XIII. Matin brûlant.

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DALLAS – 4 décembre, 05 heures 08 minutes.

Assise contre la tête de lit rembourrée, la couverture épaisse étroitement serrée entre mes bras et le regard fixant un point invisible ; je me remémore involontairement le cauchemar duquel je suis sortie il y a une vingtaine de minutes. Des cris m'ont brutalement extirpé de celui-ci, mais impossible de savoir s'il s'agit des miens ou non.

– Milo ne fait pas de cauchemars. Je murmure pour moi-même, finissant de me convaincre que c'était bien moi.

Cela fait maintenant quatre jours que nous sommes dans cet hôtel, Milo ne m'avait pas menti quand il décrivait cette semaine comme chargée. Cependant, il n'a finalement pas pris la peine de m'informer du programme de celle-ci. Il me prévient dix minutes en avance, en général, puis nous partons en voiture vers un lieu inconnu pour rencontrer des gens plus riches et plus malsains les uns que les autres. À chaque trajet vers ces rencontres, je ne peux m'empêcher de me torturer l'esprit à l'idée que nous nous dirigeons vers Nikolaï ou ses « alliés ».
Et lorsque nous arrivons sur le lieu de l'entretien, tout mon corps se met systématiquement en alerte, malgré les efforts que je déploie pour rester neutre. Mon état d'esprit n'échappe bien évidemment jamais au regard pénétrant de l'armoire à glace qui ne se prive pas de me réprimander odieusement. Je me sens humilié un peu plus à chacune de ses phrases qui me ramènent sans cesse à ce que je suis, d'après elle...

Stupide.

Lâche

Gamine

Entre les rendez-vous éprouvants, l'humeur massacrante de Milo et les scénarios angoissants qui me torturent l'esprit, ma tête laisse – plus qu'à l'accoutumé – libre court à mes cauchemars. Cette nuit encore, j'ai vu Isaac, mais elle était aussi présente. Les commentaires désobligeants de Milo et l'attitude instable qui les accompagne n'y sont sûrement pas pour rien.
Mais malheureusement, ou heureusement, je suis forcée de les subir. Youri, de son côté, reste distant et je le comprends. Les paroles que je lui ai crachées au visage l'ont blessé et c'est compréhensible.

Mais c'est mieux ainsi.

Je pense qu'en me rappelant la promesse que je me suis faite, j'ai été trop crédule, comme d'habitude. Moi qui pensai que ce défaut m'avait quitté après les expériences auxquelles j'ai fait face ces dernières années.

Combien ?

Je ne saurais pas dire combien d'années cela a duré, je me suis arrêtée de compter à six hivers. J'ai actuellement vingt et un ans, vingt-deux en février prochain, mais je ne connais pas la date exacte. Je crois me souvenir que Nikolaï m'a prise lorsque j'avais environ dix ans, là encore, impossible de donner un nombre exact. Ce qui ferait approximativement

Onze ans.

Onze longues et douloureuses années.

Mais je suis encore là, pas entière.

Mais présentes...

Bastet ne s'est pas rendormi, lui non plus, il doit sentir que je ne vais pas bien. Ses petites pattes avant appuyées sur mes cuisses repliées en tailleur, il m'observe silencieusement. Ses yeux vert similaires aux miens m'attendrissent. Je ne veux pas qu'il s'inquiète pour moi, mais je ne pourrais pas dormir davantage.
Morphée m'a abandonnée pour cette nuit et je n'en suis qu'à moitié déçue. Machinalement, j'attrape mon livre fétiche, fidèlement posé sur la table de chevet, il n'attend plus que je l'ouvre afin de m'emporter dans la fantaisie de ses pages. Ce qui ne tarde pas à arriver...


Mon réveil sonne en me sortant brusquement du sommeil qui m'a rattrapé il y a une trentaine de minutes. La tête pleine d'images liées à l'univers d'Harry Potter, j'ai accepté d'y céder sans avoir trop peur de mes démons.

Nos Ombres Rouges - TOME 1 ( Corrigé )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant