Début de la deuxième partie.
Chapitre 4
Un an. Aux yeux de Madeleine, il s'agissait d'un temps curieusement long. Elle qui avait vécu de nombreux hivers, avait trouvé dans celui-ci la lenteur exaspérante des heures et de l'impatience de retrouver l'être attendu. Elle pensait ne jamais en voir la fin, que la neige recouvrirait pour l'éternité les collines de Bree et que le soleil avait à son tour succombé à l'indifférence de l'existence.
Mais les jours s'étaient pourtant écoulés, se succédant inlassablement. Les semaines avaient laissé place au mois, emportant les saisons dans la ronde. Les glaces avaient fondu, les fleurs avaient éclos. Les champs s'étaient parés de leur couleur d'or, gorgé de blé et d'orge, les forets avaient retrouvé leurs couleurs éclatantes. Le parfum des fleurs chassait l'humidité des ruelles, les lourdes capes d'hiver avaient été rangées et les joues rosies par le vent avaient été remplacés par le teint halé de la saison chaude.
Aussi vite qu'il était apparu, le printemps s'effaça, accueillant avec ravissement la chaleur moite de l'été. Puis l'automne. Les feuilles prirent la couleur de l'or et des rubis les plus précieux tandis que les vignes et les champs furent parés aux récoltes. Les écureuils et autres animaux préparaient leur réserve alors que le soleil déclinait au fil du temps. Et l'hiver, lentement mais inexorablement, fut de retour. Un an.
Madeleine avait appris à aimer Bree. Elle ne manquait pas de travail dans cette ville au carrefour du grand Nord. Malgré son installation récente et son statut d'étrangère, les soins s'étaient rapidement enchaînés. Les gens se mourraient, et sa venue était inespérée.
En seulement quelques mois, elle avait mis tant de bébés au monde qu'elle serait incapable de les compter. Les maladies infantiles avaient la peau dure, mais Madeleine était têtue. Elle avait lutté contre les symptômes avec une férocité effrayante. Grand nombre d'enfants furent sauvé cet hiver-là. Pour la première fois, des familles entières célébrèrent la nouvelle année sans devoir enterrer l'un de leurs petits.
Elle avait veillé sur ses patients comme une louve sur sa portée, s'acharnant à la tache, enchaînant les consultations à son cabinet et les visites à domicile, commençant sa journée de labeur bien avant le lever du soleil et ne rentrant qu'au plus profond de la nuit.
Cela avait inquiété Sallie, la femme de l'apothicaire. Mais Madeleine était un corbeau. Plus résistante et vaillante qu'autrui lorsqu'il s'agissait d'appliquer son devoir. Alors Madeleine avait ausculté, soigné, pansé, diagnostiqué, étudié, surveillé. Elle avait administré tant de potions, soulageant maux de ventre, articulations, migraines et tant d'autres douleurs divers et variées.
Puis vint l'épidémie. Arrivée du Sud, elle avait remonté le fleuve, s'abattant sans remords sur les terres rongées par la famine. Madeleine s'était lancée corps et âme au milieu de la bataille. La maladie se manifestait sous la forme d'une fièvre intense, aspirant toutes forces et volonté, brûlant les yeux des malades, les laissant inertes de souffrances. Les corps bouillants de ses patients l'avaient affolé, mais elle avait lutté.
Madeleine avait transformé l'auberge de Bree en un hôpital de fortune, formant au mieux et au plus vite quelques volontaires afin de l'assister. La ville était devenue un bastion de la résistance contre celle qu'on appela la fièvre rouge. Rouge comme l'œil du Mal qui ne dormait jamais, loin au sud, là d'où venait cette maladie démoniaque qui vola tant de vies.
Lorsque enfin celle-ci se retira, lorsque Bree remporta la guerre, à force de dévotion et d'espoir, les rues s'étaient vidées et un terrible cimetière s'était creusé au-delà des murailles. La victoire laissa un goût amer dans l'esprit de Madeleine. Le temps reprit lentement son cours, mais jamais l'on oublia la douleur que fut le printemps dans les cœurs des survivants.
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Doigts de fée | Le Seigneur des Anneaux
FanfictionAlors que le royaume des nains d'Erebor est noyé sous les flammes de Smaug, le dragon cracheur de feu, la vie de Madeleine continuait imperturbablement son cours. Du moins, jusqu'à ce que les nains ne se réfugient dans ses collines, y attirant alor...