraître, j'étais certaine que tu ne me ferais pas de mal. Tu t'étais toujours montré gentil et bienveillant à mon égard.

— Alors, vous avez passé une bonne matinée ? m'as-tu questionnée pour relancer la conversation.

— Ça a été. J'ai travaillé. Et vous ?

— Pareil.

J'ai soudain pris conscience que je ne savais pas quel métier tu exerçais.

— Que faites-vous ?

Tu as hésité un bref instant.

— Je suis directeur commercial d'une entreprise pharmaceutique en Suisse.

Waouh. Dit comme ça, ça en jetait. Plus que boulangère, c'était certain. Mais ça expliquait surtout la belle voiture et le costume-cravate.

— Ah, je vois.

Tu t'es esclaffé.

— Vous voyez quoi ?

J'ai rougi.