— Comment ça, pas disponible pour te voir ? m'a demandé Marie quand je l'ai rappelée quelques jours plus tard pour lui parler de toi, comme je le lui avais promis.
— Il est débordé...
— Non, cette excuse est bidon. On a tous beaucoup de boulot, ce n'est pas pour autant qu'on délaisse les gens qu'on aime.
Je savais qu'elle avait raison, d'autant que tu m'avais assuré que tu laissais le travail à sa place. J'ignorais quoi penser de la situation. Depuis notre dîner, nous nous téléphonions le soir, mais tu n'étais jamais disponible avant 21 heures. La veille, tu avais même interrompu notre conversation en plein milieu d'une phrase.
— Excuse-moi, m'avais-tu dit tout à coup. Je te rappelle.
Et tu avais raccroché. J'avais regardé l'écran de mon portable, désarçonnée. Deux minutes plus tard, il sonnait. C'était toi. Tu m'avais encore demandé pardon, sans me donner d'explication pour autant. Ton comportement était très étrange.
Marie m'a mise en garde contre les hommes qui mentaient effrontément pour séduire des « petites jeunes dans mon genre ». Ça a au moins eu le mérite de me faire rire. Mais si tel avait été le cas, je pense que tu aurais enclenché la vitesse supérieure. Tu ne m'aurais pas invitée à dîner ni ne serais resté des heures au téléphone chaque jour pour apprendre à me connaître. On serait tout de suite passés par la case chambre à coucher. Et, jusque-là, tu n'avais pas encore abordé le sujet. Ce que je trouvais étonnant, soit dit en passant, surtout pour un homme de ton âge. Je n'avais pas révélé ce « détail » à Marie. Elle le découvrirait bien assez tôt, et j'avoue que je désirais voir sa tête en temps réel. J'étais sûre qu'elle accuserait le coup. Moi, je me moquais éperdument que tu sois deux fois plus vieux que moi. Nos conversations me donnaient l'impression que j'avais enfin rencontré quelqu'un qui me comprenait. On aurait dit qu'on se connaissait depuis toujours. Tu étais celui que j'attendais, que j'espérais. Mon vœu avait été exaucé. J'ignorais encore ce que tu pensais de moi, mais étant donné qu'on discutait de tout pendant une bonne partie de nos nuits, j'étais prête à jurer que je ne t'ennuyais pas.
Tu avais raison, nous ne nous sommes pas revus avant le mariage. Pas même les week-ends. J'ignorais pour quel motif tu étais tout aussi occupé qu'en semaine, mais je ne voulais pas me montrer indiscrète en t'interrogeant à ce propos. Si tu désirais m'en parler, je savais que tu le ferais. En attendant, je continuais ma vie de mon côté.
Enfin, le vendredi, veille du mariage, est arrivé. Nous avions convenu de nous retrouver en début d'après-midi. Je travaillais, ce matin-là, et tu t'étais également rendu à ton bureau, mais tu avais posé quelques heures de récup' afin qu'on puisse se rendre à Orléans, ville où se dérouleraient les festivités. Tu as sonné chez moi à l'heure dite, toujours aussi ponctuel. Tu t'es proposé de monter pour m'aider à porter ma valise et, puisque tu étais sur le palier, je t'ai invité à entrer. Tu as observé les lieux avec attention tandis que nous en effectuions une visite rapide. Heureusement que j'avais pris soin de ranger et de faire le ménage la veille, de manière à ce que tout soit en ordre avant mon départ.
— C'est vraiment sympa ! t'es-tu exclamé.
— Je t'offrirais bien un verre, mais je crois qu'on a de la route.
— Effectivement, on devrait y aller.
Nous sommes donc redescendus. Je t'ai laissé porter mes bagages sans discuter. Mon côté féministe savait se montrer discret lorsque c'était dans son intérêt. Cette fois, tu as rangé ma valise dans ton coffre, à côté de la tienne.
— Tu as enlevé le bazar ? t'ai-je demandé.
— Comment ça ?
Ton air étonné m'a interpelé.
— L'autre jour, tu m'as dit que ton coffre était plein de bazar...
— Ah ! Oui, oui, j'ai tout sorti.
Je savais que tu ne me mentais pas, pour autant, je te sentais sur la réserve, comme si tu ne me révélais pas toute la vérité. Cette sensation me troublait. Tout comme le fait que tu ne m'aies toujours pas embrassée.
Comme nous avions cinq heures de route, nous avons mis de la musique, tout en discutant. Parfois, je fredonnais l'air qui passait à la radio, et tu souriais. Ce moment était paisible, très agréable. J'aurais aimé qu'il ne s'arrête jamais.
Tu as saisi cette occasion pour me demander de te parler de Marie et de Vincent, son futur époux.
— Ils se sont rencontrés au Canada, l'année dernière.
— Marie vit là-bas ?
— Non, c'est Léna, sa meilleure amie, qui habite à Montréal depuis quelques années. Son mari y a été muté, il me semble. Marie a posé une année sabbatique et est allée les rejoindre. Elle en a profité pour visiter le pays et c'est là qu'elle a fait la connaissance de Vincent. Depuis, ils filent le parfait amour, tous les deux.
— Elle va aller vivre au Canada, du coup ?
— Je ne pense pas. Du moins, pas pour le moment. Vincent a déjà trouvé du travail ici. Il est journaliste sportif.
— Tu l'as rencontré ?
— Oui, mais pas en vrai, seulement sur Skype. Il a l'air très gentil. Marie est heureuse avec lui. Je suis ravie pour elle, elle le mérite.
Le reste du trajet s'est bien passé. Nous sommes arrivés à destination en fin de journée. Tu avais réussi à obtenir une chambre dans le même hôtel que moi, ce qui était assez pratique. Nous avons déposé nos bagages, puis tu m'as invitée à dîner. Bien qu'il y ait un restaurant dans l'établissement, nous avons décidé de nous rendre en ville et, comme nous n'étions pas très loin du centre, nous avons laissé la voiture sur le parking et y sommes allés à pied. Nous avions à peine parcouru quelques mètres que tu m'as attrapé la main. Même si nous nous étions déjà frôlés ou touchés, c'était la première fois que tu entremêlais tes doigts aux miens. J'ai adoré cette sensation grisante. Mon cœur battait bien plus vite que la normale et j'avais envie de danser tant j'étais heureuse. Je me suis tournée vers toi, le sourire aux lèvres. Tu y as répondu, sans rien dire. Nous n'avions pas besoin de mots. Nous profitions du moment présent.
Nous avons arrêté notre choix sur une petite brasserie qui avait l'air sympathique, et nous avons bien fait, car le repas était délicieux. Nous mourions de faim, aussi n'avons-nous pas trop parlé, au début. Quand j'ai commencé à caler, je me suis adossée à ma chaise et je t'ai observé. J'étais consciente de te dévorer des yeux, mais c'était plus fort que moi. J'étais déjà folle amoureuse de toi. En plus, cela ne semblait pas te déranger, bien au contraire. J'ai fini par soupirer.
— À quoi tu penses ? m'as-tu demandé.
— À demain. Mes amis vont nous poser des questions...
— De quel genre ?
— Par exemple, depuis quand on est ensemble.
— Et ? Quel est le problème ?
— Je ne suis pas sûre d'être en mesure d'y répondre.
Tu as arboré ton petit sourire en coin.
— Tu sais, tu n'es pas obligée de leur donner tous les détails. On est ensemble depuis quelques semaines. Le reste ne les regarde pas.
— OK.
J'étais rassurée. Tu considérais bien que nous formions un couple. Nous sommes rentrés à l'hôtel main dans la main, mais tu m'as de nouveau embrassée sur la joue devant la porte de ma chambre en me souhaitant une bonne nuit. Je ne comprenais pas pourquoi tu ne cherchais pas à aller plus loin, mais j'étais déterminée à creuser le sujet au cours du week-end. Je n'oubliais pas les insinuations de Marie et je me questionnais sur ton honnêteté à mon égard.
***
N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de l'attitude de Frédéric. C'est louche, non ? Certaines d'entre vous ont déjà des idées sur ce qu'il cache...
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Les pages de notre histoire [PUBLIÉ LE 7 AVRIL 2023]
RomanceChloé rencontre Frédéric lors du pire jour de sa vie. Entre eux, l'alchimie est immédiate, d'autant qu'un concours de circonstances les oblige à se revoir dès le lendemain. La jeune femme n'a alors plus aucun doute : malgré leur différence d'âge, Fr...