Dernier liquide avalé : jeudi 9 février vers 20h. Oasis
Vendredi 10 février 11h32. J'ai mangé un burger. Normalement c'est assez sec. Ça fait un peu étouffe chrétien. J'ai soif mais je ne boirai pas. Avec un peu de chance cette fois ça fonctionnera même si je sais qu'il faudra tenir longtemps. Parce que j'ai déjà tenu 3j sans boire a 16 ans quand j'ai fait une grève de la soif. Il faut que je fasse plus. D'un côté j'ai envie de survivre. Pour elle surtout. Mais d'un autre côté c'est tellement plus facile de juste arrêter de combler mes besoins vitaux et mourir tranquillement en quelques jours. Pour le moment je ne bois pas et j'espère tenir. Je vais essayer de ne plus manger non plus. Pour ne pas m'hydrater malgré moi. Je veux juste dormir
13h38. Pas dormi. Aucune volonté de rien. J'ai une grosse boule un peu douloureuse dans la poitrine. Et comme une sensation de vide. Pas seulement mental, un vide dans ma gorge. Mais ça va c'est rien j'ai souvent ça. On tient
18h49. Ça fait presque 24h et finalement on s'habitue. Je ne sens presque plus la soif ni l'arrière goût un peu désagréable et âcre dans ma bouche. Lèvres gercées mais franchement c'est le cadet de mes soucis. Si jamais je ne suis toujours pas morte d'ici mercredi, je pense que je partirai à Amsterdam remplir mon corps de drogue et vider mon esprit. À défaut de mourir, au moins je peux tout oublier. Prochain challenge : ne pas avaler l'eau de la douche parce qu'il est hors de question de rester sale comme ça. C'est un énorme effort de débarrasser la douche mais je n'en ai pas pris depuis 4 jours, ça gratte et ça devient impératif. Je vais bien fermer la bouche et pincer les lèvres
20h49. Rien ne change, comme d'hab je rate tout. Vivement la mort. C'était pas si facile de ne pas avaler l'eau de la douche en ayant soif et en sachant qu'elle était potable. Mais il faut que je tienne pour me libérer et libérer tout le monde. Encore quelques jours de souffrance et puis plus rien. Ça vaut le coup. Ça vaut tellement le coup parce que quand j'essaye de vivre je n'arrive à rien, je rate tout. Je voulais aller au théâtre mais évidemment j'ai raté le jus enfin il n'a pas voulu s'arrêter. Je rate tout quand j'essaye de vivre, espérons qu'au moins je n'echouerai pas à mourir
23h05. J'ai mangé deux cheese-naans et je m'en veux un peu. Maintenant j'ai moins soif et je n'arrive pas à trouver sur internet si on peut s'hydrater en mangeant. Bon avec des fruits et des légumes c'est certain mais avec des cheese-naans j'espère que non... Plus de 24h sans boire une goutte. J'espère que mes plans ne seront pas contrariés. Je me laisse jusqu'à mardi, maximum mercredi pour mourir. Après j'abandonnerai. Mais normalement si je ne bois rien et que je restreins beaucoup ce que je mange, juste à des choses sèches et pas trop souvent, je ne devrais pas tenir aussi longtemps. Je suis déterminée comme je ne l'ai jamais été mais j'ai l'impression que je ne le suis toujours pas assez. En tout cas, je suis sereine à l'idée que dans quelques jours je serai morte. C'est bien, assez lent, pas trop brutal donc pas de raison d'avoir peur. Une souffrance normalement pas insupportable non plus. J'aimerais tellement me faire guillotiner, ça serait si rapide... Mais en attendant la mort je vais juste continuer de vivre ma vie presque normalement pour ne pas me retrouver à l'hôpital réhydratée de force
Samedi 11 février 8h28. Je ne pense presque plus à ma soif. Je la sens moins. Quand même la bouche sèche et pâteuse, avec un sale goût. Mais tant mieux, c'est que je meurs doucement. Je suis vraiment sereine à l'idée de ne plus exister d'ici quelque jours
23h09. Dormi toute la journée pour ne pas sentir la soif. Réveillée depuis 17h, un peu mal au ventre mais c'est supportable. J'ai mangé des tenders KFC, j'espère avoir assez de volonté pour que ce soit mon dernier repas. J'ai pu finir un poème hier soir, ça fera au moins quelque chose de terminé avant de mourir. Par contre j'ai avalé quelques gouttes d'eau dans la douche et ça fait chier. J'ai essayé de m'essuyer la bouche et de cracher mais trop tard c'était avalé. La c'est sur que je ne mourrai pas en 3 jours malheureusement. Mais d'ici mardi j'y crois encore. Je me sens apaisée aujourd'hui. Vraiment sereine à l'idée de mourir bientôt. Ça ne sera pas trop brutal, mes proches auront eu une semaine pour se faire à l'idée. Ça sera presque naturel. Aucun signe de déshydratation sévère pour le moment. Pas de fièvre, pas de nausées, peu mal à la tête, ma peau ne reste pas pliée quand je la pince, je n'ai ni crampes ni troubles neurologiques. Est-ce qu'en dormant beaucoup je pourrais échapper à tout ça ? Enfin je veux bien juste la sécheresse pour être sûre que je suis bien en train de mourir doucement et la fièvre mais c'est tout
00h47. J'ai pas mal marché dans Paris après m'être enfuie d'un taxi parce que je suis complètement folle. Je commence à sentir la déshydratation. Je sens que mon coeur bat plus vite et fait un effort. Tant mieux. Plus je ferai d'efforts et plus je mourrai vite. J'espère aller jusqu'à l'arrêt cardiaque. Il faut que je poste cette foutue lettre. Et ensuite je rentrerai à pieds ou peut-être que j'errerai simplement dans Paris. Pour fatiguer mon coeur et qu'il s'arrête enfin
Dimanche 12 février, 2h17. Les premières nausées et les premières douleurs musculaires sont là, dans le dos et les cuisses. Ma gorge me pique, c'est bien acide. Mes genoux tremblent un peu. Je sens que cette nuit de marche dans le froid parisien va accélérer le processus
7h50. Ça y est les signes apparaissent. Urines acides, difficultés à manger et à déglutir, ma peau s'assèche doucement et laisse de légères marques quand je la pince. J'ai l'impression que mes genoux et mes chevilles sont complètement gelés et engourdis. J'entends mon coeur qui fait un bruit très moche et mes membres me tirent. Je suis gelée et tremble de froid. J'espère qu'une hypothermie désirée viendra prêter main forte à la déshydratation pour me terminer. Je crois que ça va. Je suis sereine. J'ai passé la nuit à marcher dans le froid en chantant pour bien fatiguer mon coeur et je crois que ça a marché. Bientôt la mort, la paix, la délivrance. Finalement si je tiens malgré mon envie de soda et de jus d'ananas, peut-être que je peux espérer mourir d'ici la nuit de lundi à mardi
13h44. Tentative avortée. Tant pis, il va falloir vivre. Pas prête à recommencer de sitôt. J'ai douté et je n'arrivais pas à dormir alors j'ai craqué et bu. Peut-être qu'il y aura de belles choses plus tard, en tout cas en ne mourant pas dans la semaine je m'en laisse l'opportunité.
Fin de cette chronique.