Montre

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Le soleil de ce début d'après-midi semblait ôter toute vie aux rues de Gouma, que Matheus arpentait.

Les rues jaune, vert, violet, semblaient désertes. Les portes étaient fermées, les volets tirés, comme chaque journée d'été.

Les nuits, en revanche, il semblait que les maisons ouvertes crachaient leurs occupants à l'extérieur afin qu'ils puissent s'enivrer dans les échoppes environnantes.

Les rues étaient alors vivantes, bruyantes, colorées, joyeuses.

Matheus préférait la journée.

Être seul présentait des avantages. Ainsi, alors qu'il approchait de la maison de tante Do', il se sentait rassuré. Personne ne verrait la transformation qui était sur le point de se produire.

Le jeune homme ressemblait, pour l'instant, à un rat.

Il était petit pour ses dix-sept ans, et marchait légèrement voûté. Ses cheveux châtain en broussaille cachaient ses yeux verts, qui l'auraient rendu trop facilement identifiable.

Il portait un vestige informe de l'uniforme gris des pauvres, et avait pour toutes chaussures deux plaques de mousse nouées par de la corde.

Matheus avait dépassé le stade de misère qui inspirait la pitié aux nobles. Si toutefois l'un d'eux s'était aventuré à s'approcher de lui, son odeur l'aurait immanquablement repoussé.

Canasson ! Il sentait sa propre puanteur. Peut-être avait-il lui-même fait rentrer les habitants dans leurs maisons, et le soleil n'y était-il pour

Il prit un petite rue escarpée du quartier violet, et se retrouva devant la maison de tante Do'. 

Aux yeux de Matheus, "maison" était une description un peu ambitieuse de cette chose. Il aurait plutôt dit "boite rectangulaire toute écrasée". En effet, il semblait que les maisons adjacentes prenaient celle-ci en tenailles et tentaient de la faire disparaître.

Un tel processus devait être à l'œuvre, puisque tout l'extérieur de la maison semblait soumis à une pression, craquelé et déformé.

La porte d'entrée n'était pas droite, les volets sortaient de leurs gonds. La peinture, pourtant refaite il y a un par la ville, s'écaillait. Par ailleurs, Matheus ne pensait pas que les ouvriers construisaient volontairement des portes tordues. 

Quoi qu'il en soit, cette maison minable était son repaire. Sa cachette.

Il entra et referma rapidement la porte derrière lui. Tante Do' était, comme à son habitude, près du fourneau qui faisait face à l'entrée.

- Oh, seigneur, Mati ! Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? Et cette odeur... c'est toi ? Pas question que je te fasse un câlin. On ne saurait pas dire si tu es un enfant ou de la saleté qui marche ! J'espère que personne ne t'a vu rentrer ici.

- Je pense que non, tante Do'. Je n'ai pas été suivi.

Matheus n'était pas rentré par le trajet le plus court. Il avait parcouru la moitié des quartiers de la ville, et s'était arrêté fréquemment pour vérifier que personne n'était sur ses traces. A une occasion, il avait craint qu'un garde ne le suive, et il s'était caché dans des ordures.

Un chat l'avait mordu.

- Bien. Je refuse que les voisins pensent que les enfants qui viennent chez moi ne peuvent pas se laver. Enfin, Mati, on dirait que tu t'es traîné dans la boue.

- C'est peut-être arrivé. Est-ce que je sens une odeur de biscuit ? Ca ne peut pas être le cas, sinon tu m'aurais déjà proposé un biscuit, n'est-ce pas ?

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