Chapitre 5

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Les jours suivants reprirent leurs cours habituels. Je n'ai pas recroisé le duc de Whithaven et j'avoue m'en accommoder. Il me perturbe plus que je n'aime à le penser. Après notre conversation près de l'étang j'ai été persuadé qu'il avait compris la supercherie, pourtant il ne m'en a pas parlé clairement et n'en a parlé à personne d'autre. Je n'arrive pas à le cerner, quelque chose de mystérieux gravite autour de lui sans que j'arrive à mettre le doigt dessus. Même si je ne l'ai pas revu, il hante mes pensées. J'essaie de m'occuper le plus possible pour le chasser, mais il revient quand je suis le plus faible et que je ne contrôle rien, dans mes rêves.


J'ai effectué deux missions pour Bazan afin de rattraper mon « erreur » ... Une rapide et efficace, ce n'était qu'un petit larcin sans victime. Je me suis introduit dans la demeure d'un riche marchand de nuit pour récupérer un livre que Bazan convoitait. Il m'a répété au moins 5 fois que ce livre lui appartenait depuis bien trop longtemps pour finir chez un vulgaire marchand. Je n'ai que faire de ces états d'âme habituellement, mais son empressement m'a surprise. J'ai feuilleté le livre avant de lui rendre, mais je n'y ai rien compris. Il était écrit dans une langue qui m'était inconnue. Pourtant quelques dessins m'ont interpellé, ils représentaient des démons à cornes ou à la peau colorée tous plus moches les uns que les autres. Au détour de quelques pages, je suis tombée sur des représentations d'anges. Je n'ai pu m'empêcher d'arracher l'une des pages qui illustraient un ange auréolé et de la fourrer dans la poche de mon pantalon noir. L'autre mission était un peu plus complexe, j'ai dû faire peur à un homme qui devait de l'argent à Bazan. Le problème c'est que le démon ne m'avait pas prévenu que j'allais devoir intimider un colosse. L'homme mesurait un peu moins de deux mètres. Il était aussi grand que Raphe, mais plus effrayant avec une balafre qui lui barrait la joue. En me voyant, il a clairement éclaté de rire. J'ai dû prendre de l'élan, puis prendre appui sur un mur avant de pouvoir lui décrocher une droite dont il va se souvenir. Même désorienté, il a réussi à m'attraper le bras et à serrer de toutes ses forces. J'en ai encore les séquelles. J'ai dû attraper l'un de ses doigts et le retourner. Il a hurlé de douleur et j'ai attrapé l'une de mes dagues avant de lui enfoncer dans la paume de la main contre le mur. Des larmes baignaient son visage quand je lui ai soufflé que ce n'était que l'avertissement de Bazan et qui lui restait une semaine pour régler sa dette.


Ce n'étaient pas les missions les plus difficiles que Bazan aurait pu me confier ce qui m'a étonnée. Il ne se montre jamais indulgent. Je me doute qu'il me réserve une mission bien plus coriace que les autres, mais je ne sais pas encore quand elle aura lieu.


J'ai rarement vu Esteban ces derniers jours. Il travaille beaucoup. La seule fois que je l'ai croisé, il a eu l'air soulagé de me voir en un seul morceau. Il s'est à peine inquiété de l'hématome sur ma joue qui a déjà presque disparu, ce n'est pas la pire correction qu'aurait pu m'infliger le démon. Au contraire, il a été « gentil » si on peut le dire ainsi. J'ai une cicatrice sur le ventre qui prouve toute la perfidie dont il peut faire preuve. Quand il m'a entaillé avec mon propre poignard pour lui avoir désobéi, j'ai cru que j'allais mourir. Il y avait tellement de sang. Je suis restée pendant une semaine avec des bandages souillés sous ma robe, des sueurs froides me prenaient de temps à autre et plus d'un vertige ont risqué de me faire tomber. Pourtant j'ai tenu le coup, en désinfectant tous les soirs la plaie à l'alcool. Je m'étais même fait des points de suture seule dans mon lit, un bout de cuir dans la bouche pour que personne ne m'entende hurler. Quand la plaie a finalement guéri, j'ai été extrêmement satisfaite de voir que le sceau de Bazan marqué au fer sur ma peau avait été défiguré par la balafre. On pouvait toujours deviner que j'appartenais à un démon sans pourtant savoir lequel.




Mes journées se ressemblent, je me réveille et je vais voir la princesse. Nous passons notre journée dans un salon, dans les jardins ou n'importe quelle autre pièce, entourées de nobles à boire le thé, à apprendre la broderie ou autre centre d'intérêts qui fascinent les dames de la cour. Je dois subir les conversations barbantes de ladies qui se croient supérieures au reste de la population. Pourtant, aujourd'hui, c'est différent. Une effervescence parcourt le palais. Ce soir, un nouveau bal a lieu. C'est la duchesse de Montzieu qui l'organise dans sa demeure secondaire de Requiem. La princesse m'a prié de l'accompagner, je n'ai eu d'autres choix que d'accepter. Mais je lui ai spécifié que je ne rentrerais sans doute pas avec elle, j'irais voir Ban avant de rentrer au château, elle n'a pas émis de réticence. Évidemment je passerais voir mon frère dans la petite maison qu'il habite quand il n'est pas de service, mais c'est surtout une excuse pour rejoindre la planque de Bazan. J'ai une nouvelle mission ce soir. Je dois me présenter à 1 heure du matin pour qu'il me donne les différentes informations.


Donc, contrairement aux jours précédents, j'aide Ombeline a essayer différentes robes et à choisir laquelle lui va mieux au teint et les accessoires qu'elle pourra porter. Son choix s'oriente finalement vers une robe ivoire avec différentes couches de tulles. La couleur fait ressortir ses yeux. En se contemplant, elle me dit :


— Je prends celle-ci, c'est sûr. Quand a toi tu devrais choisir celle que tu veux.


— J'irais me changer dans ma chambre quand vous serez prête.


— Non ! Prends l'une des robes ici. Une que je n'ai pas choisis. Elles seront renvoyées à la couturière de toute manière.


— Mais vous m'avez déjà offert des tenues la semaine dernière.


— Ooooh, Léo ne fait pas ta rabat-joie. Prends celle que tu préfères, ça me fait plaisir.


— Très bien.


Un petit sourire satisfait apparait sur ses lèvres. Je m'avance vers les robes présentées sur les cintres. J'apprécie le contact des différentes matières sous mes doigts. Je pousse le cintre sur lequel une robe rouge pend, puis le cintre d'une bleue et ainsi de suite. Mon regard s'arrête finalement sur une verte magnifique. Ombeline pousse un cri.


— Oh oui ! Elle est de la même couleur que tes yeux, ça va être impressionnant.


La robe est de la même teinte que prennent les feuilles en plein été quand elles sont gorgées de soleil et des fils d'or dessinent des formes complexes sur l'entièreté du tissu. Le haut est un corset qui s'évase au niveau des hanches pour terminer en jupe fluide. Je remarque la fente plus que subjective sur la cuisse droite qui rajoute un petit quelque chose. Elle est assortie d'un col montant mais qui n'est pas relié au corset. Avec une telle robe, aucun bijou n'est nécessaire, la robe se suffit à elle-même. Les manches n'en sont pas vraiment. Ce sont deux bouts de tissus en tulle longs qui arrivent au bas de la robe. Si je lève les bras, on pourrait croire que j'ai des ailes vert feuille.


— Essaies-là. Comme ça, on sera prête et tu pourras me coiffer. J'entends à sa voix qu'elle sourit.

Fall out - L'Âme Vendue au DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant