La folie a toutes sortes de nuances...
Mais il se pourrait que Ella Sloane soit la plus pourpre d'entre elles.
Pour Zade Alridge, célèbre courtier qui a la bourse dans le sang, parier sa vie sur des actions est une chose qu'il fait tous les jours...
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Quand j'étais morte de froid dans ma tente, à prier le Seigneur pour qu'il me vienne en aide, j'ai confessé une peur particulière que j'avais à Karel. Bien avant qu'il ne rejoigne la paroisse et ne porte la soutane, on le voyait toujours avec une Bible en main. Elle était fripée, déchirée et les feuilles jaunies étaient flétries par les fuites d'eau que nous offrait le pont sous lequel on habitait, mais il ne s'en séparait pour rien au monde. Ses propres proches ne comprenaient pas comment il pouvait encore croire à une quelconque divinité, vu leur situation, mais il n'avait jamais manqué la foi.
J'avais essayé à mon tour et pourtant à chaque fois, j'avais peur que Dieu ne comprenne pas ce que j'essayais de dire... Car je pleurais trop.
C'est con, hein ?
Karel n'avait pas réellement su comment me réconforter, alors à la place, il m'avait dit que je n'avais pas à m'en faire parce que le Saint-Esprit traduisait. Qu'il connaissait la langue des larmes, comme nous la langue des signes.
Je ne savais pas si je devais rire, l'insulter de ne pas prendre au sérieux ma crainte ou le croire.
Mais me voilà aujourd'hui, avec la clef de ma fortune en mains...
Et je sais que ma place en enfer est réservée pour la façon dont j'ai décidé de m'en emparer.
Mais au moins une divinité a pu m'entendre, ces nuits-là.
Et c'est tout ce qui compte.
— Alors ?
La voix sourde de Zade masque à peine son empressement. Son bras blessé pend à son cou par une chemise improvisée et se contracte alors que ça fait deux minutes que je reste bloquée sur le pas du bureau de Judd. J'ouvre la porte, mais ne fais pas un pas.
Je ne sais pas si je suis bloquée ou si c'est la simple réalisation que quand l'aube se pointera, je serais riche et assouvie, qui m'empêche d'avancer... Mais c'est réel.
— Je suis surpris que Judd t'ait montré où se trouvait son coffre-fort.
Je cligne des paupières quand Zade s'aventure dans la pièce et reprend enfin mes esprits.
— Il ne l'a jamais fait.
— Et comment est-ce que tu es certaine que c'est ici, alors ?
— Parce qu'il est parti ce matin... Et que j'ai cherché pendant des heures. Crois-moi... Le plus dur, ça n'a pas été de te convaincre ou encore d'obtenir la clef biométrique... Mais de trouver.
Il me fait face et je me retiens de ne pas rire face aux trous par lesquels transperce la peau de son torse, tant la chemise est serrée sur son corps.
— Et... tu l'as déjà ouvert ?
— Bien sûr que oui, sinon je n'aurais jamais su ce qu'il contenait.
