Six Ans

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Je regarde le sol de ma chambre sur lequel se trouve encore la boîte à crayons que j'ai utilisée hier soir. Avec Marie nous avons dessiné. J'adore dessiner avec elle des Top Models, et nous l'avons fait hier soir avant d'aller dormir. Évidemment, nous n'avons pas rangé la boîte, et je me fais la réflexion que je devrais le faire, mais le remets à plus tard. Il n'est que neuf heures, presque personne n'est encore levé.
Je prends alors mon téléphone et traîne un peu sur Facebook, avec tous ces amis auxquels je ne parle que sur ce réseau. C'est comme ça, en cinquième. On fait semblant de s'aimer mais on se sourit à peine quand on se croise dans les couloirs. En tout cas, c'est comme ça que ça se passe avec moi, parce que je ne suis pas si intéressante que ça finalement.

J'entends maman descendre rapidement des escaliers et des mots inaudibles se font entendre. Par réflexe, Marie et moi sortons de notre lit. Est-ce qu'on doit monter ? Je crois que c'est l'heure de se lever.

On monte toutes les deux les escaliers, moi la première, et sur ceux-ci j'entends maman crier notre adresse. Elle semble au téléphone. Ma première pensée est qu'elle a gagné un énorme lot, et qu'ils vont venir le livrer. Mais au moment de passer la porte, la réalité me tombe dessus : maman est au téléphone, paniquée. Elle crie, je crois qu'elle pleure, et elle nous dit de ne pas avancer. C'est papa, je le sais, et je ne l'écoute pas. J'avance.

Papa est allongé au sol, inconscient. Apparemment, il ne respire pas. Il est allongé sur le côté, il semble s'être écroulé brutalement. Le frigo fait un bruit horrible.

Bip bip, bip bip, bip bip...

Il est ouvert et émet ce bruit insupportable qui nous ordonne de le fermer.

Les choses à partir de là sont assez floues, jusqu'à la fin. À vrai dire, tout s'emmêle dans ma tête. Je ne sais plus si je pleure, je sais juste que je panique. Marie et moi nous demandons quoi faire : nous sommes jeunes sapeurs-pompiers, nous devrions pouvoir agir. Mais sa gorge est encombrée alors il ne peut pas respirer, son cœur ne bat pas non plus. Le mettre sur son dos pour lui faire un massage cardiaque serait l'étouffer, mais son cœur ne fonctionne pas et il a besoin de force. On ne nous apprend pas à gérer ce genre de dilemmes, chez les JSP.

Dans la panique et, dans le fond, sachant que nous sommes bien trop frêles pour lui faire un massage (papa a un gabari assez important), nous décidons de le laisser sur le côté et de le positionner de sorte à ce qu'il soit en position latérale de sécurité le temps que les pompiers arrivent.

Ce temps semble une éternité et, quand enfin ils se pointent, maman nous dit de descendre. Je m'exécute et m'assois sur le lit, en pleurs. Je ne sais pas quoi faire, j'entends juste du bruit en haut sans pouvoir savoir ce qu'il se passe. Je peux quand même deviner qu'ils lui font un massage cardiaque.

Leur intervention est très longue, il se passe une éternité jusqu'à ce qu'ils l'emmènent enfin. Je monte à plusieurs reprises vers ma mère qui est restée sur les escaliers pour savoir ce qu'il se passe, elle veut juste que je reste en bas pour ne pas voir ce qu'ils lui font.

Une fois qu'ils l'emmènent, l'infirmier (le père de Flore, une camarade de classe depuis la maternelle) reste là, je crois pour nous expliquer un peu. C'est une personne avec une bonté infinie qui nous prend dans ses bras pour nous réconforter.

Après ça, maman appelle Joe, mon frère, et mamie. Elle va venir nous rejoindre et avec Joe, maman ira à l'hôpital.

Mamie vient, elle ne sait pas comment nous réconforter et nous propose de ranger le salon pour se sentir mieux. Mauvaise idée. Nous refusons, c'est la première fois que je lui dis non pour quelque chose. Je n'ai aucune force, aucune envie, je veux juste que mon papa aille bien.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 03, 2023 ⏰

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