Chapitre 4 - Stratégie

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Avy

Mon cadis essayait de se frayer un chemin dans les allées bondées d'hommes et de femmes s'arrachant le dernier article en promotion. Je me recroquevillai de plus en plus avec un sentiment d'oppression qui grossissait à chaque instant.

Je déteste faire les courses. Trop de lumière. Trop de bruit. Trop de monde.

Je regardai ma liste, une ultime fois pour être sûr que je n'oublierai rien.

— OK, des pâtes, des lardons et des céréales pour Matt, murmurai-je.

Aller ma grande, ce n'est pas compliqué !

Il fallait être méthodique. D'abord, je commencerai par les céréales, puis j'irai chercher les pâtes, les lardons, et enfin le lait, tout au fond du magasin. Concrètement : avancer tout droit, tourner à droite, revenir dans l'allée principale, avancer encore, tourner à gauche, puis à droite, et finir en sprintant vers le fond du magasin.

L'horloge indiquait 18 h 20. C'était le jour des promotions, ce qui garantissait une foule aux caisses. Heureusement, ils mettraient sûrement leurs caissières les plus rapides. En prenant tout cela en compte, je devrais être sortie de cet enfer à 18 h 40.

Les portes du magasin s'ouvrirent devant moi comme une bénédiction. Une bouffée d'air frais emplit mes poumons, et un sentiment de soulagement immédiat me gagna. C'était comme si tout le poids de la corvée venait de s'évaporer d'un coup.

Je repris mon souffle un instant, puis me dirigeai tranquillement vers l'arrêt de bus. En levant les yeux, je remarquai que le ciel s'assombrissait à une vitesse inquiétante. Les nuances de gris et de bleu foncé se mêlaient, annonçant sans ambiguïté une averse imminente. Chaque pas que je faisais semblait résonner avec l'urgence de rentrer avant le déluge. J'accélérai instinctivement, tout en croisant les doigts pour que le bus arrive à temps.

Une fois à l'arrêt, le vent commença à se lever, balayant les premières gouttes éparses contre mon visage. Heureusement, le bus arriva rapidement, et je montai à bord, soulagée d'être à l'abri. Installée près d'une fenêtre, je me concentrerai sur le paysage quand soudain quelqu'un m'interpella :

— Excusez-moi, la place est libre ?

Trente longues secondes s'écoulèrent entre sa question et ma réponse, un silence lourd de malaise commençait à s'installer.

Quel génie !

— Non, vous pouvez vous asseoir ! lançai-je finalement, tout en poussant maladroitement mes courses pour lui faire de la place.

L'homme s'installa sans un mot, et presque aussitôt, le bus redémarra. Je me redressai légèrement sur mon siège, mais malgré mes efforts pour rester calme, une gêne sourde s'installa en moi. Il était assis trop près. Je pouvais presque sentir sa chaleur, et l'espace me semblait soudain terriblement restreint. Ma poitrine se serrait, comme si l'air lui-même se raréfiait autour de moi.

Calme-toi, Avy ! me dis-je intérieurement, dans une tentative de rationaliser la situation. C'est juste quelqu'un qui s'est assis à côté de toi. Rien de plus.

Je pris une profonde inspiration et détournai mon regard vers la fenêtre. Peu à peu, le mouvement monotone du bus me fit oublier l'inconfort. Le trajet se poursuivit sans encombre, et je parvins enfin à descendre à mon arrêt, soulagée de retrouver l'air libre.

Je venais à peine de franchir le seuil de mon appartement que le ciel, déjà sombre, fut illuminé par un éclair éclatant qui déchira les nuages avec une violence inattendue. Quelques secondes plus tard, une pluie torrentielle s'abattit sur la ville, mêlée à un vent si puissant qu'il semblait balayer tout sur son passage. Comme happée par les lumières vives que produisaient les éclairs, je posais mes courses dans le couloir et me rapprochai d'une fenêtre, fascinée par le spectacle chaotique. La pluie frappait les vitres avec fracas, et les arbres, secoués par le vent, dansaient comme pris dans une transe furieuse. L'orage, curieusement, m'apaisait. Ce tumulte extérieur reflétait presque le désordre que je ressentais parfois en moi-même, et pourtant, il m'apportait une étrange sérénité. Pourtant je n'avais aucun contrôle sur la situation. . Je ne pouvais prévoir le moment exact où le prochain éclair illuminerait le ciel ni quand le grondement du tonnerre suivrait. Mais étrangement, cela ne me dérangeait pas. Pour une fois, le chaos n'était pas en moi.

LE PACTE - TULIPE NOIREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant