𝐏𝐥𝐚𝐲 𝐭𝐡𝐞 𝐆𝐚𝐦𝐞 | ᴡs

𝕍. ᴀ ᴋɪɴᴅ ᴏғ ᴍᴀɢɪᴄ

William, les yeux dans le vague, regardait distraitement ses chaussures frapper le sol au même rythme que celle de la personne sur sa gauche, seules sources de bruit dans le silence des couloirs. Tous les élèves étaient rentrés en cours, et les seuls autres échos qui leur parvenaient parfois étaient ceux d'un professeur haussant la voix ou d'un éclat de rire s'échappant d'une salle de classe.

William ne put empêcher un petit sourire de glisser sur ses lèvres. S'il avait effectivement pas mal réfléchi à ce concours, ou plutôt à son partenaire, durant le week-end, il n'imaginait pas retomber sur lui si rapidement. Après tout, habituellement, ils ne se croisaient jamais, et il avait pensé devoir attendre une récréation ou la pause déjeuner pour essayer de l'intercepter, tout en pariant sur la chance car il ne connaissait rien aux habitudes du jeune Holmes.

Ce matin-là, de nouveau, Albert avait été convoqué en avance pour une réunion du conseil des élèves de sa propre école. Puisqu'il devait partir seulement quelques minutes avant Louis, et passait devant leur établissement, il avait proposé de les emmener en voiture avec lui (son secondaire, contrairement à celui de ses cadets, était rattaché directement à l'école préparatoire dans laquelle il comptait entrer plus tard, mais était situé bien plus loin de chez eux ; c'était donc Jefferson Hope - leur chauffeur attitré - qui le déposait et le ramenait chaque jour, passant parfois récupérer les plus jeunes également si les horaires concordaient ou si la situation l'exigeait), et ses deux frères avaient accepté.
Cependant, William devait avouer qu'il ne pensait pas que ce fait serait si bénéfique. Quoique, ce n'était certainement pas l'avis de Louis... Il ne comprenait pas exactement pourquoi son petit frère réagissait de cette manière, mais il se disait que ça finirait bien par passer. En attendant, il espérait qu'il ne soit pas trop vexé qu'il ait choisi de rester avec Sherlock Holmes. Avec Sherlock Holmes...

Il regarda ce dernier prendre un virage à gauche juste avant les escaliers, rallongeant encore un peu plus le trajet l'air de rien. William sourit en lui emboîtant très naturellement le pas. Depuis le début de leur escapade, aucun ne parlait, mais le silence n'était absolument pas inconfortable.

Quel besoin de s'exprimer à haute voix ? Cette espèce de connexion naturelle entre eux, comme si chacun pouvait savoir exactement ce que pensait l'autre, prévoir ses réactions et comprendre ses intentions en un regard, était une sensation nouvelle et exaltante. William avait toujours su comprendre les autres si facilement, même si cela impliquait de se mettre « à leur niveau » de pensée ; mais là, c'était différent. Il comprenait parfaitement Sherlock, sans avoir besoin réfléchir à comment il pouvait bien fonctionner, puisqu'il savait, il sentait, comme un fait irrémédiable, qu'il était exactement comme lui. Et, par conséquent, il savait que la réciproque était vraie. Se sentir à ce point sur la même longueur d'onde que quelqu'un était une chose qui ne lui était jamais arrivée, et il n'aurait pas pu imaginer y prendre goût à ce point.

C'était, au fond, quelque chose qu'il avait toujours désiré, sentir que quelqu'un le comprenait réellement, et il avait pu effleurer cette sensation grisante les premières fois qu'il avait interagi avec Holmes, sans vraiment oser approfondir le contact. Et maintenant qu'il avait l'occasion d'en profiter pleinement, il fallait avouer que cela lui montait agréablement à la tête, comme si la présence du jeune homme était une drogue qui pourrait le rendre doucement dépendant. Mais cela ne le dérangeait pas ; il espérait même vivement que la réciprocité à son état d'esprit s'étendait jusque là. Il savait que Sherlock ressentait la même chose que lui, et donc que lui aussi devait se laisser enivrer par cette délicieuse sensation, mais la pensée qu'il puisse y devenir accro le fit imperceptiblement frissonner.

Depuis quand n'avait-il pas ressenti une telle exaltation ? Depuis quand ne s'était-il pas senti si éveillé, si vivant ? L'adrénaline qui parcourait son corps lorsqu'il était avec son nouveau partenaire l'emballait inexplicablement, tout comme ce sentiment, nouveau, apaisant, d'être parfaitement à sa place. Une chose était sûre : maintenant qu'il y avait goûté, il lui était impensable d'y renoncer un jour.