Chapitre deux

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Dans la nuit sombre je lui explique d'abord l'irritation de leur arrivée. L'admiration que j'avais pour lui. Le bien que notre amitié me faisait.

Il m'écouta sans rien dire. Attentif. Heureux que je lui révèle ça. Je voyais briller dans ses yeux de l'acceptation. De la bonté. Une bonté que personne ne pourrai jamais faire disparaitre. Mais, malgré celle-ci, je ne pus me résoudre de terminer mon aveu. De finir mon histoire. De lui dire ce que je ressentais. Avant la fin, ma voix se brise. Ma respiration se fait sifflante. Et des larmes roulent sur mes joues.

Son premier réflexe fut la surprise. La stupéfaction. Le grand Ao'nung pleurait. Suffoquait. Reniflait. Puis l'hésitation arriva. Le doute. Pourquoi pleurais-je. Était-ce de sa faute. Enfin la tendresse écarta le reste. Son corps se rapprocha. Ses bras s'enroulèrent autour de moi. Ses mains abaissèrent ma tête contre son torse. Il chuchota des paroles réconfortantes.

Les cristaux salés dévalaient de mes joues à son épaule. De sa clavicule à son torse. Mes hoquets emplissaient le silence de la mer. Jouaient sur les feuilles aux alentours. Mes tremblements se répandaient dans son corps. Vibraient sous sa peau. J'étais faible. Mais ça ne me dérangeait pas de monter cette faiblesse devant lui. Et alors, avec cette pensée, je pris mon courage à deux mains. Au fond de moi, je me doutais qu'il n'y aura plus d'occasion de le faire.

Je respirais à grandes goulées. Calmant petit à petit mon corps et mon esprit. Je relevais la tête et m'écartais un peu. Pour le voir. Je plongeais dans ses iris jaunes. Prononçais ces excuses. Et m'exprimais. En douceur. Expliquant à quel point cela a été difficile de me l'avouer. À quel point je refusais qu'il soit la risée du village. Que j'acceptais cela. Parce que ça ne changeait pas grand choses. Je racontais les nuits à pester contre moi-même. À essayer de changer ça. J'affirmais mes choix à l'ignorer. Et la douleur que ça me faisait. Pour enfin me taire. Et écouter ce qu'il avait à dire.

Ce fut simple. Sans un mot. Juste un sourire. Un sourire triste. D'abandon. De pardon. À son tour d'avoir des perles qui dégringolent des paupières.

«J'aurais tellement voulu... tellement voulu de pas être le premier né. Ne pas à être ce fils parfait. Ne pas à avoir toutes les responsabilités sur les épaules. J'aurais tellement voulu... pouvoir t'embrasser sans rien risquer. Sans être là déception de mon père. Sans être le fardeau de mon frère. J'aurais tellement voulu Ao'nung.»

À mon tour de l'enlacer. De le réconforter. De le caresser. Mes doigts couraient sur son dos foncé. Essayant de le soutenir. Et si mes paroles étaient encourageantes. Positives sur notre avenir. Les siennes n'étaient que négations et pleurs. Son corps tremblait autant que le mien à son contact.

Alors, pour lui prouver le contraire, j'appuyais mes lèvres sur son cou. Remontais jusqu'à sa mâchoire. Puis m'arrêtais devant les siennes.

«Ne veux tu même pas essayer ?»

Dans un juron, il céda tendrement à ma provocation. Y allant timidement mais sans crainte. Ce fut le premier mais pas le dernier. Nous recommencions. Souvent. Dés que nous étions seuls. De simples baisers ou de félines embrassades. Parsemées de caresses naïves. Nous prenions notre temps. Faisions attention. Expérimentions. Ce n'était jamais allé plus loin. Nous ne savions pas comment procéder. Nous avions aucune connaissance.

Pourtant, lors d'une éclipse, alors que la lumière orange se reflétait sur nos corps bleus, nous osons nous déshabiller. Comme le reste, avec de la hâte mais tranquillement. À notre rythme. Nos tresses se mélangèrent. Unissant pour la première fois nos corps. D'étranges sensations s'y répandaient. Des frissons chauds. De l'excitation extrême. Des picotements prés du coeur. C'était Eywa qui nous accordait son approbation.

Lorsque son dos toucha le sable blanc, nous comprîmes qu'il n'y aurait plus de marche arrière. Nos mains se mélangeaient. Nos corps se collaient. Nos respirations s'assemblaient. Nous étions là. Vivants. Grâce à la divinité, je ressentais les plaisirs que je lui procurais. Chaque parcelle de corps que je triturais était du plaisir pour lui. Et ce plaisir m'était retransmis. Chaque baisé que je lui offrait était doublé. Et alors que nos aines s'effleuraient, je le questionnais des yeux. Était-il d'accord? Était-il prêt? Savait-il ce que cela représentait ? À la détermination de son regard, je sus que oui.

Alors, le préparant d'abord, je m'efforcais à être le plus doux possible. Essayant que aucune douleur ne viennent entaché ce moment de paix. Je le distrayais de ma bouche. Découvrant les recoins les plus sensibles de son corps. Puis, je moment venu, je n'étais que tendresse. N'espérant faire que le bien. Ne le regardant que lui. M'offrir corps et cœur à son plaisir. C'était réussi.

Sa voix emplissait le sable de ses gémissements.  Sa peau emplissait l'air de son parfum. Mon bas ventre emplissait son entre de plaisir. Comme le suis emplissait nos torses d'amour.

Nous laissons tomber nos corps sur le sol tiède. Laissons la mer nous lécher les pieds. Laissons nos rires courir sur les rochers. Ce fut une éclipse incroyable. Tellement incroyable que nous n'en revenions pas. Si avant cela nous avions peur, cette peur avait disparu. Était parti avec les écumes des vagues. S'était faite emporter par le courant. Nous ne la craignons plus. Nous n'étions plus qu'une personne face à la vie et aux regards.

Cependant, dans un pacte silencieux. Juste avant de s'endormir. Nous décidions de ne pas en parler. De ne pas nous priver de cet amour. De profiter de cette tendresse.


31 janvier 2023

Une larme dans l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant