Soane

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Assise sur une chaise, face au visage hésitant de ma mère, j'attends qu'elle daigne ouvrir la bouche. Elle prend une profonde inspiration avant de m'annoncer :

- Soane a été récupérée par la police et vu qu'elle n'a pas d'appartement... ils m'ont appelé sur sa demande, pour savoir si je pouvais l'accueillir... Le temps qu'elle trouve un logement.

- Tu leur as répondu quoi ?

- J'ai accepté bien-sûr. Elle arrive demain soir en taxi. Je vais essayer d'être là pour son arrivée.

- Ne t'inquiète pas. Je serai là pour l'accueillir si tu n'es pas à la maison. Bonne nuit, je t'aime

Je remonte les marches le sourire au lèves, ça pour une bonne nouvelle ! Soane va venir vivre à la maison avec nous, avec moi. Comment s'habille-t-elle ? Aime-t-elle les films romantiques ? Emma va la kiffer à coup sûr ! D'ailleurs, pour demain, je sais déjà quoi lui raconter !

Lorsque mon réveil sonne et cette fois, je bondis dès le premier son. Je m'habille, me coiffe et me maquille en dix minutes, un temps record. Je descends dans la cuisine et rejoins ma mère pour boire mon verre de vitamines. Elle s'approche et m'embrasse, me demande si j'ai passé une bonne nuit. Lorsque la voiture ralentis devant la gare, je demande :

- Tu crois qu'elle se souviendra de moi ?

- J'en suis sûre.

Je lui fais un dernier bisou et je monte dans le bus. Perdu dans mes pensées, le trajet me paraît court. Arrivée au lycée, je me rends directement au point de rendez-vous et Emma est déjà là. Je lui déballe tout. La bouche grande ouverte, elle n'en croit pas un mot, répétant sans cesse « Mais nonnnn ! Juuuureee ? » ce à quoi je réponds « Mais ouiiii si je te le dis !!! ». La sonnerie retentit, je l'embrasse affectueusement avant de me diriger vers ma salle de cours.

La matinée m'a semblait interminable. De retour à la maison, après avoir longuement marché, je me décide à faire le lit de Soane avec les quelques draps trouvés par-ci par-là. Je suis si excitée ! Je crois que l'être humain ne prend pas assez conscience de la rapidité de son cerveau et de ses mouvements lorsqu'il a hâte. Si les devoirs fonctionnaient ainsi également, tout le monde serait surdoué !

La pendule annonce seize heures et je ne tiens pas en place. J'enfile une belle robe blanche, je blush mon visage et coiffe mes cheveux, il ne manque plus qu'elle. Quelques minutes plus tard, j'entends une voiture ralentir et se garer dans notre allée. Je bondis du sofa et cours vers la porte, je l'ouvre avec un grand sourire. J'aperçois une silhouette élancée sortir, un gros sac à la main, elle s'avance, c'est Soane. Est-ce qu'elle a vraiment toutes ces affaires dans ce sac Personnellement, je n'y rentrerai pas le quart des miennes. Sans compter mes chaussures et mes produits de beauté, il me faudrait au moins... trois valises ! Elle paraît si sûre d'elle que je ne peux réfréner de faire un pas en arrière. Au fur et à mesure qu'elle se rapproche de moi, mon sourire s'efface en l'observant attentivement. Non pas parce que je suis déçue, mais parce que je viens de comprendre que nous ne sommes pas du même monde. Elle fait à peu près ma taille. Soane a de longs cheveux noirs, des yeux sombres et une bouche bien dessinée qui reste figée bien droite, comme si aucune émotion ne passait à travers son âme. Cela me fait frissonner, j'ai l'impression d'avoir une inconnue en face de moi. Et c'est un peu le cas... Elle porte un t-shirt et un jogging Nike noir, quelques bijoux et une chaîne en or autour du cou. Elle est bardée de tatouages, bien que je ne les voie pas très bien et un piercing au nez. Elle n'a pas l'air très sociable. En tout cas ce n'est pas à elle que je demanderai conseille dans un magasin. Soudain, je me fais expulser de mon analyse :

- Tu regardes quoi comme ça ?

- Hein ??

- T'as jamais vu de tatouage de ta vie ?

- Si si je... Je me suis imaginée si longtemps à quoi tu ressemblais que je suis surprise.

- Toi, tu es comme je l'imaginais. Toute sage. Comme ta mère.

Cette remarque me vexe, mais je ne dis rien. Elle est peut-être cash sans vouloir être blessante. Je lui fais visiter la maison, mais évidemment ce qui l'intéresse le plus est sa chambre.

- OK ! donc, c'est ma chambre

- Oui

- Y'a pas de verrou ?

- Heu... non. De toute façon ici il n'y a que moi alors...

- Ouais OK. Ben, rentre pas dans ma chambre ( Soane commence à sortir ses affaires pour les ranger dans l'armoire. Elle pose des jeux vidéo sur son lit. Dans son sac, je crois apercevoir des caleçons)

- Qu'est-ce que tu fais encore là ? L'intimité, tu connais ?

- Oh ... Oui pardon

Et sans réfléchir, je pars dans ma chambre, rouge de honte. Pourquoi une fille mettrait des caleçons ? À vingt heures, je me décide enfin à bouger de mon lit, prendre une grande inspiration puis frapper à sa porte :

- Ouais ?

- Tu veux manger quoi ?

- RENTRE, J'ENTENDS RIEN.

Je rentre pour répéter ma question. Sa chambre est enfumée de partout, une odeur bizarre flotte dans l'air et je ne peux pas m'empêcher de tousser. Quand je relève enfin la tête, je vois Soane vêtue d'une brassière et d'un short de foot, affalée sur son lit. Elle a des abdos du feu de dieu, des tatouages plein le corps, mais je n'ai pas vraiment le temps de regarder. Je me contente de reposer la question, les yeux baissés :

- Tu... Veux manger quoi ce soir ?

- Comme tu veux ! Comment on ouvre la fenêtre, je n'y comprends rien.

Je m'avance pour lui montrer, même si je crois qu'elle ne regarde pas vraiment. Sa chambre est déjà en bordel, son sac est toujours par terre et certaines de ses affaires sont apparemment faites pour décorer le sol. À peine ressortis de sa chambre, je prends une grande bouffée d'air. Comment fait elle pour respirer là-dedans ? Je descends préparer le dîner : pâtes bolognaises pour ce soir.

Lorsque maman rentre de son travail, Soane est affalée sur le sofa. Maman salue Soane de loin, ce à quoi cette dernière répond rapidement de la même manière, mais sans plus. Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi maman à t- elle l'air un peu gênée ?

J'ai une tête de zombie au réveil. J'ai du mal à m'habiller. Je descends prendre mon verre de jus, et comme d'habitude, je pars pour aller en cours d'histoire. Ma tête est si lourde !

À onze heures cinquante, la sonnerie retentit, ouf ! sauvé ! je vais pouvoir retrouver Emma.

- Wow, sale nuit ?

- Tant que ça ?

- Oui

Cette fois, nous allons au supermarché. Sur le chemin, je lui raconte en détail ma soirée et elle fait de même. Elle l'a passé au téléphone avec son petit ami, Jean et elle va peut-être partir le voir pendant ses vacances, car il habite loin. Moi, ma mère ne me laisserait jamais faire cela.

Le reste de la journée se déroule autour de Soane, tant dans mes pensées que dans mes conversations avec Emma. Mes cours se finissent à quinze heures trente. Inutile de courir pour le bus à la fin des cours, il n'est qu'à seize heures. Sur le trajet, je ne pense qu'à ma sœur. Dort elle encore ? A-t-elle réussi à allumer la plaque chauffante

J'ouvre la porte et un calme fou règne dans la maison. Je monte alors à l'étage et croise ma sœur, apparemment revenue de footing :

- À bah t'es déjà là ?

- Oui, je finis plus tôt le jeudi

Elle fait un geste de la tête et part dans sa chambre. Quant à moi, je pars m'allonger sur mon lit, pour fermer les yeux quelques minutes.

Personne ne doit savoir  T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant