Chapitre 14

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L

ucien, de son coté, était détruit et ne faisait plus de son âge. Des cheveux blancs commençaient à apparaître sur son crâne. Rien n'allait plus. Il ne lui arrivait que des malheurs : son cambriolage, la terrible nouvelle du mariage de l'amour de sa vie...Il fumait cinq cigarettes par jour et se parlait à lui-même toute la journée, qu'il passait à faire une interminable sieste sur son canapé, tandis que son tourne-disque passait mollement Oh, pretty woman de Roy Orbison. On aurait dit un vieil handicapé. Lucien ne se lavait plus les dents, ne se brossait plus les cheveux et n'avait plus l'appétit. Mais son image ne lui importait plus.

Soudain, il entendit son téléphone fixe sonner et se précipita vers lui. Il décrocha.

« Allô ? demanda une jolie voix, innocente, presque enfantine. »

Lucien comprit que c'était Marion au bout du fil.

« Ecoute, Lucien, le mariage (elle ne précisait pas que c'était le sien, comme si elle avait quelques soupçons sur Lucien et ne voulait pas en remettre une couche et ainsi le blesser) aura lieu le samedi 28 juin. Il faudra que tu sois à la mairie du XVème à quatorze heures. Vas-y en joli costume s'il-te-plaît. »

Lucien ne savait pas quoi répondre.

-Ok, dit-il simplement.

Puis il raccrocha. Il réfléchit un instant. Lesamedi 28 juin, c'était le samedi prochain. Il fallait qu'il se metteimmédiatement à l'écriture d'une lettre, une lettre dont la poésie mais latristesse pourfendrait le cœur de Marion et remplirait de larmes ses yeuxbleus. Il s'assit devant sa machine à écrire, prit une grande inspiration enfermant les yeux et commença. Il écrit en premier Très chère Marion, hésitant avec le fait d'incruster le pronompossessif « Ma » avant le « très ». Il ne voulut pas,car cela générait une connotation d'appartenance qui le renvoyait à sapersonnalité misogyne qu'il croyait avoir laissé dans le passé. En général ceterme se fait employer par un père qui s'adresse à sa fille. Il continua sonécriture. Les mots tombaient sur le papier à une vitesse importante, ilscoulaient de source et, à vrai dire, Lucien prenait un plaisir absolu à évoquerle drame de sa vie. Il finit. Et en contemplant son œuvre, il pleura.

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