L'hiver des orcs

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Début de la première partie.

Chapitre 1

Elle progressait péniblement alors que ses muscles endoloris, traîtres insensibles à l'angoisse pressante qui lui remuait impitoyablement le ventre, l'empêchaient de progresser, la faisant trébucher sur les racines saillantes ou s'écrouler sous son propre poids alors qu'elle se débattait avec la neige qui alourdissait chacun de ses pas.

Son corps entier tremblait sous le vent mordant. Ses doigts de pieds semblaient avoir fusionné avec la toile de ses chaussures usées jusqu'à la corde tandis que chacune de ses extrémités, doigts, oreilles ainsi que le bout de son nez étaient aussi rouges que des cerises en été, la brûlant douloureusement. Des flocons se coinçaient dans ses cils, lui brouillant la vue.

Par chance, il faisait encore jour bien que cela ne saurait durer. Bientôt le soleil allait décliner et avec la nuit viendrait un froid plus intense encore et d'autres menaces si terribles qu'elle n'osait y songer.

Elle ne craignait pas les loups, elle avait depuis longtemps appris à les effrayer et les mettre en fuite sans la moindre difficulté, elle saurait affronter la faim et la soif, après tous, les famines étaient monnaie courante dans ces contrées, et elle avait l'espoir de résister encore un peu au temps glacial, malgré sa robe lourde d'humidité et sa cape trouée qui ne la protégeait guère des morsures du gel.

Mais les collines grises étaient tristement célèbres pour être infectées d'orcs égorgeurs qui attaquaient dès la nuit tombée et jamais elle n'aurait la moindre chance de leur échapper s'ils lui tombaient dessus. Son seul espoir était de trouver refuge dans la forêt, se dissimulant au creux d'un buisson ou derrière un renflement de terre. Mais les bois étaient encore loin, la lisière se dessinant à peine au bas de l'immense bute sur laquelle elle se trouvait, le vent fouettant ses joues avec une cruauté presque rieuse.

Il lui fallut encore une heure pour atteindre les premiers arbres et une de plus pour juger qu'elle s'était suffisamment enfoncée parmi la végétation pour être capable de se dissimuler en cas de problème. La lune venait de se lever lorsqu'elle finit son installation pour la nuit.

Elle était une bonne grimpeuse, enfant, sa mère craignait constamment qu'elle ne se brise le cou en escaladant arbres et rochers. Aujourd'hui, cela lui permettait de dormir en sécurité, perchée parmi les branches les plus hautes et les plus solides d'un grand chêne dont l'odeur forte de ses glands dissimulait la sienne.

Tentant de se caler confortablement contre l'épaisse écorce, elle sombra dans un repos léger et sans rêve, protégée de la brise par l'épais feuillage qui avait résisté à l'hiver, bercée par le doux bruissement des arbres.

Ce furent des ricanements et des cliquetis d'armure qui la tirent de son sommeil. Sans bouger un seul muscle, elle était bien trop engourdie pour y parvenir de toute façon, elle ouvrit les yeux.

Elle tendit l'oreille, peut-être était-ce des Hommes ? Ou des nains ? Elle savait qu'ils résidaient dans quelques villages dans les hautes collines, alors peut-être était-ce son jour de chance finalement ? Après des heures de marche dans ces étendues inhospitalières et mortelles, se sentir enfin en sécurité ne serait pas de refus.

La vie de Madeleine avait pris une tournure amère depuis que les nains de Erebor étaient arrivés par chez elle; comme tout le monde, elle avait entendu parler du drame causé par Smaug le Terrible, l'histoire de ces nains privés de leur foyer, perdant tout ce qu'ils possédaient en seulement quelques heures avait fait le tour de la région depuis bien longtemps.

Elle avait eu beaucoup d'empathie pour eux, mais hélas, la vie dans le grand Nord était rude, il fallait se battre pour obtenir ne serait-ce qu'une bouchée de pain. Madeleine n'avait pu les aider qu'en leur offrant ses services au rabais, ne souhaitant pas abuser de ce peuple battu par la cruauté du destin.

Doigts de fée | Le Seigneur des AnneauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant