"Une putain de quête Hel !"
Le soleil était en train de se coucher lorsque Helen posa le dernier carton sur le sol. Elle le poussa sans ménagement jusque dans le cagibi et ferma la porte, l'esprit déjà ailleurs. Son regard balaya une nouvelle fois l'endroit. Elle avait choisi cet appartement pour son charme, qu'elle redécouvrait à l'instant, non sans joie. Le salon baignait dans le doux rose-orangé de fin d'après-midi, chauffé par les derniers rayons du soleil. Helen plissa les yeux pour ne pas être éblouie et s'approcha un peu plus de la fenêtre, qu'elle ouvrit en grand pour en profiter pleinement. Un courant d'air pénétra dans la pièce, soufflant les cheveux de la jeune femme et jouant entre les pages des quelques livres posés par terre. Un sourire enfantin s'élargit sur son visage. Il y a longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi légère. Cet endroit était parfait pour elle, elle le sentait.
Elle l'avait découvert un mois auparavant, totalement par hasard. Elle était dehors, à se promener sans but précis, comme souvent ces derniers temps, lorsqu'elle avait vu une dame tenter tant bien que mal d'installer une grande pancarte sur les barreaux d'un balcon, où l'on pouvait lire "A LOUER DÈS MAINTENANT", suivi d'un numéro de téléphone.
Helen s'était approchée et, les mains en porte-voix pour se faire entendre, l'avait interpellé et lui avait demandé, sans préambule, s'il était possible de visiter. Elle était pourtant déjà locataire, avec plusieurs amies, à l'autre bout de la ville. Cela faisait un moment qu'elle avait décidé de déménager, seule, mais elle n'avait pas trouvé l'occasion et le courage de sauter le pas. La dame, qui se présenta alors s'appelait Julia et était disposée à faire visiter son logement tout de suite. Il était tard, mais elle lui assura qu'elle n'avait rien d'autre de prévu le soir-même que d'installer la pancarte sur le balcon. L'idée de déménager devint une évidence à l'instant-même où Helen posa le pied dans l'appartement.
Après quatre ans en colocation, une nouvelle vie commençait pour Helen qui n'avait jamais vécu seule. Cette idée lui faisait aussi peur qu'elle l'excitait. Elle n'avait jamais apprécié se trouver en tête à tête avec elle-même et s'était toujours arrangée pour que cela n'arrive jamais. Mais, depuis l'accident subi quelques mois plus tôt, la jeune femme se sentait oppressée où qu'elle se trouvait. Les insomnies avaient commencé mais ne s'étaient jamais arrêtées. Les médicaments n'étaient pas la solution que Helen recherchait et s'obstinait à ne pas les prendre, malgré les incessants conseils de son médecin traitant et les réprimandes de sa mère. Contrairement à ce que tout le monde lui conseillait de faire, elle s'était rendu compte qu'elle ne réussissait à trouver du réconfort que lorsqu'elle se trouvait seule. C'est ainsi qu'il lui arrivait de passer des nuits entières dehors à marcher, sans aucun but, poussée par l'irrépressible besoin d'être seule.
Derrière elle, sa mère passait une lame de couteau dans chaque carton pour, déjà, tout déballer. Elle semblait être la plus impatiente des deux, à croire que c'était elle qui emménageait. Suzan était une femme qui, pour avoir vécu seule à élever ses deux enfants, prônait avec véhémence l'indépendance de la femme. Quand sa fille lui avait fait part de son choix d'emménager dans son propre appartement, elle avait sauté de joie. Enfin ! Elle attendait ça depuis si longtemps.
Chaque carton qu'elle ouvrait était poussé sur le côté avant que le suivant ne subisse le même sort. Elle procédait méthodiquement, pour ne pas perdre de temps. Helen ne put s'empêcher de se faire la réflexion que, peut-être, sa mère était pressée de rentrer chez elle mais elle n'osa pas lui poser la question, trop reconnaissante d'avoir eu son aide tout au long de la journée pour tout gâcher par une dispute inutile.
Elles étaient proches mais les querelles éclataient vite. Suzan n'avait pas un caractère facile et Helen était têtue. Les conversations pouvaient ainsi très vite tourner au vinaigre, l'une trop vite agacée tandis que l'autre restait campée sur ses positions, sans rien vouloir entendre de plus. Mais, depuis que Suzan avait failli perdre sa fille, une trêve semblait s'être mise en place d'un commun accord. Les piques fusaient toujours autant mais les disputes étaient largement évitées. Helen aimait à s'imaginer que cette situation pouvait durer. Elle inviterait alors sans doute sa mère à dîner chez elle de temps à autre, pour discuter ensemble au lieu de se disputer. Peut-être...
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Tout commence par un rêve
RomanceAprès un accident qui la bouleverse, Helen se met en quête d'une mystérieuse personne dont elle ne connaît rien.