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“Perdus en mer.”

Ses lèvres bougent mais pas un son n’en sort. Le monde évolue au ralenti autour de moi. Une bulle m’entoure, me protège, m’isole de ce cauchemars qu’est devenue la réalité. 

Pas morts, non. Juste égarés. 

Apparemment, lors de nos derniers instants, on voit notre vie défiler devant nos yeux. 

Je revois le sourire de ma mère. Le rire cristallin de ma petite sœur. L'odeur de mon père, un mélange d’air salin et des biscuits à la cannelle qu’il aimait tant.

Je suis peut-être vivante, mais mon cœur est brisé.

Des personnes défilent devant moi. Tous m'expriment leurs condoléances, et leur regard dégouline de pitié.

J’ai envie de leur hurler qu’ils peuvent se la garder, leur pitié. Que ma famille n’est pas morte. Elle est juste perdue, dans cette étendue hostile et glacée. Qu’ils feraient bien de se bouger pour les retrouver, au lieu de rester planter là, à m’adresser leurs discours creux et leurs formules toutes faites.

J’hurle face à la mer, celle qui a emporté ma famille, et le vent emporte mes paroles et emmêlent mes cheveux. Je m’écroule au bord de la jetée, et mon oncle me retrouve ainsi, brisée. Il m’entoure de sa force, de son calme, me chuchote que ça va aller et que tout est fini. 

Il m’escorte jusqu’à l’intérieur, et nous retrouvons le fonctionnaire qui s’est occupé de moi pendant ces quelques jours, le temps que mon oncle mette tout en ordre. Il lui jette un coup d'œil reconnaissant d’être enfin arrivé pour prendre le relais.

Ce matin, il a parcouru près d’un kilomètre à la nage avant de réussir à me rattraper, en larmes, le suppliant de me laisser les rejoindre. Si j'avais été dans mon état normal, il n'aurait jamais pu me suivre.

Mais déjà, le monde bascule une nouvelle fois. Farouk fait mes cartons à ma place, pendant que je reste assise assise sur le divan, amorphe. À chaque fois que je rencontre ses yeux tristes, j’ai l’impression que l’air devient un peu moins respirable, et la vérité, brûlante, amère, me retombe dessus. J’ai envie de lui crier qu’il n’a pas le droit de me regarder avec ces yeux là, que ça faisait des années qu'il n'était pas venu nous voir, et qu'il avait qu'à être là quand eux l'étaient encore.

Le trajet jusqu’à Londres se fait en silence, tandis que défilent sous nous les paysages européens. On arrive à son appartement au milieu de la nuit. Les murs blancs et impersonnels m’éblouissent et me font sentir comme une intruse, avec mes affaires colorées. Cet endroit ne sera jamais chez moi.

Farouk me répète que le temps guérit toutes les blessures. Mais parfois, certaines blessures sont vitales et bien trop graves pour être soignées.

Bonjour à tous ! Voici le premier chapitre de mon histoire, il est assez court, les prochains seront plus longs.
C'est aussi un premier jet, j'évite de me poser trop de questions en l'écrivant. Si vous voyez une faute d'orthographe ou bien une incohérence, n'hésitez pas à me le faire remarquer :)

AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant