Chapitre 3eme

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Mes valises sont prêtes .
N'osant même pas me regarder dans la glace , je met juste un jean et un pull .
Je pars sans avoir aucune idée de ma putain d'apparence .

On va dans une auberge de jeunesse pour être autonomes et apprendre à réfléchir par nous même.

Pour créer un esprit d'équipe avec les 15 autres tarrés de notre classe .

Bon .
Techniquement, pourquoi pas?

Je réponds à ça que je suis presque pas sortie de Grenoble depuis deux ans .
J'ai trop peur .
Le gens sont littéralement malsains .
Tous .
Donc limite leur idée de merde .
Ça part d'une bonne intention peut être mais c'est carrément jouer avec mes limites .

Surtout qu'on est toustes pareils ici ,
Des flippé.e.s de la vie ...
A quoi bon nous faire chier alors ?

Enfin bref .
A voir .
Cinq jours ,
C'est pas long ...si ...?

Je descends l'escalier pour aller dans la cuisine .
J'ai décidé de manger un peu plus que d'habitude ce matin , au cas où ce soit vraiment degeu là-bas .
En prenant en compte que je mange jamais le matin ,je vais manger tout court.
Ma mère a fait chauffer du pain .
Je sens l'odeur répugnante depuis le salon ...
Je m'aventure donc dans ce lieu malsain qu'est la cuisine .

Ma mère me fait des éloges sur mon look.
Elle fait ça depuis une semaine, c'est sa nouvelle passion , elle a du voir ça dans un de ces magasines pour les mères de dépressif.ve.s.
Je lui réponds par bisou sur le front .
J'ai pas l'habitude de trop lui parler le matin ...

Même en général, elle me fais chier , ma mere.

Vous savez ,c'est le genre de personne qui voit toujours le côté positif des choses .
Et le genre de personne qui fait tout ce qu'on lui demande .
C'est chiant , elle est carrément pitoyable à se faire marcher et dominer par tout le monde .

Régulièrement, je tombe sur cette phrase humoristique sur pinterest et elle me fait penser à ma mère ; « On me répète de voir la bon côté des choses , genre je tombe dans les escaliers et je me dis -cool , je suis arrivée plus vite en bas-»

Mon père débarque dans la cuisine en gueulant .
J'ai l'honneur d'être l'objet de sa colère .
Encore une fois , il m'engueule pour des trucs anodins .
Je fais mine d'en avoir quelque chose à foutre.
C'est pas vrai mais je fais semblant histoire de lui faire plaisir .

Ma mère essaye de le calmer .
Rien à faire .
Je chope donc un verre dans le placard au dessus du lavabo et lui sert une bonne dose de vodka.

Ça a le don de le calmer .
Sans doute bien plus que les mots doux de sa femme.

Ma mère me sert le café au lait qui était en train de chauffer .
Sans sucres .
C'est une des seules choses que j'aime ingérer .
Ça me permet de tenir la journée, ou presque.
Toujours est-il que je prends du plaisir à boire du café au lait .
Le goût amère du café est balancé par la douceur crémeuse du lait .
C'est une folie ce truc .
Le liquide me brûle la langue et le palais .
Descends dans ma gorge et dans mon corps .
Le chauffant agréablement .

Mon père -soulagé par son verre de vodka matinal- fais remarquer à ma mère que les tartines sont en train de cramer .
Elle se précipite sur le grille pain en poussant des cris aigus pour s'excuser .
Elle gratte les bouts de pain carbonisés et tartine le reste d'une de ses confitures bio cheloues.
Ce matin c'est «framboise basilic poivre» je suis pas convaincue mais pour lui faire plaisir j'accepte son offre .

Honnêtement, c'est pas si degueu mais beaucoup trop sucré.

Mon esprit pete instantanément un câble et me renvoie des images de mon corps gonflé de sucre .

Je lache d'un coup mon petit déjeuner, qui retombe sur le sol et comme Murphy est omniprésente dans ma vie , la tartine se retrouve sur le sol .
Elle me fais penser à moi ,cette tartine .
Elle est rejetée par les autres et en tombe sur le sol .
Je pars sans doutes beaucoup trop loin dans mes délires car la voix aiguë de ma mère me ramène brusquement à la réalité.
Il est sept heures et demie ,l'heure a la-quelle on était censés partir de la maison .
On est à la bourre .
C'est un peu la spécialité de ma famille .

Mon père grimpe les escaliers et redescends ma valise pendant que j'enfile mes indétronables converses .

N'ayant pas le temps de me brosser les dents , je fais un bisou sucré à ma mère en guise d'au-revoir .
Elle me glisse un quartz rose dans ma poche .
C'est ma pierre préférée , elle le sait , c'est notre unique passion commune , la lithotherapie.
Je la remercie d'un signe de tête et lui dis à vendredi .

On monte dans la voiture de mon père .
Elle empeste toujours autant la clope .
C'est affreux mais j'ai pris goût à ce parfum .

Mon père va vite sur la route .
J'ai peur mais je me rassure en me disant qu'au meilleur,
ça me tuerais .

Paradoxalement Où les histoires vivent. Découvrez maintenant