Chapitre 6 - Reed

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Le destin peut jouer bien des tours. Je pensais avoir réussi à mettre mon passé derrière moi. J'avais tout fait pour. Mais il a fallu que Kim déboule dans ma vie pour la seconde fois.

Ni l'alarme, ni le bruit de la cafetière ou encore l'odeur du bacon ne l'ont réveillée ce matin. Plongée dans un sommeil profond, elle semble paisible. La colère ne fait pas trembler son corps et le désespoir ne tire plus ses traits. La voir ainsi ravive mes vieux souvenirs. Je la revois s'approcher de notre table au bar, pétillante de vie, avec ce sourire époustouflant... Oui, c'est ce qui m'a attiré tout de suite chez elle. Elle est apparue tel un rayon de soleil et a raflé toute l'attention. Je me souviendrais toute ma vie de la puissance avec laquelle mon cœur s'est emballé lorsqu'elle s'est assise à côté de moi. De l'odeur de son parfum qui a créé une décharge électrique le long de ma colonne vertébrale. Du doux son de son rire alors qu'elle apprenait à nous connaître. Puis ses yeux ont crocheté les miens et tout ce qui se trouvait autour de nous a disparu. Ce soir-là, Kimberley m'a volé bien plus qu'un moment hors du temps.

Je termine mon assiette et file silencieusement à l'extérieur pour récupérer Arlo. Aujourd'hui, en l'absence de mes parents et de Charles, je dois me débrouiller seul. Ce qui n'est pas un problème : il est bien plus facile de s'occuper d'une cinquantaine d'animaux que d'une Kim enragée.

— Salut mon tout beau...

J'ouvre le chenil d'Arlo qui s'empresse de me lécher la main avant de filer vers son coin d'herbe préféré.

— Prêt à aller nourrir tes copains ?

Le border collie revient à mes pieds et s'assoit. Je caresse sa tête soyeuse, l'air songeur. Ça ne me plaît pas du tout de laisser Kim seule. Où qu'elle soit, elle pourrait se blesser sérieusement si elle venait à s'évanouir. Pourtant, je n'ai pas le choix. Je dois m'occuper de mes petits protégés.

— Est-ce que tu peux me reprêter ton portable ?

Je me tourne. Kimberley se tient dans l'embrasure de la porte, les bras croisés sur la poitrine. Un long t-shirt couvre son corps jusqu'à mi-cuisse. Je serre la mâchoire, me forçant à river mes yeux à son visage. Elle tremble à cause du froid.

— J'en ai besoin pour bosser, réponds-je.

— Il faut que je rappelle l'acheteuse de ma voiture.

Je soupire. Kim l'a contactée au moins vingt fois la veille et d'après ce que j'ai compris, elle n'a jamais répondu, rappelé ou encore envoyé un message.

— Il est 6h30 du matin, Kim, elle doit dormir à cette heure-ci. Et puis tu devrais trouver quelqu'un d'autre, à mon avis tu n'auras pas de nouvelle d'elle. Je t'ai noté la clef du wifi sur un bout de papier. Je serai de retour pour le déjeuner.

Sans un mot de plus, elle disparaît à l'intérieur de la maison. J'espère qu'elle ne sortira pas en mon absence. Si jamais elle se perdait sur la propriété, sans portable, on pourrait mettre plus de vingt-quatre heures à la retrouver.

Renfrogné, je prends la direction du garage, mon chien sur les talons.

— Je vais pas pouvoir tenir deux semaines comme ça, râlé-je pour moi-même en shootant violemment dans un caillou.

En pénétrant à l'intérieur du petit bâtiment en bois, j'appuie sur l'interrupteur. La lumière inonde la pièce, se posant sur deux quads bleus.

— Allez, à ta place.

Arlo ne se fait pas prier et bondit à l'arrière de la machine la plus proche de nous, où il s'allonge dans une boîte installée spécialement pour lui. En terminant d'ouvrir les portes afin de pouvoir sortir, mes yeux se posent sur une mallette dans l'une des étagères. Je l'attrape et découvre quatre talkies-walkies à l'intérieur. Je me souviens que mes parents les utilisaient avant. Bien décidé à travailler l'esprit tranquille, j'en teste deux pour voir si la batterie est à plat, mais les objets fonctionnent. Parfait. Une fois dans ma poche, j'enjambe le quad et retourne auprès de la maison dans un vacarme assourdissant. J'arrête le moteur de la machine devant l'entrée et entre. En m'apercevant, Kim fait glisser ses lunettes sur le haut de son crâne, dégageant son visage pour mieux m'observer.

Reviens-moi cet Hiver (extrait - roman publié)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant