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Une rue déserte.

La nuit est tombée sur la ville, l'enveloppant d'une obscurité tenace. Les lampadaires alignés au bord du trottoir peinent à la combattre, leur halo pâle noyé par l'ombre d'une brume noire qui se lève peu à peu. Une ampoule grésille, puis s'éteint.

L'immobilité de ce décor est rompue par des pas précipités et une respiration sifflante. Un homme court, peinant à reprendre son souffle, le visage ruisselant de sueur. Il est blafard. Il jette un regard derrière lui, et une grimace d'anxiété déforme ses traits.

Il poursuit sa course, son regard de bête traquée vérifiant nerveusement qu'il n'est pas suivi. Il s'engouffre dans une allée, commence un soupir de soulagement qui se finit en exclamation étouffée.

Une silhouette se tient debout devant lui.

-Qu'est-ce que tu fais là ? Co- comment t'as fait ça !? s'écrie l'homme, perdant ses dernières couleurs. Putain de merde ! Je rêve, je... je rêve-

La silhouette fait un pas vers lui.

-Bouge pas ! tressaille l'homme. Reste où t'es !

D'une main agitée de violents tremblements, il sort de l'intérieur de sa veste un revolver qu'il braque sur la silhouette. Le canon oscille de haut en bas au rythme de sa peur.

-Bouge pas, répète-t-il en balbutiant, je te jure, je tire...

L'autre n'en fait rien. Il avance d'un nouveau pas, et les ombres de la rue semblent se pencher sur lui avec intérêt ; son visage finit tout de même par apparaître à la lumière, révélant un jeune homme d'une vingtaine d'années, les cheveux noirs et raides, les yeux sombres, l'expression d'une indifférence où perce quelque chose d'étrange -ni haine, ni colère, ni même ennui, mais quelque chose de presque... solennel.

-Bouge.... b....

L'homme tire. Il vide son chargeur, pris de la folie du désespoir, et l'écho des coups de feu résonne dans les rues vides. Quand il baisse son arme, une étincelle d'espoir s'est rallumée dans ses yeux -et meurt aussitôt lorsqu'il voit son poursuivant debout, l'expression inchangée, ne présentant strictement aucune marque de blessure. Aucun son ne franchit plus les lèvres de l'homme. Elles béent, frémissantes, expirant toute leur horreur.

Face à lui, le jeune homme s'est arrêté. L'instant se dilate en une éternité d'angoisse. Ses yeux sont sans fond. Sans émotion. Fatals.

Sans aucun signe avant-coureur, alors il ouvre les bras -et soudain jaillissent de son dos deux ailes noires, immenses, qui se déploient de toute leur envergure avant de refermer leurs ténèbres crochues sur leur proie.

L'homme hurle. 

Chasing loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant