Chapitre 16 : Pieds et poings liés

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LOGAN


Je vais tuer Imogen. Dès que j'aurai trouvé le moyen de nous sortir de ce pétrin, il se pourrait bien que je l'étrangle de mes propres mains. Si tant est qu'on s'en sorte.

À l'heure de la pause déjeuner, j'ai reçu un S.O.S. sur le talkie-walkie caché dans mon sac à dos. Imogen a tenté de me raconter ce qui s'est passé, mais j'ai interrompu le flux incohérent de son récit. J'ai préféré me faufiler à l'extérieur du lycée pour me précipiter chez les Kennedy. Ce n'est pas comme si qui que ce soit allait remarquer mon absence, de toute manière. Et si je ne pars pas aider Imogen, il y a de grandes chances que le maintien des apparences ne serve plus à rien. Tout notre plan pourrait bien être en train de s'effondrer.

Lorsque j'arrive dans le jardin des Kennedy par la clôture arrière, Imogen vient me retrouver, le visage livide. Même à plusieurs mètres de distance, elle irradie la panique. En la voyant dans cet état, je sens tout de suite la colère en moi retomber. Je ne ferai rien avancer en m'énervant contre elle.

—    Elle est où ? demandé-je d'entrée de jeu.

—    Dans l'abri de jardin. Elle n'a pas encore repris connaissance.

Sans attendre, j'avance jusqu'à la petite cabane en bois derrière moi. Grâce à la petite fenêtre sur le côté, je peux apercevoir la silhouette de Laura Kennedy, assise sur une chaise, les bras dans le dos et un bandeau sur les yeux. L'angle de sa tête m'indique qu'elle n'est effectivement pas revenue à elle. Bon sang, quel merdier.

—    Raconte-moi ce qui s'est passé, dis-je en me retournant vers Imogen. Je veux savoir ce qu'elle t'a dit, mot pour mot.

Quelques minutes plus tard, je suis au courant de tout. Nous sommes désormais à l'intérieur de la maison, dans un coin de la cuisine. Du coin de l'œil, je peux voir les morceaux d'assiette qui jonchent encore le sol. J'essaye de garder la tête froide, mais cette situation me complique vraiment la tâche. Je sens un autre fou rire pointer le bout de son nez, juste à temps pour l'étouffer. Ce n'est pas le moment pour mon rire nerveux.

—    Et elle ne t'a pas dit comment elle a tout deviné ? demandé-je pour vérifier que j'ai bien toutes les données en ma possession.

—    Non, elle a seulement dit qu'elle avait des doutes sur ce que je savais réellement.

—    Et toi, le premier truc que tu t'es dit c'est « Tiens, et si je réglais ce problème avec un bon vieux kidnapping » ?

—    J'ai paniqué ! Je me rends compte que c'était une méthode un peu trop... drastique. Mais j'avais peur qu'elle prévienne le reste de la ville. Ou les hommes en noir. J'ai agi sans réfléchir.

—    Oui, cette partie-là était déjà très claire, merci.

J'étais parti dans l'optique de ne pas laisser le sarcasme s'immiscer dans mes paroles, mais si vous chassez le naturel, il revient au galop. Mais pour être honnête, je ne sais pas ce que j'aurais fait à sa place. C'est facile d'imaginer une réaction appropriée avec du recul, quand le danger n'est pas en face de vous. Pour une fois, Imogen ne lève pas discrètement les yeux au ciel face à ma remarque. Elle se contente de tourner la tête en direction du jardin.

—    Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demande-t-elle après un instant de silence.

—    On va devoir l'interroger. Voir quelles informations elle peut nous donner. Elle voulait absolument te parler seule à seule, il doit bien y avoir une raison. Au moins maintenant, on est sûrs qu'elle n'essaiera pas de nous attaquer.

—    Donc, tu veux dire qu'il y a un côté positif dans mon action impulsive ?

Je lui lance un regard censé vouloir dire « N'exagérons rien non plus ». Je pense que ça en dit long sur notre situation si on trouve encore le moyen de plaisanter malgré la galère dans laquelle on se trouve. J'imagine qu'on finit par être désensibilisé au danger lorsqu'on le côtoie au quotidien. Ou alors, Providence nous a déjà fait perdre la tête. Je ne sais pas quelle hypothèse est la plus probable.


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