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       Il faisait nuit noire. Debout sur une branche au sommet du plus grand arbre de la forêt, une jeune femme observait la pleine lune. Elle portait un chapeau pointu au bout racorni. Dans son dos, une grande cape sombre voletait au vent. 

       Elle porta une main à son chapeau et l'abaissa sur ses yeux, puis esquissa un sourire malicieux

       —Il semblerait que je n'ai plus le choix...


Les derniers rayons de soleil tapaient dans mon dos tandis que mes pieds martelaient le sol goudronné. la rue était déserte ; elle l'était toujours à cette heure-ci, il n'y a que des vieux qui habitent dans le coin. Le ciel devait sûrement être très beau mais je n'y prêtais pas attention, je ne prête jamais attention à rien. Parce que pour moi, rien n'étais important. Et si je contemplais mes chaussures, ce n'était pas parce qu'elles était belles, mais parce que ça m'évitait de croiser le regard des gens, c'était devenu une habitude à force.

Je remarquai un éclat doré du coin de l'œil. A peine eus-je le temps de relever la tête que deux grands yeux ambrés apparurent à quelques centimètres des miens.

Je laissai échapper un hoquet de surprise et fis un bond spectaculaire en arrière, perdant par la même occasion mon équilibre et atterris sur les fesses, envoyant mes lunettes valser au loin.

Je grognai en fronçant les sourcils et cherchai à savoir quel imbécile avait failli me percuter.

Je crus au départ qu'il n'y avait personne devant moi. En levant les yeux, je reconnu les yeux d'ambre qui  m'ont mis dans cette situation.

Ils appartenaient à une jeune femme, peut être un peu plus âgée que moi. Elle était accrochée par les genoux à une branche d'arbre, la tête à l'envers, le sang lui montait au cerveau, rosissant davantage ses joues.
Un sourire illuminait son visage parsemé de tâches de rousseur, qui je dois dire, était des plus charmants. Elle était enchevêtrée dans le tissu bleu nuit de ses vêtements, mais ne semblait guère s'en soucier.

Je fronçai les sourcils devant son grand sourire moqueur, mais sursautai quand la fille bondis de sa brache et se réceptionna sur ses pieds sans perdre l'équilibre. Son sourire disparut, laissant place à une mine soucieuse. Je suivis son regard en direction de l'arbre et remarquai à mon tour un masse sombre coincée dans les branches. elle se contenta de donner un coup de pied flasque sur le tronc. J'hésitai à lui proposer mon aide quand à mon plus grand étonnement l'objet chuta dans la main ouverte de la fille. Je l'observai, ahuri, lisser ce qui semblerai être un chapeau et l'enfiler sur sa tête. Un chapeau pointu.

Elle le posa délicatement sur ses boucles brunes lui remontant aux épaules qui, en plus d'être emmêlés, étaient parsemés de brindilles et de feuilles d'arbre. 

—Euh, du cosplay ?

—Non, répondit-elle simplement.

Je n'eus pas le temps de m'attarder sur sa réponse car une main tendue apparue devant moi. Je levai la tête et croisai le regard aussi tranchant qu'espiègle de miss inconnue. J'attrapai sa main par réflexe et elle me releva avec une facilité déconcertante.

—Suis-moi, ordonna-t-elle. 

Elle me tournait déjà le dos et s'apprêtait à partir. Je ne bougeai pas d'un poil, me contentant de croisant mes bras fins sur mon torse.

—Mais bien sûr... Suivre une parfaite inconnue qui vient de surgir d'un arbre, quelle bonne idée ! m'exclamai-je ironiquement en fronçant les sourcils.

L'éclat doré de ses yeux se retrouvèrent soudainement juste devant mon visage.

—Ce n'était pas une option Maxence, articula-t-elle

Elle s'écarta de moi et commença à marcher, ne vérifiant même pas si je la suivais ou non. Elle n'en avait pas besoin. Mes jambes s'étaient mise à la suivre automatiquement. Ses yeux était splendide certes, mais ils avaient aussi quelque chose de terrifiant. Mais ce qui me troublait le plus était le fait qu'elle connaissait mon prénom.

Je la suivis un moment, tentant avec peine de suivre son allure, mais, vite agacé, je brisai le silence qui pesait sur nous depuis le début de cette promenade insensée. 

—Qui es-tu ?

Aucune réponse. Peut-être ne m'avait-elle pas entendu ?

—Qui es-tu ? répétai-je en haussant la voix.

Toujours rien. Cette fois, j'en étais sûr, elle m'ignorait délibérément. Loin d'être découragé, je persistai :

—Quel âge as-tu ? Où habites-tu ? Je ne t'avais jamais vue par ici, tu viens d'emménager ? T'es au lycée? A l'université ?

Je continuai mon interrogatoire à sens unique encore un moment avant de me taire ; quelque chose clochait.

Mes yeux étaient rivés sur les chaussures de la fille, comme si elles étaient la solution à tous mes problèmes. C'est là que je la remarquai.

Son ombre.

Elle n'avait pas d'ombre.

Le Chat de la SorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant