Chapitre 3

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Je suis rattrapée par deux bras puissants, qui m'entourent et m'allongent au sol. Peter s’apprête à retirer ses mains, mais je m’agrippe à lui comme à une bouée de sauvetage. Mes doigts tremblent, ainsi que mon corps tout entier. Mes yeux sont grands ouverts, et le fixent sans le voir. Mon visage est sillonné de traces de griffures et de larmes, et mes mains sont rouges et enflées. J'ai du sang sur celles-ci, mais je ne parviens pas à savoir de quelle partie de mon corps il est issu. Peter me regarde, et me murmure des paroles apaisantes, que je n'entends pas, trop abasourdie par ma chute.

Peu à peu, je reviens à moi, et mon cerveau commence à assimiler les mots de Peter. Je cligne des yeux, et le regarde fixement.

- Écoute, je vais t'emmener dans un endroit où tu vas guérir, commence-t-il, mais il va falloir te lever. Je vais te porter, ne t'inquiète pas, mais je vais courir, et...ça va te faire mal.

Je cesse d'écouter. La douleur est trop forte. Il se penche vers moi, et me prend dans ses bras. Je sers les dents pour ne pas lâcher un cri. J'ai l'impression de sentir mon corps exploser. Tout me fait souffrir, mes muscles, mes os... je dois avoir plusieurs fractures et de nombreuses contusions. Mais cette souffrance n'est rien comparé à ce que j'endure lorsqu'il se met à courir.

Chaque fois qu'il pose un pied à terre, le choc se répercute dans tout mon être. Je reste là, dans ses bras, accrochée à ses vêtements, les yeux écarquillés. Je voudrais hurler, mais mon cri reste coincé dans ma gorge. Mes larmes me brouillent la vue, et je ne peux pas apercevoir l'endroit où nous allons. Après ce qui me semble une éternité, il se baisse et me dépose délicatement au sol.

Puis, il se relève et va s’agenouiller plus loin. Je respire péniblement. Je tourne la tête, pour me rendre compte que nous nous trouvons près d'une cascade, d'où coule une eau claire et turquoise. Peter détache une gourde de sa ceinture, et la plonge dans l'eau. Elle en ressort ruisselante. Il se relève et marche vers moi. Il s'assoit à mes côtés, prends ma tête dans ses mains puis la pose doucement sur ses genoux.

- Tiens, bois, m'ordonne-t-il.

Je m’exécute, et avale le breuvage. Peter repose la gourde. Pendant plusieurs secondes, il ne se passe rien. Et puis, ça commence. Je sens comme une vague glacée déferler dans tout mon corps, et j'ai l'impression de sentir mon corps s'humidifier sous mes vêtements. Ensuite, je sens ma peau bouger. Je commence à prendre peur, avant de me rendre compte que la sensation n'est pas désagréable. L'eau semble purifier mon corps et mon esprit. Petit à petit, mes douleurs s'estompent, ma crasse s'évacue, et mes mains retrouvent leur couleur et leur taille d'origine. Je me relève lentement sur les coudes, et passe les mains sur mes bras, parfaitement lisses, sans aucune trace de griffure ou de blessure quelconque. Je me touche alors le visage, lisse et propre lui aussi. Mes cheveux ont également été nettoyés, ils tombent à présent en cascade sur mes épaules. Je me lève brusquement, et regarde autour de moi. Nous avons quittés la forêt pour nous retrouver en haut d'un pic rocheux, près de cette magnifique cascade qui m'a sauvée la vie.

Je me mets debout et me tourne vers Peter, il se lève doucement et ramasse un long bâton posé au sol. Il s'approche de moi et me le fourre dans les mains. Je le tiens et l'observe longuement, avant de me rendre compte que j'ai dans les mains la branche que j'ai sciée, et qui a faillie me coûter la vie.

- J'ai fait tout ça, pour...ça ?!dis-je, interloquée. Un simple bâton, fais-je en soupesant ma branche.

Peter rit, m'arrache le bout de bois des mains, prends son couteau et commence à tailler le bout en pointe.

- Ce « bâton » est très résistant, fait-il en continuant de le tailler.

- Houa, génial...je réplique. J'ai failli me tuer pour un bâton résistant...

- Tu n'as pas failli te tuer, j'étais là pour te rattraper. Et de toute manière, je t'aurais quand même sauvée si tu t'étais écrasée par terre plutôt que dans mes bras... poursuit-il.

Ce « bâton » comme tu dis, est l'arme la plus puissante que tu trouveras au Pays Imaginaire. L'arbre dans lequel tu es allé le chercher est le plus ancien et le plus fort de l'île. Il est également magique (c'est sur ses plus hautes branches que poussent les fleurs desquelles sont issues la poussière de fée). C'est pour cela que ta nouvelle arme est si incroyable. Elle résistera à n'importe quel choc, ne sera détruite par aucune épée, et aura des capacités surnaturelles.

Je commence à regarder mon « bâton » sous un autre angle. C'est vrai qu'il a l'air spécial. Le bois n'est pas rugueux mais plutôt lisse, et la pointe que Peter a taillée semble acérée. Ce dernier s'approche de moi, et sort de sa veste une petite fiole remplie d'un liquide noir. Il ouvre précautionneusement la bouteille, et trempe la pointe de ma branche dans le liquide.

- Qu'est-ce que c'est?je demande.

- Le plus violent de tout les poisons, il n'en existe pas de plus meurtrier. C'est en fait un concentré d'ombres, qui sont produites par une plante qui ne pousse qu'ici, au Pays Imaginaire.

Il me redonne mon « bâton ».

- Je vois de quelle plante tu parles. Félix m'en avait parlé, lorsqu'il m'a emmenée jusqu'à toi, je réponds, pensive.

Peter acquiesce, referme la fiole, prend une grande inspiration et me sourit. Mais pas un sourire moqueur, supérieur ou mauvais, comme il en a l'habitude. Un vrai sourire, franc, et sincère. Je lui sourit à mon tour, et lui tend la main. Il la prend, et m'entraîne à sa suite dans la forêt. Et pendant que je sens dans une de mes mains la chaleur de celle de Peter, et dans l'autre le pouvoir de ma nouvelle arme, une bouffée de bonheur m’envahit. Je sens un sourire béat arriver sur mon visage, tandis que des sentiments jusque là inconnus m'envahissent et me font voir Peter Pan sous un autre jour...

Neverland NightmaresWhere stories live. Discover now