La rose de la forêt

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Le vétuste chariot remplit de paille traversait tranquillement la forêt en direction du comté, quand il fut stoppé net par quatre flèches qui venaient de se planter sur sa route. Surgissant des branches des arbres et des buissons, l’attelage fut alors encerclé par une dizaine d’hommes armés d’arcs et d’épées. L’un d’entre eux s’avança vers le cocher et pointa sa lame dans sa direction.

- Messire… je ne suis qu’un modeste paysan transportant du foin pour les animaux de ma ferme, je ne possède rien qui puisse vous intéresser...

L’homme fit un geste de la tête à l’un de ses compagnons qui tenait une fourche à la main, celui-ci se rapprocha du chariot et alla la planter dans le foin. Un cri retentit alors et quatre hommes sortirent du fourrage. Ils comprirent instantanément qu’ils n’avaient aucune chance et jetèrent immédiatement leurs armes aux pieds des assaillants.

- Vous disiez mon brave ? Un modeste paysan ? Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
L’homme semblait très amusé par cette situation et riait à gorge déployée. Il reprit cependant très vite un visage sérieux : « Donnez-nous votre véritable chargement à présent ! ».

Les hommes dans la charrette extirpèrent alors un coffre dissimulé dans le foin pour le jeter par-dessus bord. Celui-ci s’ouvrit en touchant le sol et des dizaines de pièces d’or et de bijoux s’étalèrent alors par terre.
- Compagnons, ramassez-moi tout ça et rentrons ! Modeste paysan, je vous remercie de cette généreuse contribution à…

Mais il ne put finir sa tirade car il venait de sentir que le piquant d’une lame le tenait à présent en joug dans son dos, et la voix de son propriétaire ne tarda pas à se faire entendre.
- Messire, je vous remercie à mon tour ! Demandez à vos hommes de m’amener le coffre s’il vous plaît.
- Oh ! Une femme ? À qui ai-je l’honneur ? Répondez-moi s’il vous plaît, que je puisse donner à mes compagnons le nom de celle qui se sera jouée de moi…
- Vous pouvez m’appeler la Rose de la forêt ! Bien que cela m’importe peu, et simplement pour que vous me rendiez la politesse, comment vous nomme-t-on vous-même ?
- Oh, j’ai un nom très quelconque savez-vous damoiselle… Mes amis et mes ennemis me nomme Robin des bois…
- Comment ?! Le célèbre voleur ? Vous existez donc réellement ?...
À son tour, elle ne put aller plus loin dans sa phrase, puisqu’elle fut elle-même mise en joug par le puissant bâton du frère Tuck, qui était apparu derrière elle.
Ligotée et embarquée sur l’épaule du massif serviteur de dieu, elle se retrouvait à présent en route vers le repère du plus grand bandit de la forêt de Sherwood.

Un peu plus tard, à quelques lieux de là, au château du comté de Nottingham, les malheureux détroussés étaient rentrés penauds chez leur maître et firent le récit de leur mésaventure au Shérif, qui s’empressa d’aller tout rapporter à son aspirant souverain.
- Comme vous avez été bien avisé Monseigneur, notre leurre a fait son office. Il ne faisait nul doute que Robin et ses joyeux compagnons plongeraient tête la première dans notre piège, informés qu’ils l’étaient par l’un de mes hommes, de cette cargaison dissimulée dans une simple charrette de fermier.
- Peu de biens précieux réussissent à traverser cette maudite forêt ! Heureusement, pendant qu’ils détroussaient mes hommes, un autre convoi est parvenu à arriver jusqu’ici et il est bien plus précieux que celui que nous avons perdu !
Le Prince Jean sorti d’un petit coffre une pierre noire qu’il tenait sur un morceau d’étoffe.
- C’est la fameuse pierre de Zeugma, Sire ?
- Oui, c’est bien elle. Dérobée à une tribu gitane de l’Europe de l’est, elle est passée de mains en mains et est enfin en ma possession !
- Veuillez m’excuser, mais… On dirait un vulgaire morceau de charbon, un gros bloc de carbone…
- Effectivement… A première vue seulement...

Pendant ce temps, dans la forêt de Sherwood, Robin et ses joyeux compagnons étaient arrivés à leur camp de base. On fit alors détacher la prisonnière... Mais toujours sous bonne garde.
- Voyez comme nous sommes bien installés ici Madame ! Nul ne peut venir nous débusquer en ces lieux. En l’absence de notre bon Richard, cette forêt est devenue notre palais et nous ne sommes pas loin de mener une vie de château !
- Effectivement, vous êtes particulièrement bien organisés… Mais qu’allez-vous faire de moi ? De ce que j’ai pu entendre de votre légende, vous n’êtes pas un assassin, ni un kidnappeur. Alors, pourquoi m’avoir emmenée ici ?
- Madame… Vous avez un certain talent. Depuis quelques temps, vos exploits – encore bien loin d’égaler les miens – commençaient à venir jusqu’à nos oreilles. Alors, plutôt que de nous faire concurrence, pourquoi ne pas nous rejoindre ? Et ôtez cette capuche que nous puissions enfin voir votre visage, s’il vous plaît.
La Rose de la forêt était vêtue tel un garçon, bottes, pantalon et haut capuchonné. Robin étant plus gentilhomme que nul autre n’avait même pas osé soulever le morceau de tissu sans son autorisation. Il avait tout de même ôté les couteaux encastrés le long de ses cuisses et confisqué son épée.

La rose de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant