Chapitre 6

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Félix vient vers moi, et me propose, pendant l'absence de Peter, de m'apprendre à me battre et à chasser. Je le suis, et il m'annonce qu'il va commencer par m'apprendre le tir à l'arc. Il se dirige vers un abris rempli d'armes de toutes sortes, et en sort un arc en bois, ainsi qu'un carquois de flèches. Il me les tend, avant d'en prendre d'autres pour lui. Puis, il m'emmène vers la « piste d'entraînement ». 

Là, se trouvent de nombreuses cibles sur lesquelles quelques Enfants Perdus s'entraînent. Plus loin, d'autres garçons s'exercent au bâton et à l'épée, et encore plus loin, au corps à corps, avec une dague ou un couteau. Je respire difficilement. Peut-être parce que je sais que n'importe lequel de ses garçons pourrait mettre fin à ma vie à tout moment, ou parce que je me demande pourquoi ils ont besoin de s'entraîner aussi intensément. 

Félix m'emmène vers la piste la plus éloignée du groupe, et je vois quelques garçons me lancer des regards haineux. Je réalise alors que je ne me suis présentée et intéressée à aucun d'entre eux depuis mon arrivée au Pays Imaginaire. 

Félix me tend l'arc et le carquois. J'installe les flèches dans mon dos, et m'apprête à bander l'arc.  

- Pas comme ça, me dit Félix.

Il replace mes mains, mes bras et mes jambes, puis m'explique comment me placer, tenir l'arc, et encocher la flèche.

- Tu dois serrer tes omoplates le plus possible, pour pouvoir tendre la corde au maximum, continue-t-il. Et pendant que tu vises, retiens ta respiration, pour que l'arme soit le plus stable possible. 

Puis, il recule et me fait signe de lâcher la corde. Je n'effleure même pas la cible. J'entends des ricanements résonner dans mon dos. Félix soupire, et m'ordonne :

- Recommence. 

Je prends une autre flèche, l'encoche, tends la corde, et tire. La pointe ne touche toujours pas la cible. Félix se passe la main sur le visage, et me dit de poursuivre. Je ressors une flèche, et retire. Encore et encore. Pas une pointe n'atteint son but. Pas une ne touche la cible, pas une ne se fiche dedans. Et je continues à tirer, inlassablement. Mais je n'y arrive pas, et la frustration commence à me gagner. Je sens la colère monter en moi. Je réfléchis de moins en moins, je ne prends plus le temps de me concentrer. Et je rate, encore et encore. L'humiliation me donne envie de pleurer. Je sors la dernière flèche du carquois. J'inspire un grand coup et ravale mes larmes. Je retiens ma respiration, vise, et lâche la corde.

Et là, c'est le silence. Tous les regards convergent vers moi, tous me fixent. Je tiens mon arc à bout de bras, et mon cœur tambourine contre ma poitrine. Je porte la main à ma bouche et retiens un cri. Je ramasse une autre flèche restée au sol, l'encoche en tremblant, et l'envoies. Une bouffée de joie me submerge. Sa pointe se fiche, comme la première, au centre de la cible. Entraînée par mon succès, je me précipite pour aller ramasser d'autres flèches, puis je les décoche sans m'arrêter, exaltée. Pas une ne rate la cible, elle se fichent toutes en son centre. 

Je décide alors de me mettre en mouvement. J'arme mon arc, et lance une flèche plusieurs mètres plus loin de ma première cible. Elle atteint son but en plein centre. Je continues sur ma lancée, et enchaîne des tirs entrecoupés de passages au sol. Je souris, en sentant mes bras travailler, les muscles de mon corps se contracter, la sueur couler dans mon dos. Je souris également en voyant toutes mes flèches atteindre leur but, en sentant un sentiment de puissance m'envahir, et en apercevant la petite fille faible que j'étais s'échapper doucement de mon corps, pour laisser place à une jeune femme forte et sûre d'elle. Je termine ma petite démonstration en décochant ma dernière flèche dans une pomme que Félix tient à la main.

Il ne paraît même pas surpris, et encore moins fâchée. Non, il me sourit. 

- Voilà, Lily. C'est ça, que j'attendais de toi, dit-il.

Je lui souris à mon tour.

- Montre moi autre chose, je lui demande.

Il acquiesce, et m'entraîne plus loin. J'apprends à me servir d'une dague et d'un couteau, ainsi que de mon bâton. Je révèle d'excellentes aptitudes dans tous les domaines, et, à la fin de la journée, je tiens Félix à ma merci, un couteau apposé sur sa gorge, prêt à la lui trancher. Je le relâche, et il se masse le cou. 

- Tu y arrive trop facilement, c'est pas normal, commence-t-il. J'ai mis des mois à apprendre à me battre à l'épée. Et quand j'ai enfin réussi, je ne savais toujours pas me servir d'un arc et d'une dague. Au final, j'ai réussi à être le deuxième plus doué de tous les Enfant Perdu. Le premier étant bien évidemment Peter. Il était le seul à pouvoir me battre... comment est-ce que t'as fait?me demande-t-il en secouant la tête.

- Je sais pas, je réponds en haussant les épaules. J'y ai cru, c'est tout. 

Félix soupire, et va ranger les armes. Le soleil commence à se coucher, et nous devons rentrer au camps. Pendant le trajet retour, je ne cesse de repenser à mes « prouesses » d'aujourd'hui. Félix a raison. C'est tout à fait anormal. Je ne suis pas censée savoir me battre, et pourtant, je maîtrise désormais le tir à l'arc, le corps à corps, et le combat au bâton. Je décide de ne pas me prendre la tête. Après tout, tant mieux. Peut-être que je possède juste des capacités d'apprentissage très développées... A vrai dire, j'en doute, mais comme je ne trouve pas de réponses à mes questions, je préfère arrêter de me casser la tête pour rien.

Quand nous arrivons au camps, les garçons commencent à préparer à manger. Je m'approche d'eux, et demande si je peux les aider. La plupart me lancent des regards méfiants, mais d'autres me regardent avec admiration. Comme aucun ne me répond, je décide d'aller chercher Félix. 

- Il n'y aura pas assez de viande pour tout le monde, m'annonce-t-il. Tu n'as qu'à aller chasser un lapin ou deux, pour tester tes nouveaux talents de tireuse, me dit-il.

- Très bien, je réponds.

Je prends un arc et un carquois, ainsi qu'un long couteau, pour dépecer l'animal que j'attraperais. 

Je m'enfonce dans la forêt, qui me semble inquiétante, maintenant que la nuit est tombée. Je marche en silence, en tentant de faire craquer le moins de brindilles possible. J'ai bandé mon arc, et encoché une flèche. J'avance doucement, en regardant autour de moi, pour tenter d'apercevoir un animal, mais aussi pour être prête au cas où un être aux intentions plus mauvaises croiserait mon chemin. C'est pourquoi mon cœur fait un bond dans ma poitrine à chaque bruissement de feuille, et à chaque mouvement dans l'obscurité. 

J'aperçois enfin une silhouette animale, qui m'apparaît dans le halo de la lune. Je l'abats sur le champs. Je m'approche de la bête, qui est en fait un gros lapin, et m'assoies sur un tronc d'arbre, avant de commencer à la dépecer. Je commence par retirer la peau, avant de l'ouvrir en deux pour enlever ses entrailles et ne garder que la viande. J'ai presque finit, lorsqu'un craquement de branche vient perturber ma concentration. Je stoppe immédiatement mon travail, et pose doucement mon lapin à terre, avant de récupérer sans bruit mon arc. J'encoche une flèche, et la dirige vers la partie de la forêt où le craquement s'est fait entendre. Je plisse les yeux, mais ne perçois rien d'anormal. Je commence alors à baisser mon arme, lorsque le bruit se fait entendre de nouveau. Je me lève immédiatement et tout mon corps se tend. Mon arc est prêt à servir, la flèche toujours encochée, et mes doigts prêts à la lâcher. 

Je sens mes cheveux se dresser sur ma tête, et ma gorge se nouer, alors qu'une silhouette humaine s'avance vers moi. Je ne réfléchis pas, et lâche ma flèche. Sa pointe pénètre directement dans la poitrine de Peter. Je sens mes cheveux se dresser sur ma tête, et ma gorge se nouer, alors qu'une silhouette humaine s'avance vers moi. Je ne réfléchis pas, et lâche ma flèche. Sa pointe pénètre directement dans la poitrine de Peter.

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