Chapitre un

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Ce n'était pas censé arriver. Pas comme ça. Pas alors que tout allait pour le mieux. Ils n'auraient pas du arriver. Pas comme ça. Pas alors que j'avais enfin son respect. Je n'aurai pas du réagir. Pas comme ça. Pas alors que j'avais réussi à l'écarter.

C'est ce jour là où j'ai su que rien ne se passerait comme je le voudrais. Quand ils sont arrivés par le ciel. Chevauchant des bêtes volantes. Quand ils se sont posés sur le sable. Foulant notre terre. Quand ils ont demandé asile auprès des miens. Répandant un murmure d'hésitation. Quand il nous a ordonné d'être leurs guides. M'enchaînant avec eux. Ne me réduisant qu'à un simple pion. Qu'un agent a leur botte. Qu'un type froid et peu accueillant. Je n'étais plus le fils du chef. Le prochain représentant de ma tribu. Je n'étais plus cet homme chargé de responsabilités. Je n'étais qu'un enfant.

Contrairement à lui. Lui qui émanait de panache. De charisme. De respect. Lui qui était bien plus qu'un fils de chef. Il était un chef. Pourtant, il était doux. Aimable. À l'écoute et intéressé. Il apprenait vite. Tous d'ailleurs étaient doués. Des enfants de la forêt qui s'adaptaient à la mer. Du jamais vu. Je leurs en voulais d'être aussi unique. De détruire ce que j'avais mis tant de temps à construire. Alors j'ai riposté. Doucement mais sûrement à coup d'insultes et de moqueries. Et jamais contre lui. Parce que quelque chose m'interdisait de lui en vouloir. Il n'était pas responsable. Seulement eux.

Mais on récolte ce que l'on sème. J'ai planté des graines d'humiliations, et c'est ce que je reçois. Une dérouiller. De sa part. Cela avait commencé par des ricanement et avait terminé chez ma mère. À genoux. Des bleus partout. J'ai aussi compris l'étendue de mon enfantillage lors de la disparition de son frère. Ma connerie ne faisait que attisé la déception de mon père.

Pourtant lui était toujours à mes côtés. Cherchant l'amitié. La complicité. Et, peu à peu. Sa persévérance pris le dessus. On se côtoyait. Réglait les problèmes de son cadet. S'amusait quand temps nous le permettait. Ce fut une relation compliqué. Remplie d'obstacles et de pièges. Mais une relation quand même. À présent, c'était une joie de nager avec lui. De lui faire part de mes théories sur nos frères et sœurs. C'était un soulagement de se retrouver tous les jours à la même heure pour mon apprentissage au combat à mains nues. De savourer ces moments après où l'on pensait nos égratignures.

C'est par ailleurs lors de l'annulation de l'une de ces séances que je me rendis compte à quel point j'en avais besoin. Besoin de relâcher la pression. Besoin d'être loin des parents. De leur surveillance permanente. De leur jugement. Besoin de ce calme. Loin du village. Besoin que l'on fasse attention à moi. Qu'on me soigne. Sans reproche. Sans déception. Besoin d'être avec lui. Qu'il me touche. Qu'il m'aide. Que l'on soit ensemble. Loin des autres.

C'est par ailleurs lors de l'annulation de l'une de ces séances que je me rendis compte à quel point je m'étais attaché à lui.

Quand j'ai remarqué ce sentiment au début, je me demandais ce que c'était. De la haine. De l'administration. De l'amitié. De la jalousie. Ce fut un sur plein de questions sans réponse. Trop pour mon petit esprit. Je suis allée voir [Ewa] à l'arbre des âmes. Mais peu importe ce que je demandais. Peu importe le nombre de fois où je me suis connecté à elle. Elle ne disait rien. Pas un signe de sa présence. Le néant. Ce fut mon frère spirituelle qui m'ouvra les yeux. Tout en me faisant part de toutes les façons de draguer un [Toulcoun]. Mais malgré ses blagues je me rendis compte à quel point j'étais dans la merde. L

e respect que j'avais gagné de mon père et du sien allait s'évaporer. Je n'aurai que du rejet. De la méfiance. Et si cela était acceptable de mon côté. Parce que je n'étais qu'un enfant sous le poids de responsabilités inadaptées à lui. Il était impensable que ça l'atteigne. Inimaginable qu'il soit la risée du village. Impossible qu'on le prenne pour un bon a rien. Alors je ravalait mes tourments. Je faisais en sorte que personne ne s'aperçoit de mon changement. Je restais là. Fier. Bombant le torse. Pour ne pas qu'on remarque le trou béant de ma poitrine. Car je le voyais de moins souvent. Trouvais des prétextes pour ne pas qu'on se croise. Bientôt, nos séances quotidiennes se résumaient à une toute les semaines. Et je partais plus tôt. Ne voulant pas qu'il se rende compte de ce que je ressentais. Cela faisait mal. Mais j'étais obligé.

Malheureusement, mon absence le faisait toujours revenir. Comme à notre rencontre. Ma froideur ne l'atteignait pas. Il voulait juste être mon ami et cela me brisait de le savoir. Sachant que je le rejetait.

Puis arriva le moment fatidique où il me pris à part. Un soir. Alors que la nuit était au plus noir. Que la lune se cachait derrière les nuages. Il m'emmena où personne ne pouvait nous voir. Me posa les questions fatidiques.

«Que ce passe-t-il ? Pourquoi m'évite-tu?»

Il attendit. Patiemment. Attendit que je me prépare. Que j'ose parler. Que je m'ouvre a lui. C'est ce que je fis. Pas exactement comme je le voudrais. Pas exactement comme il le faudrait. Mais je le fais quand même.

27 janvier 2023

Une larme dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant