La plante

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   Les roues qui crissent, une passante se retourne vivement et rejoint ce bruit aigu, rendant le moment insupportable. Un cri d'effroi, annonçant un drame.
Ces yeux profonds renvoie à la lumière aveuglante des phares.
Puis la voiture passe, n'ayant jamais eu l'intention de s'arrêter.
La femme vit la fille indemne, ces yeux l'observant dû à son hurlement de terreur puis esquisse un maigre sourire que la jeune femme gênée, et quelque peu soulagé de ce malentendu, le lui rendis.  La petite en tenant fermement son guidon, continue son chemin.                                                                          
  Quant à l'adulte, quelque peu troublée, se dirige avec des jambes en compote vers son lotis. La scène se répétait inlassablement dans sa tête. Elle crût qu'un accident allait se passer, mais la fillette était bien rangée sur le trottoir comme le lui avait ordonné sa mère, dans ce virage jugé dangereux.

  L'odeur parfumée chagrine ces narines. Ces fleurs aux milles couleurs submergent ces yeux. En une fraction de seconde, elle se sent comme chez elle.
La petite fille est rentrée dans son  jardin secret.                                                  

  Une énième inspiration, un relâchement, et elle s'allonge de tout son long dans l'herbe fraîchement mouillée de cette aurore. Ses iris captent une petite fleur. D'un bleu intense à en faire pâlir le ciel si morne comparé aux éclatantes pétales. Grâce à cette balade hasardeuse dans la forêt, elle a pût rencontrer ce bleuet. Sa beauté est telle que la fillette veut se l'accaparer.

  D'un geste brutal, elle tends sa main et l'arrache. Du moins c'est ce qu'elle espérait, la réalité fut tout autre : la plante ne céda point.                                      
  Alors elle retente, y met de toutes ces forces pour l'extirper de la terre, mais rien à faire. Le bleuet rayonna toujours autant dans sa forêt, moqueuse de l'inefficacité de la jeune fille. Le vent se lève, les arbres autour d'elle grincent, ils commencent à perdre leur feuille.

  Les feuilles se laissent tomber, s'envolent et se rejoignent tout en balayant le sol. Ce fut comme une danse sournoise où les feuilles imitent les douces vagues longues et sensuelles précédant une tempête. Celles-ci tournent autour de la miniscule petite fille, légèrement elles ondulent autour d'elle resserant l'espace jusqu'à totalement l'encerclé.

  Cette dernière, hypnotiser par le spectacle, se laisse distraire et ferme agréablement les yeux. Le vent siffle dans son oreil, tel un avertissement et cesse.                                                                

  Quand elle ouvre les yeux: tout est terminé.
Les feuilles jonchées sur le sol touchent ses pieds.  Encore dans les vapes, elle voulut se diriger vers son vélo. Elle tangue comme un faon tout juste né; ne tenant plus sur ces jambes elle s'écroule. En premier plan elle voit ces avant-bras qui l'aide à rester assise. Et qu'elle ne fut sa stuppeur quand elle s'apperçoit que sa chemise qui arrivait initialement à la hauteur de son poignet est désormais à la hauteur de son coude.

  Figée, le regard dans le vide, elle se sent déboussolée. Toujours encerclée de ces feuilles, elle ne tente plus rien. Des longues minutes s'écoulent sans qu'il ne se passe rien. D'un coup, comme si elle se réveillait d'un cauchemar étalé sur toute une vie, elle se lève. Ses yeux se font absorbés par ces feuilles.

  Elle franchit un pas en dehors du cercle, puis un deuxième. Toute la tension imprégnée depuis que le merveilleux spectacle a débuté, s'estompe. Elle se sent plus légère, elle reprends de sa belle couleur rose bonbon, elle se sent plus vivante. 

   Elle prends son vélo égaré un peu plus loin de là et s'en va.

  De retour chez elle, une routine s'opère : il faut ranger le vélo dans le garage, le déposer délicatement sur le mur sans toucher la voiture ou même l'effleurer. Bien intégré maintenant, elle réussit ces indications comme une cheffe.

  Dans la cuisine, elle lave ses mains fripées, se les sèchent puis se dirige vers sa chambre. Les simples marches lui donne une douleur aux genoux qui l'obligent à ralentir. Dans le couloir, sa mère se trouve de dos en train de passer l'aspirateur.

  Le bruit est assourdissant, tellement qu'elle ne remarque même pas la présence de sa fille rentrée de sa promenade matinale qu'elle chérit tant. Pour montrer qu'elle se trouve juste derrière, elle porte sa voix. En entendant quelque chose la femme éteint la machine, se retourne et ... hurle.

  Elle ne voit pas sa fille mais une personne inconnue dans la soixantaine qui lui fait face. Cette dernière a peur de se faire engueuler dû à une potentielle bêtise qu'elle aurait pu faire. En retraçant le déroulé du début de la journée, rien ne lui vient en tête, elle n'a fait aucune bêtise, elle en est sûre.              
Alors, munie d'un sourire enfantin, elle lui demande : "Quand est ce-qu'on mange?"

Les rues goudronnées conduisent aux chemins plus abruptes menant à ce bleuet.                                                                                                                                             Ce bleuet rayonnant dorénavant d'une jeunesse éclatante. Il n'a jamais été aussi beau depuis le moment où il a absorbé l'énergie vivifiante de Georges Damard en 1952.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 08 ⏰

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