Un coup de téléphone

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   Il est onze heures et, comme tous les mardis, je suis en cours de math. Je ne dirais pas que je déteste cette matière, car j'ai de bonnes notes facilement, mais attendre le reste de la classe me semble si long.

Je me demande ce qu'il y aura au menu. Hier, nous avons eu droit à patate, tranche de jambon, yaourt ou une pomme en dessert. Nous sommes loin de la grande gastronomie, de plus la queue dure au moins une heure si l'on a de la chance, trois si l'on est de ceux qui se font doubler par les terminales. En ce qui me concerne, je fais partie des filles « populaires », je déteste ce terme, mais il faut bien poser un mot dessus. L'heure passe et je ne peux m'empêcher de penser à rejoindre Emma au plus vite dans le hall d'accueil. Nous nous retrouvons toujours là-bas pour aller manger, mais la plupart du temps, si le repas ne nous plaît pas, nous allons acheter un sandwich au supermarché qui est à cinq minutes à pied du lycée, pratique non ?

Je m'appelle Loumia, mais tout le monde m'appelle Lou. J'ai quinze ans, je suis dans un lycée privé. Je suis grande, plutôt fine et blonde, comme ma mère. Emma, c'est ma meilleure amie depuis qu'on est toute petite ! Elle est du genre à foncer dans le tas alors que moi, je reste en retrait. Elle est brune et un peu plus petite que moi. Malheureusement, cette année, nous ne sommes pas dans la même classe.

Lorsque le bruit assourdissant de la sonnerie retentit, Je me lève. Mes affaires déjà rangées dans mon sac depuis dix minutes me permettent de partir la première. D'un pas pressé, je me dirige vers notre point de rendez-vous :

- Salut ma poule ! Alors ce cours de math ?

- M'en parle pas ! J'ai cru que j'allais mourir d'ennui... Et toi ? Ton cours de français ?

- Lire du Molière n'est pas vraiment ce que je préfère ! (Dit-elle en replaçant sa jupe.)

Les uniformes sont obligatoires, une jupe noire pour les filles, un pantalon noir pour les garçons et chemises blanche pour tout le monde, possibilité de cravate pour plus de style. En cours de sport, un short et un t-shirt noir sont donnés à tous les élèves au début de l'année ainsi qu'un sac avec les initiales du lycée, un vrai film américain ! Mais sans les pompons-girls et le football.

Emma et moi, nous dirigeons vers la file d'attente déjà bien longue, mais heureusement, quelques terminales que nous connaissons nous font signe de les rejoindre, doublant tout le monde. Je n'aime pas vraiment faire cela, on peut attendre après tout ! Mais Emma s'en fiche, alors je la suis et puis, personne ne nous dit jamais rien même si l'on est en seconde. Le self n'est pas des plus beaux, il est assez petit et n'a que quelques tables de disponibles avec de vieilles chaises prêtes à casser au moindre geste trop brusque. J'espère qu'ils vont les changer bientôt. Les murs sont bleus, rien de très original pour un self. Cette fois encore, il est rempli. Nos plateaux à la main, nous nous faufilons comme d'habitude jusqu'à la table des terminales. Aujourd'hui, au menu, c'est petit pois, carotte et saucisse, quelle horreur ! Heureusement, de la salade est proposée en entrée cette fois. Nous passons notre déjeuner à discuter. Nos cours ne reprennent qu'à quatorze heures trente. La journée passe toujours lentement.

Lorsque la sonnerie de dix-sept heures retentit enfin, je me presse alors pour courir à mon arrêt de bus. Mon bus est à dix-sept heures dix, pas une minute de plus, pas une de moins. Comme d'habitude, j'arrive pile à l'heure. Je monte et prends la première place que je vois, j'enfile mes écouteurs et j'attrape mes cours de la journée pour commencer mes devoirs pendant ces trente minutes de trajet si longues.

Arrivée à la gare, ma mère est là, je monte et elle m'embrasse. Les gens nous disent souvent qu'on se ressemble. En plus de nos cheveux blond et notre teint pâle, nous avons les mêmes yeux clairs et le même sens de l'humour. Je n'ai jamais connu mon père, mais je suppose qu'il est blond avec des yeux clairs. Lorsque ma mère était enceinte, il est parti sans jamais revenir. Elle à arrêter de croire en l'amour, jusqu'au jour où elle est tombé sur Gab qui avait déjà une fille de treize-ans ans. Ma mère n'y a pas vue d'inconvénient. Il était grand, avec les cheveux noirs, des yeux marron et de gros sourcils. Les premiers temps, il était très sympa, mais rapidement, maman a découvert son alcoolisme et sa violence. Elle l'a quitté, et je ne l'ai plus jamais revu, ni lui, ni ma sœur, Soane.

Ma mère s'appelle Pauline, c'est une chouette femme, elle adore son travail, mais elle m'aime encore plus. Elle est super moderne, elle aime bien s'habiller pour manger un croissant le matin, mais au fond, c'est une femme seule, et triste. Elle m'a éduqué en me disant que je n'avais besoin de personne et c'est ce que je crois. Un jour, je deviendrai directrice d'une grosse boîte comme elle, et avec Emma, nous ferons un voyage à Londres.

Sur le chemin de la maison, nous parlons de ma journée, des cours à faire, du repas, du self ou de son travail, conversation répétitive évitant un blanc qui, selon ma mère, serait malaisant. Maman est bavarde et pour elle, lorsque l'on n'a rien à dire, c'est que l'on a quelque chose à cacher. Depuis que nous sommes seuls, elle ressent le besoin d'être proche de moi, même si elle n'est pas souvent à la maison à cause de son travail. Elle est directrice d'une boîte à bijoux de luxe très connu. C'est d'ailleurs grâce à ce travail que nous avons notre maison. Une demeure de trois étages, style très moderne, du genre à avoir des meubles blancs pétants, des œuvres d'arts, des plantes vertes en guise de déco et de grands tapis. Dès que nous passons la porte d'entrée, nous pénétrons dans une ambiance cocooning du salon, il y a une grande cuisine juste à droite. Au second se trouve la chambre de ma mère, sa salle de bain et un énorme dressing. Et enfin, le niveau supérieur est le mien : mon QG comme j'aime l'appeler. Il y a deux chambres, chacune de chaque côté du couloir, et au milieu de celui-ci, il y a une salle de bain.

La voiture se gare, ça fait du bien d'être chez soi ! Je monte dans ma chambre pendant que ma mère cuisine. J'aime cette tranquillité à l'étage même si parfois, la vue de cette porte fermée, me fait de la peine. C'était la chambre de ma sœur à l'époque, il n'y a plus rien maintenant, à part un lit d'une place, un placard vide et un bureau, sans aucune déco. De temps en temps, je me demande à quoi elle ressemble, ce qu'elle aime ou déteste, ses expressions favorites, son livre « top classement », ou encore son pas de danse préférée. Ou juste si elle se souvient de moi vu que cela fait longtemps que l'on ne s'est pas vues, on a été séparé en deux mille dix quand j'avais presque trois ans et elle neuf. Je me demande aussi si elle veut me revoir, si elle déteste maman, tout un tas de trucs.

Ma chambre est grande, il y a une armoire bien remplie et un lit à deux places, des draps blancs avec des traits dorés, le bureau est bien occupé de livres et de cahiers, ainsi, je m'y installe pour finir mes devoirs. Je me douche et enfile ma robe de chambre en satin blanc avec mon prénom au dos, très chic. Puis je descends pour manger avec ma mère qui m'attend déjà.

Au dîner, rôti et haricots verts, les repas sont toujours animés de diverses conversations. À la fin du repas, je débarrasse et je lave la vaisselle pendant que maman se plante devant l'ordinateur pour son travail, comme d'habitude. Je remonte dans ma chambre, lis un peu, parle avec Emma au téléphone et, à vingt-deux heures, je descends dire bonne nuit à ma mère. Mais, cette fois, en arrivant au rais-de-chaussée, je l'entends parler à quelqu'un. Qui ça peut être à cette heure-là ?

- Oui. Bien sûr. Je comprends, oui évidemment. (Avec de grands gestes, j'essaie d'attirer son attention pour savoir qui est au bout du fil, mais elle me fait signe de patienter, ça a l'air important ) Demain ? Non non, je ne peux pas, je travaille, je... D'accord très bien, à vous également

Elle raccroche et s'approche de moi, saisit mes mains et les yeux brillants, elle me dit :

- Chérie... Il faut qu'on parle

Personne ne doit savoir  T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant