Chapitre I.

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Adossé au lampadaire d'un parc, il leva les yeux au ciel, perdit son regard dans l'estompe d'une droite blanche, vestige du passage d'un avion. Portant son index ainsi que son majeur à sa bouche, il y coinça sa cigarette et exhala longuement, s'amusant à former des ronds de fumées blanches. Un, deux, puis trois, son record de la journée, il manquait encore un peu d'entraînement.

Juste devant lui, deux enfants s'amusaient. À quoi il ne le savait pas, la créativité de ces êtres non achevés le dépassait et il était pour lui impossible de les comprendre. À quoi bon faire semblant de jouer dans un Monde n'étant lui-même qu'un semblant ? C'était absurde. Il tira sur sa cigarette, sentant l'effet grisant envahir tout son être. Un des chérubins, une petite fille, trébucha, exécutant un magistral vol plané avant de s'étaler au sol de tout son long. Un ange passa, puis on entendit les pleurs de douleur de l'enfant, et, avant même que sa mère assise un peu plus loin, trop occupée à lire les inepties des journaux à ragot, ne se lève, un petit androïde à peine plus haut qu'un labrador se précipita auprès de la gamine. De ses bras télescopiques, il la souleva avant de la remettre sur pied, et d'épousseter ses vêtements. Instantanément, la fille retrouva son sourire et passa une main sur le haut de la petite tête du robot, comme si elle caressait un chien. Ce dernier, dont la figure était un écran noir à l'affichage bleu, dessina un visage joyeux. Sa mère arrivée à leur hauteur, le sourire aux lèvres, remercia l'automate d'un signe de tête avant de prendre la main de sa progéniture et de s'en aller, suivit du deuxième enfant qui trottinait derrière elles. L'androïde pivota et fit chemin inverse, diffusant des messages du Gouvernement sur son passage, de sa voix robotique.


« Il est actuellement 19h30 et nous sommes le 27 avril de l'année 2140. La nuit tombera dans exactement une heure et vingt-cinq minutes. Nous demandons aux enfants âgés de moins de 16 ans de rentrer chez eux. Soyez prudents, mais n'oubliez pas que Prométhée vous protège ! »


Un rictus étira les lèvres du jeune homme qui, se balança sur ses jambes, quittant son lampadaire pour marcher dans la direction opposée à celle de la machine. Quelles inepties. Le Gouvernement bourrait le crâne de ses citoyens avec des messages aussi pathétiques que ceux-là. Tout cela était faux. Un monde régit par une intelligence artificielle ne pouvait être dans le vrai. Un monde où les Hommes se laissaient dicter leur vie par un programme informatique frisait le ridicule. Comment les êtres humains avaient-ils été assez bête pour oublier leur libre-arbitre et se fier à une chose non-matérielle et qu'en plus de cela, ils n'avaient jamais véritablement vu ? Le garçon s'arrêta net, une ombre passa sur son visage un court instant, avant qu'il ne relève la tête, ses lèvres se peignant d'un sourire à mi-chemin entre la cruauté et la satisfaction.


« Je t'entends. » murmura-t-il.


Il jeta son mégot de cigarette qu'il écrasa fermement du pied droit avant de poursuivre son chemin, revêtant la capuche de son sweat-shirt, aussi noire que ses l'étaient ses cheveux. Il plongea la main dans la poche de son jean, noir lui aussi, et en sortit son téléphone portable. Il fit glisser son doigt le long de l'écran de verre sans même regarder et pressa la touche envoi, avant d'enfouir l'appareil à sa place initiale.


« Caucase est en chemin. »


***


« Eirlys ! Une livraison pour le 22 rue des Saules ! Dépêche-toi ! »


La jeune femme au prénom peu commun, termina rapidement de relacer sa chaussure droite et se releva aussitôt. Elle attrapa une casquette noire à la visière rouge posée sur un meuble non loin de là, et la vissa sur le haut de sa tête, ayant auparavant prit soin d'attacher sa longue chevelure jais en une rapide mais décente queue de cheval. Elle se précipita ensuite en cuisine où chacun courrait en tous sens, la pizzeria était débordée ce soir. Un jeune homme s'approcha d'Eirlys, plutôt grand, les cheveux coupés à ras, il semblait éreinté par ses commandes qui n'en finissaient pas ; il faut dire que la pizzeria était l'une des seules à 5 km à la ronde et elle avait plutôt bonne réputation auprès des habitants. La notoriété a ses bons comme ses mauvais côtés dirons-nous.

La Vengeance de CaucaseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant