« J'ai si froid, Dono. »
Des doigts de suies s'évaporaient dans l'atmosphère rafraichissante, depuis les cheminées, et bientôt se mêlaient au gris cendrée du ciel crépusculaire. La nuit tombe. Dono s'assombrit dans un silence pétrifiant. Là-haut tapait le tonnerre, et lui bientôt taperait Tsuki. Bam, bam, bam. Roulait ainsi l'orage entre les toits pointus de la ville. L'écho provoqua un frisson chez la jeune femme qui ne trouva qu'en réconfort le coude de son partenaire.
À la vue du quartier, des milliers de lumières clignotaient comme des lucioles, des fourmis munies de torches, allaient et venaient les passants dans la rue, ainsi des courses, ainsi la fin de journée. Et moi, je suis au chômage. « Nous arrivons chez nous, princesse, indiqua-t-il.
- Je le sais, répondit-elle. Non pas que ta maison se distingue des autres, mais l'odeur. L'odeur. »
Une pestilence horrifique, pour sûr qu'il l'a sentait. La journée avait été froide, grise et humide. Il avait plu des trombes la matinée durant, de la neige l'après-midi, et le délure arrêté reprenait la danse des flocons. Une seconde de soleil aurait été trop demander. Dono le sentait. Le soleil s'était éteint dans le ciel, mais dans son cœur il était né. Tsuki... est mon soleil.
Tsuki ne pipa mot. Se délaissant de ses bottines, la douce et élégante femme aux cheveux de jais s'abandonna à un moment de tranquillité dans la douceur d'un lit bien chaud, bien douillet. Mais l'odeur. Cascadait sur ses épaules sa tignasse, ses mèches rebelles, qu'elle tournoyait d'un doigt velu. Dono releva le cou et ses yeux sombres étaient plombés de souffrance. Le soir était tombé, et la télé diffusait le journal.
« Aux informations ce soir ; l'évasion de BaptAmro fait trembler le pays, retour sur dix années d'harcèlement pour un jeu Nintendo Switch. Le mariage de Peter et Léo adoucit les maux du pays, mais qu'en est-il de cette tirade dramatique lorsque Legonde a souhaité s'y opposer ? Et à la fin de notre JT, lumière sur cette odeur qui accable le quartier du Café Zelda, l'inspecteur Gonni nous délivre des détails alarmants. » Passé le jingle de fin, la chanson I'm Dono Girl fit son entrée.
Une croûte de cendre froide malmenait la paisibilité de la pièce. Couverte d'une couette épaisse en laine de moutons, ses lèvres se tordirent vers le haut, se crispèrent. « Dono, j'ai froid. Viens donc me réchauffer.
- Tu as entendu les infos ? Patrick BaptAmro s'est évadé de prison. Nous sommes en danger, Tsuki.
- Moi, j'aurais aimé que tu sois mon danger... »
Sa complainte était telle que, Dono, en réponse, devint aigri comme à son habitude. Ma foi si tu le désires. « Je pourrais t'exprimer mon amour en un petit paragraphe de seulement 28 lignes, mais l'acte vaut plus que les mots n'est-ce pas ? »
Dono aurait aimé la jouer violence ; arroser le rôti d'une gorgée de vin, libérer le titan du Café d'un geste raccourci, découper l'orignac et dépecer la bête, mais Tsuki était femme de paix et de sérénité. Je vais y aller doucement. Le tonnerre grondait, bam, bam bam, et l'écho roulait entre les murs de bois. Dans sa poitrine son cœur battait tout aussi fort, couvert par l'intonation de l'orage, bam, bam, bam, cognait son cœur.
Il surgit sur le lit comme l'avait fait un sanglier traquant le gibier. « Tes fesses rebondies sont miennes désormais. » Bam, bam, bam, claquait sa main sur le bas de son dos. Mais le sanglier c'est plutôt cette odeur. Qu'à cela ne tienne, Tsuki en cette soirée, prendrait sa raclée.
Tsuki émergea de la couverture qui dissimulait son corps. Blanc d'un pâle nordien, Dono l'attaqua de baisers tonitruants, sur les joues, sur sa barbe hirsute qui recouvrait la moitié de son visage d'une oreille à l'autre. Ses poils sentent la fleur de lys. Ses baisers descendaient, descendaient, sur le cou, les épaules, le torse. Velu, lui aussi. La voir transpirer et jurer en hissant la voix, haut comme les cœurs, battait désormais le concert d'un orchestre symphonique. La batterie résonnait, et Dono davantage descendait. Plus bas, encore plus bas.
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Les fleurs du Café Zelda
Romans2022, soir d'automne, Dono et Tsuki - les deux modérateurs virils - ont un rapprochement. Tandis que les feuilles d'été se brisent de leurs branches, la passion fait fleurir en leurs cœurs un amour printanier.