Le corbeau des collines

38 3 0
                                    

Chapitre 2

Les premiers mots furent bien plus difficiles que tout ce que Arazal n'avait pu imaginer. Jamais il n'aurait pensé rencontrer un être encore moins prompt à prendre la parole que lui-même. Dire qu'il avait craint qu'elle ne l'épuise avec un babillage aussi incessant qu'inintéressant, découvrait la profondeur de sa bêtise.

La femme qui marchait quelques pas derrière lui, se dépêtrant parfois difficilement de la boue ou les imposantes couches de neige, avait gardé ses lèvres résolument scellées. À peine avait-elle eu un petit cri de surprise en glissant malencontreusement sur une plaque de givre, s'étalant de tout son long sur le chemin terreux.

Cela faisait des jours qu'il parcourait les collines grises, dispersant les orcs qui semaient la terreur dans les campagnes. Mais jamais ne se serait-il attendu à trouver qui que ce soit aussi loin de toute civilisation, dans ces bois perdus dans les sommets glacials des grandes collines. Il traquait cette troupe d'orcs depuis plusieurs heures lorsqu'il avait alors saisit la gravité de la situation.

Il n'était pas le seul à suivre une piste, les orcs avaient leur propre gibier. Le cœur battant à tout rompre, il s'était élancé à travers bois, coupant parmi les fourrés, empruntant chaque raccourci, cherchant à gagner le plus de temps possible. Il entendait la course des orcs raisonner jusque dans sa propre tête, les pas légers et précipités de ce qu'ils poursuivaient se confondant de plus en plus avec les leurs, signe qu'ils s'en rapprochaient.

Il avait réellement cru ne pas arriver à temps. Lorsque son épée décapita le premier des orcs, les mains de la femme qui cherchaient désespérément à libérer sa gorge de la poigne du monstre, étaient déjà retombées sur le sol, abandonnant le combat. Il avait vu du coin de l'œil ses yeux se fermer alors qu'il embrochait le deuxième dans un gargouillis abominable.

L'instant d'après, sans se préoccuper du sang noir des orcs qui maculait ses vêtements de part et d'autre, il s'était précipité auprès de ce qu'il considérait déjà comme une énième victime du mal venu droit du Mordor, qu'il avait encore une fois échoué à protéger.

Cependant, il s'était rendu alors compte que contre toutes attentes, la femme respirait encore, bien que si faiblement qu'il craignait cela ne cesse brusquement.

Lorsqu'il l'avait pris dans ses bras pour l'éloigner de la scène macabre, il avait grimacé à son poids de plume et aux os saillants qu'il devinait sans mal sous ses doigts. Depuis combien de temps n'avait-elle pas eu un repas convenable ? Son visage aminci et pale, ses cheveux ternes et sa robe déchirée parlaient d'eux même, victime de la misère qui rongeait ces terres, elle ne devait que sa survie à son désir de vivre, plus puissant que son propre désespoir.

En plus de cinq heures de marche, il n'avait appris que son nom. Madeleine. Ce qu'elle faisait seule au milieu de nulle part, il n'avait osé le lui demander. En retour, elle ne lui avait rien demandé non plus, se contentant de mettre prudemment un pied après l'autre sur le sol fourbe et glissant.

Arazal hésita. Il n'était pas dans sa nature de se montrer aussi curieux. Mais cette femme étrangement silencieuse l'intriguait. Lorsqu'ils s'arrêtèrent quelques minutes plus tard à l'abri d'une colline pour y passer la nuit, il ne résista pas longtemps à la tentation de l'observer à la dérobée.

Épuisée, Madeleine s'était laissée tomber à dans la neige, ne pouvant faire ne serait-ce qu'un pas de plus. Son corps déjà affaibli criait grâce. Sa cheville douloureuse la lançait terriblement. Après avoir repris son souffle, ce fut avec toutes les peines du monde que la jeune femme entreprit de se redresser avant de s'atteler à la fabrication d'une attelle de fortune.

Doigts de fée | Le Seigneur des AnneauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant